Ce que je pense : Bukangalonzo et l’effondrement d’un rêve dans le secteur agricole

Ce que je pense est que la vérité est plus forte que le mensonge. Elle résiste à l’usure du temps. Quelle que soit la puissance de la personne ou de l’institution qui ment, la vérité finit toujours par triompher. Tout simplement parce que l’homme ou l’humanité est toujours à la recherche de la vérité qui constitue par essence le fondement de la justice. Dieu dit : « la justice élève la nation ». L’on ne peut pas à la fois chercher l’élévation de la nation et favoriser le mensonge. Or, le rapport de l’Inspection générale des finances (IGF) n’est qu’un chapelet des mensonges et de contre-vérités. En effet, comment peut-on attribuer à quelqu’un le détournement d’un géant équipement qui se trouve bel et bien sur le site et sans que personne ne l’ait jamais retiré ? Comment peut-on responsabiliser un premier ministre dans le détournement des fonds alors qu’il n’était nullement impliqué dans la gestion technique et financière du projet ? Comment un haut responsable d’une institution publique de contrôle financier peut-il confirmer l’existence d’un compte écran pour détourner les fonds alors que pour les banquiers, le compte n’a jamais existé ?

Ce que je pense est qu’en tout temps et en tout lieu, la lumière vaut mieux que l’obscurité. Tout simplement parce qu’il est plus facile de construire solidement et de progresser durablement sous l’éclairage que dans l’obscurité. En effet, la lumière vous montre le chemin à suivre, vous prévient des obstacles, vous met à l’épreuve, permet de vous armer, et de vous défendre ; enfin, elle vous guide à l’objectif. La lumière rime avec transparence, la recherche de l’efficacité, de l’objectivité, et du résultat de qualité. Or, la mission d’enquête de l’IGF a évité à dessein la transparence et l’objectivité. En effet, la responsabilité de l’entreprise gestionnaire ayant signé le contrat avec l’Etat congolais a été occultée, celle des ministres signataires du contrat de partenariat avec l’entreprise a été escamotée. Par ailleurs, les règles élémentaires d’audit n’ont pas été respectées, l’objectif premier étant d’incriminer la personne visée. Voilà pourquoi les conclusions du rapport de l’IGF ne pouvaient qu’être partiales.

Ce que je pense est que le fond vaut mieux que la forme. Tout simplement parce que tout ce qui est beau n’est pas nécessairement bon. Tout ce qui est bon n’est pas nécessairement beau. Et dans tous les cas, le fond et la forme valent mieux que l’un de deux pris séparément. Le Fond plonge ses racines dans la consistance, la densité et la qualité ; elle rime avec l’excellence. La forme quant à elle a la mission d’embellir le contenu de manière esthétiquement attrayable. Elle s’apparente également à l’excellence. Par contre dans d’autres cas, elle se limite à l’apparat, à l’impression, aux procédés, voire au sensationnel. Dans ces cas-ci, elle cache le faux et finit par rimer avec la médiocrité. Sur base du Fond, l’Inspection générale des finances était obligée de faire un travail fouillé capable d’établir de manière objective la responsabilité des uns et des autres dans l’affaire du « présumé détournement des fonds publics » dans le projet du parc agro-industriel de Bukangalonzo. L’objectif étant d’éclairer la communauté tant nationale qu’internationale sur les tenants et aboutissants de la question. Malheureusement, c’est la forme qui a prévalu. Aucune preuve de détournement des fonds publics décaissés du Trésor n’a été produite dans le rapport qui par ailleurs a été caché au principal responsable incriminé, mais remis aux journalistes pour le besoin de la cause. C’est une personne révoltée par l’injustice de l’IGF qui a finalement extirpé le rapport d’enquête et l’a rendu disponible. Ce rapport a été distribué à beaucoup de gens et constitue, en n’en point comprendre, un non-événement. Tout le monde peut s’étonner de son contenu : Il est vide ! Il ne s’y trouve  que  des simulations et des affirmations gratuites. On y parle notamment de responsabilité intellectuelle pour manque d’études appropriées pour un projet qui a bénéficié de près de sept études de qualité réalisées notamment par des cabinets de renommée internationale ! On parle de responsabilité indirecte, sans démontrer la responsabilité directe du ministre délégué aux finances. Inimaginable ! Et pour combler le déficit chronique de fond, l’IGF, qui aurait été la grande muette, a recouru à la puissance de la communication à la radio, à la télévision et dans les réseaux sociaux pour persuader et convaincre le monde sur ses conclusions préméditées. Malheureusement, même certaines chaines de radio internationales réputées sérieuses comme Radio France Internationale (RFI), dont certains journalistes n’ont pas la rigueur professionnelle requise, ont été mises à contribution. Qui l’aurait cru ? C’est bien triste, car encore une fois, l’IGF a privilégié la forme par rapport au fond qui demeure creux.

Ce que je pense est que le Faux ne résiste jamais à la force du Vrai, et ce, quelle que soit la longueur du temps. Ce qui est vrai est que le projet des parcs agro-industriels demeure pertinent pour ce géant pays au coeur du continent africain ; et il le demeurera quelles que soient les contre-vérités des uns et des autres. Il rentre dans le cadre d’une politique visant la modernisation du secteur agricole. L’on ne peut pas imaginer répondre aux besoins alimentaires d’une population de près de 90 millions d’habitants avec la production d’une agriculture artisanale ! La révolution du secteur agricole est un préalable au développement des pays africains. Et elle s’impose à la RDC. Bukangalonzo était un projet test qui s’inscrivait dans un mégaprojet de 22 parcs agro-industriels qui devaient être disséminés dans l’ensemble du pays. Un projet qui avait pour ambition de résorber progressivement le déficit alimentaire dans lequel est plongé l’ensemble du pays, et d’économiser en termes de devises, près de deux milliards de dollars américains dépensés annuellement pour l’importation des denrées alimentaires. Un projet très apprécié par les institutions internationales et régionales spécialisées du développement qui pensaient que plusieurs pays au sud du Sahara s’en inspireraient. Effectivement, d’autres pays africains ont lancé leurs parcs sur base du modèle congolais. Malheureusement, le projet de Bukangalonzo a été combattu par un groupe d’importateurs des produits agricoles en intelligence avec les opérateurs politiques qui l’ont saboté juste après mon départ de la primature en décembre 2016.

Ce que je pense est qu’il y a une question fondamentale qui demeure curieusement sans réponse jusqu’aujourd’hui. Et, il est anormal du point de vue de politique économique que personne ne souhaite se la poser : qui a ordonné l’arrêt fatal de ce projet ? Si le projet est jugé pertinent par la majorité de gens, y compris par les enquêteurs de l’inspection générale des finances, il est important de connaitre le nom de la personne qui a instruit le ministre des finances de ne plus assurer le financement de ce projet. Est-ce l’ancien Président de la république ? Certainement pas. Est-ce les premiers ministres qui se sont succédés ? Il semble que non. Est-ce les ministres qui ont dirigé le département de l’agriculture après décembre 2016 ? il semble que c’est non. Parce que le ministre de l’agriculture du gouvernement a reconnu la pertinence du projet et a même tenté, à son corps défendant, de le relancer. Quatre ans et demi après mon départ, quatre Premiers ministres se sont succédés, mais aucun état des lieux d’un projet aussi ambitieux et important pour le pays n’a été fait ! Ne fut-ce que pour examiner la problématique du projet et savoir s’il faut le relancer ou pas. Pendant ce temps, la quasi-totalité de matériels du parc (Tracteurs, avions épandeurs, etc.) a été cannibalisée et vandalisée. Des dizaines de containers contenant des équipements et autres produits rendus sur le site sont restés fermés pour des raisons inconnues ; d’autres ont été abandonnés à des transitaires comme s’ils n’appartenaient à personne ! Tout le monde se complait à jouer le jeu des pourfendeurs du projet qui se félicitent d’avoir tué dans l’œuf un projet vital et gigantesque pour des millions des congolais. L’IGF se félicite d’avoir hypnotisé tout le monde qui n’ose pas se poser la vraie question : « Qui est le principal responsable de la débâcle de Bukangalonzo » ? Des contre-enquêtes menées récemment sur le dossier, notamment celles réalisées par les 4 journalistes ont tenté de pointer du doigt le vrai coupable. Mais, personne ne veut y croire. Tôt ou tard, la réponse à cette épineuse question sera connue et les Congolais se rendront compte que le vrai coupable était ailleurs et qu’ils auront été victime d’un complot. Wait and see.

Kinshasa, le 28 mai 2021.

Ce que je pense : Les quatre réquisitoires du Procureur et l’acharnement politique

Ce que je pense est qu’il est anormal qu’en moins de deux mois, un sénateur puisse faire l’objet de quatre réquisitoires d’un seul procureur général près la Cour constitutionnelle. Le premier date du 28 avril et demande à l’assemblée nationale et au sénat d’autoriser la levée des immunités de deux députés nationaux et deux sénateurs, dont moi-même. Dans sa requête, le procureur recommande qu’en ce qui me concerne, la procédure se fasse par le congrès. L’objet principal est d’enquêter sur le présumé détournement des fonds publics investis dans les activités du parc agro-industriel de Bukangalonzo lancées alors que j’étais premier ministre entre 2012 et 2016. La requête se fonde sur les conclusions du rapport de l’Inspection générale des finances qui, à ma demande, a enquêté sur la gestion financière du projet suscité. Ce rapport, truffé de mensonges et contre-vérités, me paraît partial. Si la requête du procureur général d’enquêter sur le présumé détournement reste pertinent, la procédure de levée des immunités sollicitée par ce dernier me concernant pose problème. Pourquoi le faire par le congrès, c’est-à-dire au cours d’une séance où tous les députés et sénateurs sont réunis ?

Ce que je pense est que cette demande de procédure du procureur général ne nous paraissait pas fondée. Parce que la constitution stipule clairement en son article 166 que c’est plutôt le président de la république et le premier ministre en fonction dont la levée des immunités peut se faire par le congrès. Et une fois celles-ci levées, les concernés doivent démissionner. Donc, un ancien premier ministre que je suis n’est pas concerné par la procédure au Congrès. Voilà pourquoi les spécialistes en droit, particulièrement les constitutionnalistes, ont critiqué sévèrement cette proposition du procureur général, l’invitant à la retirer carrément. Certains collègues sénateurs n’ont pas hésité de s’opposer énergiquement à la proposition du procureur général cherchant à savoir les motivations profondes de cette requête. Nombreux ont vite compris que le procureur général voulait à tout prix s’assurer de l’aboutissement sans faille de la procédure concernant particulièrement le sénateur Matata. En effet, il est plus facile d’obtenir la levée de ses immunités dans une salle de six cent parlementaires, députés et sénateurs réunis, que dans celle de cent personnes composées uniquement de sénateurs dont on n’a pas le contrôle total.

Ce que je pense est que les sénateurs avaient totalement raison de s’y opposer. Parce que devant une violation flagrante de la constitution, contestée par ailleurs par l’opinion publique, le procureur général a dû revenir sur sa requête reconnaissant ainsi à l’assemblée nationale et au sénat la compétence de s’approprier la procédure de levée des immunités respectivement de députés nationaux et sénateurs concernés. C’était l’objet du deuxième réquisitoire daté du 12 mai 2021. Le procureur général n’avait pas tort de douter de l’aboutissement de sa requête parce qu’au cours d’une plénière durant laquelle la question a été débattue, les sénateurs ont remis en cause la compétence du procureur général près la cour constitutionnelle de pouvoir juger un ancien premier ministre, devenu sénateur, pour les actes posés à l’époque où il était en fonction. Pour les sénateurs, il y a un vide juridique parce qu’aucune disposition constitutionnelle n’indique la juridiction compétente pour juger un ancien président de la république ou un premier ministre honoraire pour des actes qu’ils ont posés alors qu’ils étaient en fonction. Certains sénateurs ont même suggéré que ce soit la Cour de cassation qui s’occupe du dossier, le premier ministre Matata étant devenu sénateur. Devant cet imbroglio juridique, les sénateurs ont décidé en plénière de renvoyer la requête du procureur général, jugeant ce dernier incompétent en la matière.

Ce que je pense est que l’échec de cette deuxième tentative procédurale a rechargé les énergies et batteries juridiques du procureur général en vue de trouver les voies et moyens d’atteindre son objectif principal, à savoir, la levée des immunités du sénateur Matata. C’est l’objet du troisième réquisitoire du 15 mai 2021 dans lequel le procureur qualifie la cour constitutionnelle de juge naturel du premier ministre. Donc, qu’il soit en fonction ou pas, la juridiction compétente devant juger le premier ministre est la cour constitutionnelle. Afin d’éviter de tomber dans les querelles du juridisme sans fin et ne pas donner l’impression que le sénat protège ses membres contre les poursuites pourtant justifiées, le réquisitoire du procureur est accepté. Une commission spéciale est constituée pour entendre le sénateur Matata et le rapport y relatif est présenté en plénière pour délibération et décision. Au terme d’un vote serré en date du 15 juin dernier, 49 sénateurs s’opposent à la levée des immunités du sénateur Matata contre 46 pour. Le réquisitoire du procureur général est donc rejeté. Que faut-il faire pour réussir absolument le coup ?

Ce que je pense est que la réponse à cette question se trouve dans le quatrième réquisitoire du 24 juin 2021 adressé toujours par le même procureur général au président du sénat. Un record jamais atteint par un autre premier ministre depuis l’indépendance. L’astuce est de trouver à tout prix un autre dossier pour contourner la plénière et obtenir la levée rapide des immunités du sénateur Matata. Ainsi, la requête du procureur sera déposée juste quelques minutes après la clôture de la session qui s’est effectuée le 28 juin 2021, vers 18 heures. Quelle synchronisation entre le parquet général et le bureau du sénat ! Pour bien réussir la mission, c’est un vieux dossier de paiement de créances de la dette extérieure effectué en 2012-13 qui est déterré. Dans sa requête, le procureur reproche à l’ancien premier ministre d’avoir, non seulement signé les protocoles d’accord avec des créanciers fictifs, mais aussi d’avoir ordonné des paiements et détourné près de 140 millions de dollars transférés aux créanciers fantômes en lieu et place des bénéficiaires réels qui sont pour l’essentiel des anciens propriétaires de biens zaïrianisés en 1973- 74. Cette fois, la condamnation est garantie. Saisi, le bureau du sénat, allant même au-delà de la demande du procureur qui sollicitait l’autorisation des poursuites dans son réquisitoire, comme il fallait s’y attendre, lève les immunités du sénateur sans pouvoir l’entendre conformément aux exigences en la matière. Auditionné au parquet général, le sénateur présente ses moyens de défense. N’ayant trouvé aucune preuve de détournement de fonds publics à sa charge, le procureur général décide du classement sans suite du dossier. Alors, que faut-il faire pour atteindre l’objectif recherché ?

Ce que je pense est que la réouverture inattendue du dossier Bukangalonzo constitue la réponse à cette question. Fatigué d’émettre de réquisitoires qui n’aboutissent pas, le procureur tente le tout pour le tout. Une invitation est envoyée en date du 16 juillet au sénateur pour comparaitre au parquet général près la cour constitutionnelle. Motif à signaler sur place. Cela sent le piège. Le sénateur, indisponible, se fait représenter par ses avocats qui découvrent que l’objectif de la comparution est le dossier Bukangalonzo. Les avocats s’étonnent et écrivent au Procureur général pour lui dire que leur client ne peut pas répondre à son invitation pour deux raisons principales. Premièrement, la plénière du sénat s’était déjà prononcée sur cette question par un refus formel communiqué au procureur par lettre n°0219/CAB/PDT/SENAT/MBL/EM/ pkg/2021 lui adressée par le Président du Sénat en date du 21 juin 2021. Deuxièmement, la levée des immunités est exclusive et concerne uniquement l’objet pour lequel elle a été demandée. La loi est donc de nouveau violée en vue d’atteindre l’objectif savamment programmé, celui de condamner le justiciable. Cela s’appelle tout simplement acharnement politique.

Kinshasa, le 28 juillet 2021

Ce que je pense : La Covid-19 et les perspectives économiques

Ce que je pense est que la Covid-19 constitue une menace qu’il faut prendre au sérieux à tout point de vue. Sur le plan sanitaire, elle tue et ne choisit pas qui il faut tuer. On a vu de personnes clés dans certaines familles mourir avec la pandémie et laisser leurs proches à la merci du désespoir et de la mort. On a vu certaines nations perdre les meilleurs de leurs filles et fils. De trésors pour le pays partir au-delà sans que l’on puisse avoir la possibilité de les remplacer, du moins dans l’immédiat. On a vu des dirigeants des pays perdre le contrôle de la direction de leurs pays à cause de morts massifs imprévisibles. On a vu en Europe de personnes perfusées dans leurs véhicules faute de place à l’hôpital ! Le cas de l’Italie, l’un des pays les plus développés, reste le plus frappant de l’histoire récente de la pandémie. En effet, ce cas continuera à rappeler au monde la cruauté d’un virus imprévu et inattendu qui peut remettre en cause l’acception selon laquelle il existe au monde des pays qui ont réussi dans le domaine médical et qui ont érigé un système de santé parfait capable de faire face à toute sorte d’éventualités. Faux et archifaux ! Car, on a vu les pays développés comme les Etats-Unis d’Amérique et la France tâtonner sur le protocole de traitement médical à administrer aux malades affectés par la pandémie. On a vu des pays européens incapables de fournir des masques à leurs citoyens. A contrario, la Chine, le pays le plus peuplé du monde d’où est apparu le virus, nous aura administré la leçon d’un pays non développé mais capable de se prendre en charge, de contenir l’expansion de la pandémie, et de préserver la vie de centaines de milliers de ses citoyens. Qui l’aurait cru ! Si la covid-19 n’a pas créé de ravages humains en Chine, elle l’a fait ailleurs dans le monde. A fin juin 2021, la covid-19 aura tué 3,9 millions de personnes dans le monde ; 1,1 million en Europe, 604 467 aux Etats-Unis, 141 650 en Afrique, et 924 en RDC.

Ce que je pense est qu’au-delà de l’aspect purement sanitaire, la covid-19 a impacté négativement l’économie du monde. D’une manière générale, les taux de croissance ont été soit négatifs, soit au plus bas de leurs niveaux, approchant le zéro pourcent. Les taux les plus négatifs ont été enregistrés aussi par les pays développés. A titre d’exemple, les Etats-Unis d’Amérique ont connu une croissance économique de -3,5 % en 2020. Au cours de la même année, les plus grandes économies européennes, à savoir l’Allemagne, la France et la Grande Bretagne, ont enregistré des taux de croissance respectivement de -5% ; -8,3% ; -9,9%. L’Afrique a été le continent le moins appauvri par la pandémie. Elle a enregistré en moyenne un taux de croissance de -3,5% en 2020. Certains pays ont connu plus de dégâts économiques que d’autres. C’est le cas de l’Ethiopie et la Guinée dont le taux de croissance ont été plutôt positifs respectivement de 6,1% et 5,2%. Mais, plusieurs pays africains ont vu plutôt leurs économies rentrer dans la récession. C’est le cas notamment de l’Afrique du Sud, l’économie la plus structurée du continent avec un taux de croissance économique de -7%. L’économie de la RDC a été, contre toute attente, épargnée de la récession. Le taux de croissance économique s’étant situé autour de 1,7% en 2020 du fait principalement de la résilience du secteur minier dont la production a tenu bon suite notamment à l’embellie des cours, et nonobstant les mesures de confinement prises par le gouvernement. La production s’est certes accrue. Malheureusement les recettes n’ont pas suivi. La valeur totale de ressources internes a plutôt baissé pour se situer à 7 019,9 milliards de Francs Congolais à fin 2020 contre 7 382,1 milliards de Francs Congolais à fin 2019. Ce qui n’a pas permis à la RDC de couvrir l’ensemble des charges contraignantes comme les salaires et le fonctionnement. En dépit des appuis financiers records obtenus du FMI, de la Banque mondiale et de la BAD, plusieurs institutions et services de l’Etat n’ont pas pu recevoir leurs dus mensuels. Certaines assemblées provinciales totalisent d’ailleurs plus de douze mois de retard de payement de leurs émoluments et frais de fonctionnement. Par ailleurs, la part de ressources publiques internes affectées aux dépenses d’investissements a périclité pour se situer à moins de 4 % contre plus 14% en 2014.

Ce que je pense est que les dégâts causés par la pandémie du point de vue humain et économique devaient permettre à tous les pays du monde d’examiner à fond leurs politiques et systèmes de santé pour non seulement, trouver des solutions idoines aux problèmes actuels du secteur, mais aussi pour anticiper la survenance d’autres cas de figure à moyen et long termes. C’est une urgence pour l’Afrique, et surtout pour la RDC. En effet, en observant, le nombre de morts qu’il y a eu d’abord en Chine, puis en Europe, et enfin en Amérique, tous les spécialistes ont prédit l’hécatombe en Afrique où le système de santé semble être le pire au monde. Pour de raisons qui restent encore à élucider, l’Afrique est curieusement le continent le moins affecté par la Covid-19, particulièrement en termes de perte en vies humaines. La question que l’on se pose est celle de savoir comment le virus peut-il tuer le moins possible là où le système sanitaire est le pire et les citoyens sont les moins vaccinés au monde ? S’agissant de la vaccination, certains pays occidentaux ont atteint un niveau de protection contre la covid-19 de leurs citoyens de plus de 50 %. La Chine vaccine près de 18 millions de citoyens par jour ! Un record mondial. Au dernier week-end de juin 2021, la Chine a atteint le chiffre de 21 millions de vaccinés par jour, soit 3 jours nécessaires pour vacciner la population française. Par contre, il existe de pays africains où même pas 1% de la population n’a été vaccinée. La RDC se trouve malheureusement parmi ceux-là. Non seulement, les Congolais sont très sceptiques quant à la pertinence de la vaccination, mais aussi sur le type de vaccin rendu disponible, à savoir Astra Zeneca. Ce vaccin aura été parmi le plus critiqué de tous les vaccins en termes d’efficacité à travers le monde, y compris en occident.

Ce que je pense est que l’Afrique doit reconstruire son système de santé. A cet effet, il faut des infrastructures hospitalières de qualité, de médecins bien formés (généralistes et spécialistes), et de bons plateaux techniques. Dans tous les cas, il faut de ressources financières suffisantes pour produire et acquérir des médicaments de qualité et en quantité suffisante. Ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. La part de ressources budgétaires réservées au secteur de santé est, en moyenne annuelle, de 7% en Afrique subsaharienne ces dernières années contre 15% dans les pays de l’OCDE et plus de 20% au Japon, en Suisse, en Nouvelle-Zélande, aux États- Unis et en Allemagne. S’agissant de la RDC, elle n’a affecté au secteur de la santé en moyenne annuelle que 7,5% de ressources budgétaires entre 2016 et 2019, ce qui est largement insuffisant. Evidemment, l’on ne peut espérer développer un pays avec un système de santé déficient. Au lendemain de l’indépendance, la RDC avait un système de santé parmi les plus performants en Afrique. Elle en a aujourd’hui parmi les pires. Il faut donc investir suffisamment dans le secteur pour espérer être à l’abri de l’assaut d’un virus qui serait plus virulent et plus dévastateur que la Covid-19. C’est une question de leadership et de gouvernance. En effet, il y a des pays en développement dont le système de santé fait la différence. C’est le cas de Cuba. Pour mémoire, on a vu des médecins cubains aller au secours des Italiens. Et l’on apprend que le Cuba est suffisamment avancé dans le processus de production de son propre vaccin contre la Covid-19. Donc tout est possible ! Sinon, l’Afrique continuera à évacuer ses filles et fils à l’étranger pour se faire soigner jusqu’au moment où les occidentaux refuseront de les accueillir pour plusieurs raisons. Aujourd’hui, il y a le visa covid qui sera exigé pour entrer en Europe. Demain, ça pourra être un visa fondé soit sur la fiabilité du système de santé national, soit sur le niveau de développement tout court. On voit des Africains, ne pouvant pas obtenir de visas de l’occident, s’y rendre. Autant anticiper le probable isolement du continent. Certains pays l’ont compris et s’y préparent depuis plusieurs années. La RDC devrait suivre leurs pas !

Kinshasa, le 04 juin, 2021.

Ce que je pense : Le procès Matata ou la bataille entre le « droit politique » et « le bon droit »

Ce que je pense est que le procès Matata sur le projet Bukangalonzo aura été en réalité une bataille du droit entre le Parquet général près la Cour constitutionnelle dirigé par monsieur Jean-Paul Mukolo et la Cour constitutionnelle conduite par son Juge président monsieur Dieudonné Kaluba. Le premier est un magistrat de carrière avec 35 ans d’expérience ; il est chef des travaux à la faculté de droit à l’Université de Kinshasa. Le second est un brillant avocat de carrière avec plus de trente ans d’expérience ; il est en même temps professeur de droit public dans la même université.

Le pugilat judiciaire entre le Parquet général et la Cour constitutionnelle s’est clôturé le 15 novembre dernier sous l’arrêt RP 0001, par lequel la Cour s’est déclarée incompétente de juger l’ancien Premier ministre et ses co-accusés, au grand étonnement de l’opinion tant nationale qu’internationale. En effet, presque tout le monde était d’avis que le match était joué d’avance et que le score était bien connu. Qu’il pleuve ou qu’il neige, monsieur Matata allait être condamné et jeté en prison pour plusieurs années, comme c’était le cas pour Vital Kamerhe.

Les prémisses de base de cette conclusion se fondaient sur le fait que la justice congolaise n’est pas totalement indépendante et qu’elle obéit souvent aux ordres du pouvoir politique. De ce fait, la plupart des gens pensaient que les poursuites judiciaires contre monsieur Matata étaient téléguidées, à la suite d’une procédure enclenchée contre ce dernier de manière cavalière, en des textes constitutionnel et légaux, aboutissant à une saisine de la Cour au forceps, car les bases juridiques pouvant justifier la saisine de cette dernière n’étaient pas évidentes. Si tel était le cas, ni le Procureur général, ni le président de la Cour, personne n’aurait eu la liberté de se soustraire d’injonctions d’en haut. 

Ce que je pense est que cette perception n’était pas nécessairement fausse. Parce que la façon dont le Procureur général s’est engagé pour obtenir coûte que coûte l’autorisation des poursuites contre monsieur Matata ne faisait l’ombre d’aucun doute qu’il s’agissait d’une démarche politique. En effet, personne ne pouvait s’imaginer qu’un haut magistrat de carrière à la tête d’un Parquet général composé de neuf haut magistrats, puisse se tromper trois fois de suite en trois semaines, pour trouver la voie légale de traduire en justice un ancien Premier ministre, devenu sénateur, pour des faits qu’il aurait commis dans ou à l’occasion de l’exercice des fonctions de Premier ministre. Tantôt, il fallait passer par le Congrès, tantôt par l’Assemblée nationale et le Sénat, tantôt enfin, par le Sénat. Cette perception s’est davantage renforcée lorsque, face au refus de la plénière du sénat d’autoriser les poursuites à l’encontre du sénateur Matata, le Procureur général s’est résolu d’introduire auprès du Bureau du Sénat, deux semaines après, un quatrième réquisitoire sur base d’un dossier monté à la hâte sur les « biens zaïrianisés », toujours dans l’objectif d’arracher le feu vert de la chambre haute. Ce dossier s’est révélé vide et devrait être classé sans suite. Le Procureur général s’en était même excusé en demandant pardon à l’accusé.       

Ce que je pense est que le procès Matata aura révélé au grand jour les limites d’indépendance des institutions politiques et de la séparation des pouvoirs dans un pays en développement. En effet, ayant échoué par la voie de la Plénière, le Procureur général près la Cour constitutionnelle s’est mis en intelligence avec le Président du Sénat pour contourner le droit. Comme l’a si bien dévoilé le premier avocat général Mokola Pikpa lors du procès, le Parquet général a attendu que le Sénat entre en vacances parlementaires pour introduire son réquisitoire afin d’obtenir le résultat recherché auprès du Bureau composé de sept membres, en lieu et place de la Plénière avec ses cent et neuf sénateurs. Ainsi, le Sénat déjà en session extraordinaire à partir du 15 juin pour un mois et ce, conformément à la Constitution, s’est vu brusquement mis en congé factice le 28 juin, au grand étonnement de la plupart de sénateurs. Et, curieusement, le Parquet général, informé par quelle magie, a su déposer son réquisitoire quelques minutes après la fermeture inattendue du sénat à 18:30. Ce qui dénote une collusion manifeste entre deux grandes institutions du pays pour tordre le cou au droit et violer le principe sacro-saint d’indépendance des pouvoirs devant garantir l’état de droit. Qui pouvait l’imaginer !

Ce que je pense est que le procès Matata aura permis aux scientifiques et professionnels du développement de comprendre davantage la complexité de grands enjeux du développement économique qui font penser certains afro-pessimistes que certains pays du Tiers-monde ne se développeront jamais. A l’instar d’Haïti (avec 216 ans d’indépendance) et du Libéria (avec 199 ans d’indépendance) qui tardent à prendre le chemin de l’émergence économique. En effet, le progrès économique procède absolument de l’initiation et de l’exécution de grands projets qui tranchent drastiquement d’avec le passé et le présent complaisants et compromettants. Tel est le cas de ce projet pilote du parc agro-industriel de Bukangalonzo qui visait l’autosuffisance alimentaire du pays au travers de la révolution agricole comme elle a eu lieu vers les années 40 dans les pays dits développés ou dans certaines économies émergentes dans les années 70. Un tel projet, vu sa grandeur prospective, requiert la rupture avec les méthodes archaïques, ataviques et l’adoption des techniques modernes de culture devant booster le rendement agricole et mettre un terme à l’importation honteuse et injustifiée des denrées alimentaires. Cela suppose un leadership fort et clairvoyant capable de vaincre les pesanteurs socio-politiques d’une classe politique blasée, égoïste, et soumise aux diktats de grands importateurs des produits de base, et capable de marchander ce type de programmes innovateurs et salvateurs pour la population contre des avantages personnels.

Ce que je pense est que jamais la constitution et les lois du pays n’ont été aussi violées par l’un de plus hauts magistrats du pays à l’endroit d’un sénateur et ancien Premier ministre. En effet, nul ne peut être jugé que par son juge naturel ; Matata a été amené à la Cour constitutionnelle, juge du Premier ministre en fonction alors qu’il est Premier ministre honoraire. Nul ne peut être jugé que conformément aux procédures établies par la loi ; presque toutes les procédures ont été bafouées pour juger monsieur Matata.  Nul ne peut être jugé sans être entendu par le parquet général compétent. Matata a été jugé sans avoir été entendu sur le dossier Bukangalonzo. Aucun sénateur ne peut être jugé sans l’autorisation préalable du Sénat. Matata a été jugé avec le refus catégorique du Sénat. Aucun député ou sénateur ne peut être entendu par la justice sans l’autorisation préalable de l’Assemblée nationale. Des députés et sénateurs ont été entendus sans accord et à l’insu du parlement pour témoigner contre Matata ; et sans que le parlement s’en émeuve. Heureusement… Heureusement que les Juges de la Cour constitutionnelle, garants des droits et libertés fondamentaux des citoyens, ont démontré que la Constitution et les lois du pays ont été violées et que le processus devait s’arrêter là pour sauver l’honneur de la République. La « force du droit » a triomphé sur le « droit de la force » ou le « droit politique ».

Ce que je pense est que le message de la Cour constitutionnelle contenu dans son prononcé du 15 novembre dernier sur le dossier Bukangalonzo aura été bel et bien entendu et compris par les magistrats de toutes les juridictions judiciaires du pays ainsi que les institutions politiques du pays. Ceci en vue d’éviter pour la nième fois une violation systématique de la Constitution et des lois du pays comme il en a été le cas au Parquet général près la Cour constitutionnelle pendant près de six mois. En effet, selon plusieurs spécialistes en droit constitutionnel, la meilleure interprétation du droit a été faite par la Haute Cour dans son prononcé : le juge naturel d’un ancien Premier ministre est différent du juge naturel d’un sénateur. La Cour de cassation est la juridiction compétente pour juger un sénateur pour les infractions commises durant l’exercice de ses fonctions. La Cour constitutionnelle est la juridiction compétente pour juger un Président de la République et le Premier ministre en fonction. Si le constituant, par une loi spécifique, a prévu le juge naturel d’un ancien Président de la République ou Président de la République honoraire, il ne l’a pas fait pour le Premier ministre honoraire. Le constituant se doit donc de légiférer sur ce cas en vue de combler le vide juridique actuel. Chercher à imposer un juge naturel à un justiciable est une violation de la Constitution et des lois du pays qui ne peut être acceptée dans un Etat de droit. Parce que ce n’est pas du « bon droit ». C’est du « droit politique ».

𝗞𝗶𝗻𝘀𝗵𝗮𝘀𝗮, 𝗹𝗲 𝟮𝟲 𝗻𝗼𝘃𝗲𝗺𝗯𝗿𝗲 𝟮𝟬𝟮𝟭.

Ce que je pense : Les secteurs de l’éducation et de la santé en grève …

Ce que je pense est que la grève dans les secteurs de l’éducation et de la santé ne doit pas être négligée. Bien au contraire, elle doit être traitée avec urgence et diligence, car l’éducation et la santé constituent la base par excellence du développement d’une nation.  

Ce que je pense est que l’investissement dans l’éducation ou la formation de l’homme est la clé de tout progrès et toute prospérité humaine. Investir dans l’éducation de l’homme, c’est lui transmettre un ensemble de connaissances et d’aptitudes susceptibles de lui permettre de travailler dignement, de le rendre plus utile à la société et de lui garantir, de manière intertemporelle, l’épanouissement et la sécurité humaine.

Selon le Prix Nobel d’économie Robert Emerson Lucas (1988), l’éducation est le principal facteur de progrès et la cause du retard des pays pauvres. Pour Nelson Mandela, l’éducation est l’arme la plus puissante que l’on puisse utiliser pour changer le monde. Pour ma part, l’éducation est la plus grande richesse de l’homme et partant, des nations. Et l’éducation s’obtient par la formation dès l’école primaire que l’on qualifie d’éducation de base ou fondamentale. Ensuite viennent l’école secondaire et les études supérieures et universitaires. Pour rappel, la plupart des pères de l’indépendance de pays africains n’ont pas fait d’études supérieures. Certains d’entre eux n’avaient même pas de diplôme d’Etat ou de baccalauréat. Ils avaient plutôt un certificat de l’école moyenne obtenu à l’issue de quatre ans d’études post-primaire. Nonobstant cela, ils avaient les connaissances nécessaires pour se battre et obtenir l’indépendance de leurs pays respectifs. L’enseignement de base était donc de qualité. C’est cette qualité qu’il faut à tout prix préserver en évitant des grèves à répétition après les congés prolongés imposés par la Covid-19.

Ce que je pense est qu’à côté de l’éducation, il y a la santé. Cette dernière apparait comme un déterminant de la production et de la croissance au travers principalement du comportement des individus inhérent à : (i) l’offre de travail (quantité et qualité du travail), (ii) la productivité au travail (possibilités d’utiliser pleinement les aptitudes et les capacités), (iii) l’éducation (l’épanouissement sur le plan intellectuel), et (iv) l’évolution de l’épargne. Voilà pourquoi les pays développés ou les économies émergentes regorgent les meilleurs hôpitaux et les meilleurs médecins du monde. Au-delà des bâtiments qui doivent être d’un standard appréciable, les meilleurs soins de santé exigent des plateaux techniques de qualité et de médecins compétents, notamment des spécialistes dans tous les domaines requis. Voilà pourquoi à l’indépendance, les pays africains avaient des hôpitaux qui n’avaient rien à envier à ceux des pays occidentaux. Il faut investir davantage dans ce secteur, y compris dans l’amélioration des salaires des médecins, des infirmiers et du personnel paramédical, pour ne fût-ce que retrouver le niveau d’il y a soixante ans. Les grèves constituent donc un rappel du niveau de santé d’il y a soixante ans.  

Ce que je pense est qu’il existe un lien positif entre état de santé et éducation, particulièrement durant la petite enfance. Plus les enfants sont en bonne santé, plus ils sont assidus à l’école et assurent un parcours stable et efficace en améliorant leurs capacités cognitives. Arrivés à l’âge adulte, ils sont plus instruits et mieux à même de percevoir un revenu élevé. Aussi, un meilleur état de santé conduit à une espérance de vie plus longue, ce qui influence positivement le rendement de l’éducation, et partant les incitations à y investir. Un allongement de l’espérance de vie à la naissance favorise l’épargne des travailleurs. Plus leur période de retraite sera longue, plus ils seront incités à épargner pour bénéficier d’un revenu plus important. Logiquement, l’accroissement de la longévité a des effets sur la propension à épargner des gens tout au long de leur cycle de vie et partant, favorise l’investissement et la croissance. Le binôme santé-éducation constitue donc le fer de lance de toute politique économique durable.

Ce que je pense est que la grève qui affecte les deux secteurs précités est préjudiciable à l’économie nationale. D’abord au niveau de l’éducation, parce qu’elle ne permet pas aux élèves de l’école primaire et secondaire, particulièrement ceux du secteur public, de se rendre à l’école et de bénéficier d’une formation adéquate. Les enseignants réclament au minimum un salaire d’un niveau acceptable tel celui qu’ils avaient avant la gratuité décrétée par le gouvernement. Pour rappel, les salaires touchés par les enseignants, avant la gratuité, étaient financés en majeure partie par les contributions de parents. Après la mise en application de la décision gouvernementale, le surplus, jadis financé par les parents, n’a été compensé que partiellement par l’allocation gouvernementale ; ce qui ne permet pas aux enseignants de retrouver le niveau de leurs revenus d’avant la gratuité. Par exemple, un enseignant qui percevait l’équivalent de près de 400 USD avant la gratuité touche aujourd’hui moins de 200 USD. Il est vrai que la mesure de la gratuité de l’enseignement permet aux centaines de milliers d’enfants issus de familles démunies de retrouver le chemin de l’école ; toutefois, elle ne permet pas au secteur public de garantir le même niveau ni la même qualité d’éducation qu’avant. En effet, les salles de classe sont surpeuplées et les enseignants sont démotivés. A terme, le résultat risque d’être le contraire de celui recherché.

Ce que je pense est que la grève au niveau du secteur de la santé a des conséquences immédiates et incalculables parce qu’elle entraine de milliers de perte en vies humaines. D’abord, ce sont des médecins qui étaient en grève pendant plus d’un mois ; par la suite, ce sont les administratifs et autres personnels de la santé qui ne travaillent plus pendant plus de deux mois. Tous réclament une augmentation de salaires. Cette situation est d’autant plus préoccupante qu’elle coïncide avec la prévalence de la pandémie Covid 19 qui fait des victimes dans plusieurs provinces du pays, particulièrement dans la capitale. Le gouvernement se doit d’examiner en priorité ce cas pour plusieurs raisons. D’abord, parce qu’il n’est pas normal que l’administration de la santé ne fonctionne pas pendant plusieurs mois ; Ensuite, parce que les pertes en vies humaines sont considérables, surtout au sein des familles les plus démunies incapables de s’offrir des soins de qualité dans les institutions hospitalières privées. Enfin, parce que cette carence de service médical public risque de contribuer à la propagation de la pandémie Covid-19 et d’affecter l’économie nationale. Nous ne devons l’oublier, plusieurs pays sont tombés dans la décroissance économique à cause de cette pandémie.

                                                                                      Kinshasa, le 27 octobre 2021   

Ce que je pense: les réserves de change et le développement économique ?

Ce que je pense est que les réserves de change constituent un des leviers clés dans la stratégie du développement d’un pays.

La problématique de l’accumulation de réserves de change remonte très loin dans l’histoire des politiques économiques.

Rappelons-nous du bullionisme du XVIème siècle qui considérait les métaux précieux comme la richesse d’une nation et préconisait le protectionnisme commercial contre la sortie de ces métaux.

Selon le Fonds monétaire international, cinq objectifs principaux peuvent justifier l’accumulation de réserves de change. Le premier est celui de susciter et maintenir la confiance dans la politique monétaire et la politique de change en assurant la capacité à effectuer des interventions sur le marché des changes ; le second est de limiter la vulnérabilité externe par le maintien des liquidités en devises étrangères afin d’absorber les chocs en temps de crise ou lorsque l’accès au financement extérieur est restreint ; le troisième est de donner aux marchés l’assurance que le pays est en mesure de remplir ses obligations extérieures ; le quatrième est de démontrer le soutien à la monnaie nationale par des avoirs extérieurs de réserve, et aider le gouvernement à satisfaire à son besoin de financement en devises étrangères et à s’acquitter de ses dettes extérieures ; et enfin, le cinquième est de maintenir des réserves en cas de catastrophes d’urgences nationales.

Tenant compte de ces objectifs, il s’avère que la motivation première pour avoir suffisamment d’actifs liquides en devises étrangères dans un pays est d’assurer la liquidité en cas de crise de balance des paiements ou de revirement des capitaux étrangers. Il s’agit donc d’une motivation de précaution.

Ce que je pense est que les réserves de change doivent atteindre un niveau optimal pour l’accomplissement de cinq missions ci-dessus évoquées.

Plusieurs ratios d’adéquation sont généralement utilisés pour apprécier cette optimalité et prendre de décisions rationnelles de politique économique.

Il s’agit d’abord (a) du taux de couverture des importations qui doit être d’au moins trois mois. Ce critère tient compte de perspectives d’équilibre de la balance des paiements. Ensuite, il y a (b) le ratio de réserves de change rapportées à la dette extérieure à court terme.

Ce ratio mesure la capacité d’un pays à rembourser rapidement sa dette exigible, notamment en période de crise. L’indice de référence est de 1 %. Il y a aussi (c) le ratio des réserves de change rapportées à la dette extérieure totale qui reflète la capacité d’un pays à rembourser le total de sa dette extérieure avec les réserves de change ; le niveau de 40 % étant la proportion optimale. L’on parle également (d) du ratio des réserves de change rapportées à la monnaie et à la quasi-monnaie (M2).

Ce ratio est utilisé comme indicateur de précaution en cas de crise financière. L’indice de référence se situe entre 10 % et 20 % pour les pays ayant opté pour le régime de change fixe, et de 5% à 10 % pour les pays ayant recouru au régime de change flottant.

Enfin, il y a le ratio des réserves de change sur le Produit intérieur brut (PIB) qui doit être égal à 9,1 % ; avec ce niveau, le pays est capable d’absorber un choc du compte de capital de près de 10 %.

Ce que je pense est qu’il existe un vif débat sur l’utilisation de réserves de change excédentaires dans les différents pays africains, y compris en RDC. Moi-même, alors que j’étais premier ministre, j’ai vécu ce type de débats entre ceux qui croyaient qu’il fallait utiliser les réserves de change pour booster la croissance et ceux qui pensaient qu’il fallait les consolider davantage, vu leur niveau encore bas et la fragilité du cadre macro-économique.

J’étais du dernier groupe. A l’époque, certains pays africains avaient atteint le niveau de réserves de change de loin supérieur à celui de la RDC. C’est le cas notamment de l’Afrique du Sud avec 49 milliards de USD à fin décembre 2014 et du Maroc avec 20 milliards USD à la même date.

Alors que la RDC n’avait que moins de deux milliards USD au même moment. Au-delà de ce débat non stérile, il n’en demeure pas moins vrai que la constitution de réserves de change a un coût d’opportunité qu’il faut effectivement apprécier pour assurer l’équilibre entre la stabilité du cadre macro-économique à court terme et les objectifs du développement économique à long terme qui passe notamment par la construction des infrastructures de base.

En effet, selon la Banque mondiale, le déficit d’infrastructures freine la croissance économique de l’Afrique à concurrence de 2 % par an. Par ailleurs, une étude menée sur un certain nombre d’économies africaines démontre que le coût de détention de réserves en devises en excès pourrait osciller en moyenne entre 0,35% et 1,67% en termes du PIB.

Ce taux comprend le coût social de la consommation et de l’investissement domestiques incontournables, de même que le coût financier et les tensions sur les politiques monétaires découlant des efforts visant à neutraliser toute nature de chocs internes et externes pouvant impacter la politique monétaire. Le coût social pouvant être mesuré comme la différence entre la plus grande perte possible de productivité marginale d’un investissement alternatif dans les actifs immobilisés et le rendement des réserves internationales.

Par ailleurs, l’utilisation de réserves de change doit tenir compte de leur provenance. D’une manière générale, elles doivent provenir principalement de l’excédent commercial, d’un surplus du compte capital et subsidiairement des emprunts extérieurs ou d’appuis des institutions financières internationales comme le Fonds monétaire international, la Banque mondiale et la Banque africaine de développement.

Ce que je pense est que la RDC a effectivement atteint un niveau de réserves de change jamais réalisé depuis plus de deux décennies. Elles se chiffrent à 3,3 milliards USD à fin septembre 2021 contre 1,3 milliard USD à fin décembre 2011 et 21,7 millions USD à fin décembre 2001. Le progrès est énorme parce qu’il permet au gouvernement de renforcer sa crédibilité et résilience en matière de gestion de politique de change et de politique économique.

En effet, la plupart des indicateurs ci-dessus évoqués se sont sensiblement améliorés. Le taux de couverture des importations est légèrement au-dessus de la norme de trois mois. Ce taux n’était que de trois semaines à fin décembre 2020. S’agissant du rapport entre les réserves de change et la masse monétaire (M2), le ratio est de 31 % contre une plage de 5% à 10% recommandée.

L’économie congolaise est donc capable de résister à une crise financière d’origine interne. Pour ce qui est du rapport entre les réserves de change et la dette extérieure globale, le taux est de 73,2% contre une norme de 40%. Quant au taux de couverture de la dette extérieure à court terme par les réserves de change, il est largement au-dessus de la norme.

Enfin, s’agissant du ratio entre les réserves de change et le PIB, il est de près de 12% contre une norme de 9%.

De manière globale, l’ensemble des indicateurs relatifs à l’optimalité du niveau de réserves de change se comporte très bien. C’est plutôt l’origine desdites réserves qui posent un problème.

En effet, selon la Banque centrale du Congo, un peu plus de 50% de réserves de change à fin septembre dernier proviennent du financement extérieur. Entre 2019 et 2021, la RDC a reçu 2,5 milliards USD du FMI, 1,6 milliard USD de la Banque mondiale, et 415 millions USD de la Banque africaine de développement.

En soustrayant le flux annuel des financements de 2021 reçus du FMI, de la Banque mondiale et de la BAD, le niveau de réserves de change tombe respectivement à 1,6 milliard USD, 800 millions USD et 758 millions USD. Si on soustrait de réserves de change à fin septembre 2021 (3,3 milliards USD) tous les financements reçus de ces trois institutions, de 2019 et à ce jour (4,5 milliards USD), son niveau devient totalement négatif, soit -1,2 milliard USD.

Ce que je pense est que les réserves de change ont effectivement atteint un niveau exceptionnel depuis plusieurs décennies. Toutefois, ce niveau est loin de refléter la vitalité et la résilience de l’économie nationale comme on l’aurait imaginé. Les bons indicateurs économiques sus-évoqués masquent très mal l’état d’une économie fragile fortement perfusée par les institutions financières internationales et régionales.

En effet, sans perfusion financière extérieure de trois dernières années, la RDC aurait eu de réserves de change en dessous de zéro à fin septembre, et la politique de change de notre pays serait totalement inopérante. Alors que sans appui extérieur (2011-2015), mais sur base des balances commerciale et de capitaux productives, la RDC a atteint un niveau record de 1,7 milliard USD à fin décembre 2013. Avec le même niveau d’appui extérieur, ce chiffre monterait à 6 milliards USD à la même date.

En définitive, du point de vue macro-économique, la stabilité des prix intérieurs et du taux de change reste principalement expliquée par l’accumulation des arriérés de salaires ou des émoluments, l’utilisation d’une partie de réserves de change pour payer les rémunérations, et le non financement de certaines dépenses nécessaires de fonctionnement et d’investissement. En dépit de cela, certains députés provinciaux enregistrent de retards de paiements de leurs émoluments de plus de douze mois ! Du point de vue structurel, la part de ressources internes consacrées aux dépenses d’investissements demeure insignifiante, soit 5,5% à fin août 2021 contre 12,38 % à fin décembre 2013.

Ce qui compromet totalement la relance et le développement économique à moyen et long terme. Ceci démontre aussi l’inconsistance du niveau de réserves de change qui se trouve en totale déconnexion avec l’économie réelle.

De ce fait, il ne nous parait pas justifié d’apprécier le coût d’opportunité de ces réserves de change par rapport aux dépenses d’investissement qui en seraient faites. En effet, les réserves de change ne sont pas excédentaires et ne peuvent donc pas être consacrées aux dépenses d’investissement au risque de déstabiliser le cadre macro-économique actuel qui reste fragile.

Kinshasa le 30/09/2021

Ce que je pense : Suis-je devenu un prisonnier politique ?

Ce que je pense est que je suis devenu un prisonnier politique depuis près de quatre mois. Prisonnier, parce que je suis privé de liberté de mouvements à l’intérieur comme à l’extérieur du pays depuis le 9 mai 2021 date à laquelle je suis rentré au pays pour répondre à l’appel de la justice sur le dossier Bukangalonzo. Le procureur général près la Cour constitutionnelle a depuis lors instruit les services d’immigration et de sécurité nationale de ne plus m’autoriser à voyager ; et je n’en étais pas informé. Pourquoi doit-on restreindre la liberté de mes mouvements ? Me soupçonne-t-on de vouloir fuir à l’extérieur du pays ? Pourquoi le ferrai-je aujourd’hui alors que j’étais à l’étranger lorsque le premier réquisitoire a été adressé par le procureur général au Parlement pour solliciter l’autorisation des poursuites judiciaires à mon encontre ? Plusieurs personnes m’avaient d’ailleurs conseillé de ne pas retourner au pays craignant principalement la partialité du processus judiciaire me concernant. En dépit des craintes exprimées par de nombreuses personnes, je suis plutôt rentré estimant qu’il vaut mieux revenir pour rétablir la vérité que de laisser le mensonge prévaloir en restant à l’étranger. Et je n’avais pas tort, parce que les sénateurs, après avoir examiné les faits qui m’étaient reprochés et devant l’évidence de la vérité, n’ont pas autorisé les poursuites judiciaires à mon endroit.

Ce que je pense est que je suis devenu un prisonnier politique parce que la limitation de mes mouvements a été décidée de manière arbitraire. En effet, le fait d’être poursuivi par la justice suffit-il pour décider de la restriction de mes mouvements dans le pays et à l’étranger ? Non, parce que n’ayant jamais été condamné, je bénéficie de la présomption d’innocence ; de ce fait, je devrais jouir totalement de ma liberté de circulation telle que garantie par la constitution de la république et le règlement intérieur du sénat, comme c’est le cas dans d’autres pays. On peut se rappeler les cas de plusieurs autorités européennes (anciens présidents, premiers ministres, et ministres) qui, en procès dans leurs pays respectifs, jouissent de la liberté totale de leurs déplacements, même à l’étranger. Par ailleurs, il est étonnant de constater que plusieurs personnes traduites en justice au même moment que moi, que ce soit sur le dossier Bukangalonzo ou celui de la zaïrianisation, bénéficient, elles, de la liberté totale de leurs mouvements. Comment peut-on me refuser de sortir alors que les co-accusés peuvent le faire à volonté ? Suis-je un justiciable spécial ?

Ce que je pense est que je suis devenu un prisonnier politique parce que tout est fait pour m’empêcher de jouir de ma liberté de circulation, et toutes sortes de stratégies sont prises pour le justifier. En effet, au lendemain du rejet du réquisitoire du procureur général sur le dossier Bukangalonzo par la plénière du sénat le 15 juin dernier, j’ai sollicité auprès du sénat l’autorisation de sortie notamment pour de raisons de santé ; cela ne m’a pas été accordé. Et pourtant la requête du procureur ayant été rejetée à la date sus-indiquée, la restriction de mes mouvements devait été levée automatiquement. Par contre, cela a continué jusqu’au 28 juin date à laquelle un nouveau réquisitoire a été adressé au sénat par le même procureur général pour requérir de nouveau l’autorisation de poursuites judiciaires à mon encontre. On comprend alors pourquoi le sénat ne pouvait pas m’autoriser à sortir depuis le 16 juin ! La recherche et le montage grossier des dossiers judiciaires contre un citoyen du reste innocent, peut-il constituer le motif suspensif de ses libertés de circulation dans un pays ! Par ailleurs, le fameux dossier de zaïrianisation devant être classé sans suite depuis le 15 juillet dernier pour défaut de charges à mon encontre, il n’y avait plus de raison de restreindre la liberté de mes mouvements. Qu’a-t-on constaté en réalité ? D’abord, la promesse faite, devant témoin, par le procureur général de clôturer formellement ce dossier n’est pas tenue ; et cela plus d’un mois et demi après ! En outre, et en violation manifeste de prescrits légaux, le dossier de Bukangalonzo a été déterré et remis sur la table pour justifier le maintien de restrictions de mes mouvements à l’intérieur comme à l’extérieur du pays.    

Ce que je pense est que je suis effectivement devenu un prisonnier politique parce que même pour de raison de santé, il m’est impossible de quitter le pays. Incroyable ! Comment peut-on imaginer que quelqu’un qui a été empoisonné soit interdit de poursuivre le traitement dans un centre spécialisé de toxicologie (qui n’existe pas au pays) afin de s’assurer que tout le poison a été absorbé ? Et pourtant, j’ai montré toute ma bonne foi, en me rendant personnellement au parquet général, accompagné de mon médecin traitant, pour remettre au procureur général près la cour constitutionnelle l’ensemble de documents attestant la fragilité de mon état de santé et les recommandations pertinentes y relatives du médecin traitant. Ce dernier l’a confirmé au procureur général qui l’a acté dans un procès-verbal dûment contresigné par moi-même. Où est le droit de l’homme et l’état de droit lorsque le procureur général conditionne les droits d’un citoyen de se faire soigner par l’obligation d’être entendu sur un dossier sur lequel le sénat a refusé en plénière d’autoriser les poursuites judiciaires ?  Pourquoi les droits fondamentaux de l’homme, peuvent-ils être marchandés ? Où se trouve l’équilibre et le respect de la séparation des pouvoirs lorsque la décision d’une institution comme le sénat, la chambre haute du parlement, est foulée aux pieds par une branche d’une autre institution qu’est la Justice ?

Ce que je pense est que je suis devenu un prisonnier politique qui a le devoir patriotique de rappeler que « la justice élève les nations »,et qu’à ce titre, nous ne pouvons pas chercher à la fois une chose et son contraire. L’histoire du monde sur le développement économique des nations ne renseigne nulle part le cas d’un pays dont le progrès s’est réalisé avec l’injustice. Bien au contraire. Car, la justice crée ou recrée la confiance qui constitue un des facteurs clé de la bonne gouvernance qui, elle-même, conditionne notamment la qualité des institutions. Or comme on le sait, le développement des nations est fonction de la qualité des institutions enclenchée et soutenue par un leadership fort. Les mauvaises institutions, dites « institutions extractives », sont à la basse du sous-développement. Et l’on y trouve généralement une justice insuffisance, parfois à plusieurs vitesses. Celle-ci accroît la méfiance entre les dirigeants politiques et les opérateurs économiques et mine le climat des affaires plombé par des coûts de transactions élevées. Par contre, les bonnes institutions dites « institutions inclusives » constituent la fondation du progrès de toutes les nations développées, y compris des économies émergentes. Car, l’on y trouve un état de droit dont la justice constitue une composante de taille. Une justice équitable à tous les citoyens, indépendamment de leur appartenance politique, rétablit la confiance entre agents économiques et promeut le climat des affaires, lequel facile l’investissement privé, moteur de la croissance économique et créateur de revenus partagés par l’ensemble de la population. Il importe donc de promouvoir réellement l’état de droit et d’éviter de prisonniers politiques, car dans le fond, le développement en dépend inéluctablement.                                                                                       

Kinshasa, le 27 août 2021.

Ce que je pense : Le Prix Nobel Mukwege, une référence

Ce que je pense est que le Dr Mukwege, prix Nobel de la paix en 2018, est une référence internationale. C’est l’unique Congolais à qui on a décerné jusque-là ce prestigieux prix depuis qu’il a été lancé à Stockholm, en Suède, il y a plus d’un siècle, le 10 décembre 1901. On ne cessera jamais de le féliciter pour avoir honoré, non seulement ceux dont il porte le nom, c’est-à-dire ses parents et ancêtres, mais aussi ceux à qui il a transmis ce nom, en occurrence, ses enfants, voire sa progéniture. C’est aussi un honneur, non seulement pour tous les Congolais, mais aussi pour l’Afrique. C’est un homme qui est rentré dans le patrimoine de l’humanité parce qu’il appartient désormais à la généalogie des hommes et femmes célèbres qui ont fait un don de soi au monde, mieux qui ont donné quelque chose de remarquable, bref d’exceptionnel, sur la terre.

Ce que je pense est que l’initiateur de ce prestigieux prix, Alfred Nobel, avait eu une idée géniale, celle de récompenser les efforts de ceux qui se consacrent de manière soutenue à l’amélioration des conditions de vie de la population dans le monde, conformément à la volonté du Dieu créateur. En effet, à sa création, Dieu ordonna à l’homme de transformer le monde et jamais le détruire. Et cette transformation ne peut se faire qu’avec le génie, la volonté et la détermination d’un certain nombre de personnes passionnées et engagées dans ce qu’elles font et ayant un sens élevé du « donner » comme Alfred Nobel. De nationalité suédoise, né le 21 octobre 1833 à Stockholm, il est notamment l’inventeur de la dynamite. Mort le 10 décembre 1896 en Italie, ce chimiste brillant lègue à l’humanité sa fortune de près de 31,5 millions de couronnes suédoises, (l’équivalent de près de 179 millions d’euros au prix de 2013) pour encourager les hommes au dépassement de soi au profit des autres, notamment dans le domaine de la paix, secteur dans lequel le Dr Mukwege a été primé.

Ce que je pense est que le prestige de ce prix procède, non pas de la hauteur du montant accordé aux heureux élus qui avoisine 1 million d’euros, mais plutôt du sérieux, de la rigueur et de l’objectivité dans le processus de son attribution. C’est un prix qui ne souffre presque pas de critique ou de contestation bien qu’il y ait des gens qui ont refusé de le recevoir, parfois pour de raison d’idéologie. C’est le cas notamment des deux écrivains, le Français Jean-Paul Sartre et le Russe Boris Pasternak ou de l’Allemand Gerhard Domagt en médecine. En effet, le processus décisionnel qui dure près d’un an franchit plusieurs étapes laborieuses. Au départ, il y a (1) les nominateurs qui sont habilités à proposer des candidats. Il s’agit des membres d’Assemblées nationales et de Gouvernement ou des membres de l’Académie royale des sciences de Suède. (2) Ensuite, il y a le Comité Nobel composé notamment de six membres élus du parlement norvégien ou de cinq membres de l’Académie royale des sciences pour une durée allant de trois à six ans. Après, c’est le tour de (3) l’Assemblée décisionnelle qui désigne les lauréats sur base de la pré-sélection faite par le Comité précédent. C’est notamment le Comité royal norvégien et l’Académie royale des sciences de Suède. Et enfin (4) il y a le Conseil de Comité composé des experts réputés dans les différents domaines de sélection. C’est ce Comité qui rédige le rapport sur les candidats retenus.

Ce que je pense est que si la candidature du Dr Mukwege est passée au travers des mailles de ce type de filets, c’est que les mérites de l’homme de Panzi ont forcé l’admiration du monde. C’est donc un homme exceptionnel. Il ne pouvait en être autrement quand on examine la complexité de l’environnement dans lequel il a su donner le meilleur de lui-même au profit des autres, particulièrement les femmes. Martin Luther King disait que tout homme peut devenir grand parce que tout homme a la capacité de « donner ». Mohandas Gandhi disait, en substance, que pour faire quelque chose de grand il faut savoir s’oublier au profit des autres. En effet, c’est parfois en période de guerre ou dans un environnement hautement risqué pour lui-même et pour sa famille dans l’Est de la RDC, que le Dr Mukwege a bravé les obstacles et est allé au secours des femmes victimes des violences sexuelles. En soignant les femmes violées et en s’occupant de leur prise en charge de manière holistique, ce médecin fondateur de l’hôpital de référence de Panzi à Bukavu, a su redonner le sourire et l’espoir à celles qui les ont perdus, a su rallumer le feu de l’amour dans les cœurs brisés ; mieux il a su redonner la vie à celles qui l’avaient totalement perdue. Et, il continue à le faire. A ce titre, ce spécialiste du traitement de fistules avait le droit d’être reconnu mondialement et récompensé à juste titre.

Ce que je pense est que les Congolais en général et les jeunes en particulier, doivent s’inspirer de cet homme né dans la ville de Bukavu, le 1er mars 1955. Fils d’un pasteur pentecôtiste, c’est en 1974 qu’il a obtenu son diplôme d’État à l’institut Bwindi de Bukavu, l’une de meilleures écoles de la république. Avec la qualité de son travail, il a su montrer au monde que les meilleurs peuvent venir de partout, quels que soient leurs continents, leurs races, et leurs origines sociales. Et qu’en réalité, chacun d’entre nous, dans son domaine de prédilection, est en mesure de choisir ce chemin difficile de l’élévation, du sacrifice et du bien, en prenant les risques qu’il faut pour braver des obstacles, parfois les plus farouches ou mortels, afin de donner au monde le meilleur de soi-même. Et que le monde, convaincu de votre don précieux, se décidera, malgré lui, à vous dérouler, où que vous soyez, le tapis rouge pour vous honorer de la manière la plus solennelle possible. Tel a été le cas de cet homme élancé au regard affable, issu de famille modeste qui, en plus du prix Nobel, a reçu de nombreux prix prestigieux comme le prix Sakharov et autres titres honorifiques, notamment de plusieurs grandes universités et fondations à travers le monde. Ainsi, ce gynécologue et pasteur pentecôtiste dont la renommée contraste avec son humilité et la simplicité de son bureau de l’hôpital Panzi où il m’a reçu le 14 mars dernier, est désormais logé à la même enseigne que les autres Nobel et grands du monde comme Anouar El-Sadate, Nelson Mandela, Desmond Tutu, Koffi Annan et Barack Obama.

Ce que je pense est que l’histoire des grands Hommes est une histoire de la passion et de la recherche permanente de l’excellence au profit de l’Humanité. Le Dr Mukwege est l’un de ces Hommes.

Conakry, 8 avril 2021.

Ce que je pense : Le découpage des provinces, est-ce une réussite ?

Ce que je pense est que le découpage des provinces était opportun. Conformément à l’article 2 de la Constitution, il a été opéréen2015 alors que j’étais Premier ministre. De 11 provinces existantes auparavant, la RDC, le deuxième pays le plus vaste du continent africain avec ses 2.345.000 Km2, en compte 26 aujourd’hui. Toutes les provinces ont été découpées, à l’exception des provinces du Kongo central, Nord Kivu, Sud Kivu et Maniema. A noter que les trois dernières résultaient déjà d’un découpage à titre expérimental de l’ancienne province du Kivu. La « Région » du Kivu (selon la dénomination administrative et territoriale de l’époque), avec comme capitale Bukavu, avait deux « sous-régions », l’une du Nord-Kivu, avec Goma comme chef-lieu, et l’autre du Maniema, avec Kindu comme chef-lieu. Les deux sont devenues des régions (provinces) à part entière en 1988. C’était la première expérience mais qui n’avait malheureusement pas continué. De 9 régions initialement, l’on était monté à 11 et on en était resté là.

Ce que je pense est que le découpage des provinces, resté en hibernation depuis l’époque du Président Mobutu, s’est plutôt accéléré en 2014. Pour certains, c’était pour des objectifs politiques visant à anéantir certains gouverneurs devenus puissants et ambitieux du fait du poids économique des provinces qu’ils dirigeaient ; pour d’autres, c’était pour des objectifs purement socioéconomiques cherchant à garantir le développement harmonieux des provinces. Quelles que soient les variables d’ordre politique qui se seraient glissées dans la résolution rapide de l’équation du découpage, celui-ci demeurait incontournable au regard des défis majeurs du développement des provinces.

En effet, si les conditions de vie dans certaines provinces semblaient acceptables par rapport à leurs niveaux à l’indépendance politique en 1960 du fait essentiellement de leurs dotations en ressources naturelles et/ou positionnement géographique à la frontière du pays, celles d’autres provinces, par contre, étaient devenues de plus en plus préoccupantes. Pour la plupart d’entre elles, le niveau de vie de la population avait remarquablement baissé.

Ce que je pense est qu’en dépit des réserves qui peuvent être formulées par certains analystes politiques, notamment en ce qui concerne la pertinence et la précision des frontières par rapport aux réalités linguistiques et culturelles sur terrain, il se dégage que le découpage de ce vaste pays qui vaut 80 fois la Belgique et 5 fois la France, était très attendu et accepté par la majorité de la population. Il ne pouvait pas en être autrement étant donné que l’une des raisons principales de ce découpage était de rapprocher les administrés des dirigeants au regard de l’étendue de toutes les provinces.

A titre d’exemple, l’ancienne province Orientale valait 503.239 Km2, soit deux fois le Royaume uni, et l’ancienne province de l’Equateur, plus grande que l’Allemagne, couvrait 403.292 Km2. Cette dernière province, située au nord du pays à la frontière avec la Centrafrique, a été répartie en cinq autres nouvelles provinces. La province du Nord Kivu, déjà découpée en 1988, vaut en termes d’espace le Rwanda et le Burundi inclus.

En effet, plusieurs gouverneurs de province étaient incapables de suivre de manière efficiente le niveau de développement de leurs territoires respectifs qu’ils pouvaient ne pas les visiter pendant plusieurs années du fait notamment de carence en infrastructures de transport et de communication. La question que l’on peut se poser aujourd’hui est celle de savoir si, six ans après son entrée en vigueur, le découpage a réellement répondu aux attentes de la population.

En d’autres mots, le développement des provinces est-il au rendez-vous ?

Ce que je pense est qu’il est difficile de répondre par l’affirmative lorsque l’on compare la situation économique et sociale des provinces avant et après le découpage. A l’exception de quelques provinces bénéficiant principalement des retombées de l’exploitation de ressources minières comme le Luluaba l’Ituri, le Haut-Katanga, le Nord Kivu, le reste des provinces, y compris Kinshasa, n’a pas connu de réels progrès, bien au contraire. Cela est principalement dû au déficit de leadership et de gouvernance. A l’époque, au moment du découpage, je l’avais déjà dit : « le découpage est pertinent, mais tout dépendra du type de gouverneur que l’on désignera à la tête de chaque province ».

Or, il s’observe que le choix de gouverneurs de provinces demeure globalement déficient. Au lieu de privilégier le critère de compétence, le choix des gouverneurs est basé, pour l’essentiel, sur des critères subjectifs tels que : militantisme, témérité, affairisme, fraternité, amitié, etc. La plupart d’entre eux n’ont jamais géré auparavant même une petite structure, qu’elle soit privée ou publique. Certains gouverneurs n’ont jamais vécu dans les provinces avant de les diriger. Et sauf exception, les gouverneurs ne vivent pas avec leurs familles en provinces. Parachutés à la tête d’une province, sans savoir ce qu’il faut faire effectivement, nombreux se lancent souvent dans le militantisme politique et l’affairisme, laissant ainsi après leur départ les provinces dans un état pire que celui dans lequel ils les ont trouvées à leur nomination. L’objectif principal que s’assignent souvent les gouverneurs désignés étant d’une part, de garantir les assises politiques du pouvoir central à Kinshasa, et d’autre part, de se servir financièrement. On a ainsi vu des gouverneurs chassés par la population de leurs provinces après y avoir passés près de dix ans comme chef de l’exécutif! Bien plus, des gouverneurs originaires de ces mêmes provinces !

Ce que je pense est que s’agissant particulièrement de la gouvernance financière, il est de notoriété publique, que les comptes des provinces, sauf quelques cas, sont généralement mal gérés. Les régies financières créées dans chaque province constituent plutôt des caisses d’assistance politique et privée que d’agences d’appui au développement. Les ressources rétrocédées du gouvernement central sont gérées de manière inefficiente qu’il  est difficile de savoir à quoi elles servent effectivement. Eu égard à cet état de choses, la question que l’on peut vite se poser est celle de savoir à quoi serviraient les 40% de rétrocession de recettes à caractère national prévus par la Constitution si elles étaient effectivement allouées dans leur totalité aux provinces par le gouvernement central ? A quoi servirait la Caisse de péréquation si les ressources qu’elle doit allouer aux provinces moins nanties ne serviront nullement aux besoins de développement ? Tant que ces questions resteront sans réponse, le découpage n’aura jamais répondu aux préoccupations de fond de sa survenance, c’est-à-dire le développement équilibré de différentes provinces.

Ce que je pense est qu’il faut absolument replacer la gestion des provinces dans la logique de développement. Sinon, pourquoi avoir découpé les provinces si la réforme est loin d’apporter le progrès économique de ces dernières ? Les candidats gouverneurs doivent être choisis en fonction de leur compétence, expérience et intégrité. Ils doivent avoir une vision claire et des objectifs précis pour le développement de leurs provinces respectives en cohérence avec la vision et les objectifs de développement globaux du pays. La gestion des ressources rétrocédées doit être rationnelle. Et les organes de contrôle financier des provinces doivent fonctionner de manière efficace au lieu d’être au service de responsables de provinces.

A ce sujet, les assemblées provinciales doivent constituer plutôt de contrepoids des gouvernorats de province que d’être des alliés dans la mauvaise gouvernance. Pour certains cas, on a vu les assemblées provinciales voter pour le départ de gouverneurs mauvais gestionnaires. Malheureusement, les gouverneurs destitués sont souvent soutenus, pour des raisons politiques, par le gouvernement central en violation des règles et lois de la république en la matière. Que peut-on attendre d’un gouverneur détesté par la population qu’il dirige, destitué par l’assemblée provinciale qui l’a investi, mais maintenu de force par le gouvernement central par des mécanismes anticonstitutionnels !

Ce que je pense, en conclusion, que le découpage des provinces était une décision politiquement judicieuse et qu’elle le demeurera vu sous l’angle du développement économique. Toutes les provinces découpées sont riches. Aucune d’entre elles n’est potentiellement pauvre, contrairement à ce que l’on veut  faire croire à la majorité de la population pour justifier des politiques économiques inappropriées, mais aussi pour des raisons de propagande politique. La pauvreté reste plutôt dans le type de leadership et de gouvernance. Le jour que le choix des gouverneurs sera basé sur des objectifs de développement économique et non sur des considérations politiques, que la gestion des provinces sera compétitive et cotée sur base des résultats socio-économiques obtenus que sur le militantisme politique, le progrès économique de toutes les provinces sera inéluctable et rapide, tout comme celui de la RDC en général. En effet, on ne peut pas d’une part, rechercher le développement de la RDC, et d’autre part, œuvrer de manière inconsciente au sous-développement de ses provinces.

Conakry, 31 mars 2021.