Ce que je pense est que la RDC n’a jamais connu des élections aussi chaotiques comme celles qui viennent de se dérouler en décembre dernier. Elles l’ont été en violation flagrante des Lois de la République et en total déconnexion des valeurs éthiques et morales qui fondent l’existence des nations. Elles ont suscité la méfiance et la frustration au lieu de créer l’espoir et cimenter la confiance entre les citoyens. En effet, la Commission électorale indépendante (CENI), au lieu d’être effectivement indépendante et impartiale, a été un bras d’exécution de la volonté du pouvoir contre le peuple. Avec l’appui de cette dernière, des centres de vote parallèles ont été institués au profit de l’Union sacrée, la majorité présidentielle au pouvoir. Une majorité fabriquée en violation de la Loi et constituée en bonne partie par les transfuges du Front Commun pour le Congo (FCC) du régime précédent. Situés dans des résidences privées protégées par la police ou dans des locaux de fortune, ces centres de vote étaient pourvus illégalement des machines à voter (ou machines à tricher) pour gonfler le nombre de voix des candidats du pouvoir au niveau présidentiel, législatif et municipal. En outre, une bonne partie de machines affectées aux bureaux de vote officiels, a été configurée avec des voix déjà préenregistrées au profit principalement du Président de la République en fonction, candidat à sa propre succession. Ainsi, ce candidat disposait d’un stock impressionnant de voix avant que le vote ne commence, y compris dans les bastions de l’opposition.
Par ailleurs, des témoins de plusieurs candidats de l’opposition ainsi que certains observateurs nationaux et internationaux ont été chassés des bureaux de vote pour faciliter le bourrage des urnes avec l’appui des agents de la CENI. Plusieurs fois, dans beaucoup de bureaux, les machines sont tombées en panne et n’ont pas été réparées. D’autres n’ont pas carrément fonctionné par manque d’énergie ou en complicité tactique des agents de la CENI. Enfin, les machines ne sont pas arrivées dans plusieurs sites le jour du vote. Cette situation a été constatée même dans la ville de Kinshasa, centrale de programmation et distribution desdites machines. Le vote s’est ainsi prolongé pendant six jours alors que les résultats provisoires étaient en train d’être publiés. Pire encore, cette proclamation s’est faite sans que la compilation de résultats de vote par province ne se fasse comme l’exige la loi électorale.
Ce que je pense est que les dirigeants congolais continuent à se tromper eux-mêmes. Ils pensent que les élections constituent le moyen par excellence de se maintenir au pouvoir contre la volonté du peuple et de s’enrichir ostensiblement. Ils organisent les élections, non pas pour permettre au peuple de choisir ses représentants, mais pour nommer des personnes devant perpétuer le système contesté en vigueur. On l’a vu avec le Maréchal Mobutu qui est resté au pouvoir pendant trente-deux ans. Il était toujours le candidat unique à chaque élection présidentielle. Celle-ci consistait à voter pour le rouge ou le vert. Et c’était toujours le vert qui l’emportait avec plus de 98% de suffrages exprimés. Ceux qui osaient voter pour le rouge avaient de sérieux problèmes avec le régime. C’était la dictature. Qui a été finalement balayée par la rage populaire. Avec le président Joseph Kabila, beaucoup de progrès ont été enregistrés sur le chemin de la démocratie. Trois cycles électoraux ont été réalisés en 2006, 2011 et 2018. En dépit des avancées indiscutables réalisées, quelques pesanteurs continuaient à hypothéquer la transparence des opérations et la fiabilité des résultats. En 2018, beaucoup de personnes non élues ont été proclamées vainqueurs des élections au grand dam de la population. Martin Fayulu a été vainqueur de l’élection présidentielle avec près de 62% des suffrages exprimés. Mais, c’est Tshisekedi Tshilombo, avec moins de 20 %, qui a été proclamé vainqueur par la CENI et confirmé par la Cour constitutionnelle. Aujourd’hui encore, le peuple a massivement voté pour le candidat de l’opposition Moise Katumbi Chapwe, qui aurait gagné avec plus de 60% des voix exprimées. Mais, c’est le candidat au pouvoir qui a été proclamé vainqueur par la CENI avec 73,34% des votes, au grand étonnement de la majorité de la population. C’est la magie des machines à voter – en réalité machines à tricher- et de bourrages des urnes par les hommes au pouvoir. Malheureusement, avec la complicité de la CENI, sensée être indépendante et impartiale.
Ce que je pense est que plus d’un milliard de dollars américains (1.100 millions) ont été dilapidés par le pouvoir. Alors que le pays en avait cruellement besoin pour faire avancer l’agenda du développement économique. Pour rappel, les élections sont organisées pour permettre à la population de disposer de ses représentants. Ceux que le peuple considère comme étant capables de défendre ses intérêts. Principalement à la présidence de la République, au parlement et au gouvernement. C’est pour cela que les élections sont considérées comme un des déterminants du progrès des nations. Elles permettent à ces dernières d’être dirigées principalement par des personnes compétentes aux différents échelons. En effet, le progrès procède de l’efficacité des institutions. Celle-ci est le fruit d’un leadership et d’une gouvernance de qualité. Les Etats-Unis, par exemple, ont été dirigés pour l’essentiel, par les meilleurs de leurs fils. Ils disposent aussi de très bonnes institutions. Conséquence : c’est la meilleure démocratie et la première puissance économique et militaire du monde. D’où l’importance de faire des élections. Tous les pays du monde les organisent d’ailleurs, quelle que soit la formule utilisée. Mais, avec quel objectif ? Pour proclamer les meilleurs ou les médiocres ? Si c’est pour nommer notamment des médiocres – qui n’ont pas été élus – comme en 2018, les élections n’ont plus leur raison d’être. Elles deviennent préjudiciables ; et à double titre. Non seulement, elles privent le peuple de dirigeants de qualité, mais aussi d’importantes ressources devant contribuer à l’amélioration de ses conditions de vie. Si ce milliard de dollars américains, effectivement dépensé par le Trésor public, pouvait constituer un fonds de garantie, il permettrait la réalisation d’importants projets socio-économiques de plusieurs milliards de dollars. Par exemple, le gouvernement achèterait près 7.000 autobus de transport en commun ; il n’en a qu’une centaine aujourd’hui en mauvais état. Il acquérait 12 avions Airbus A 320 neufs pour la compagnie aérienne nationale ; il en a aucun aujourd’hui, même d’occasion. Il bâtirait plus de 35 universités publiques modernes de grande capacité d’accueil ; il n’en a que quatre dans un état déplorable. Il construirait plus 100 grands hôpitaux modernes ; il n’en a qu’une vingtaine en délabrement avancé. Enfin, il relierait Lubumbashi à Kinshasa par voie routière macadamisée ; les deux capitales du pays (économique et politique) ne le sont que par avion aujourd’hui. Sur base de ces évidences, la population, s’il lui était demandé de se prononcer sur le sujet, choisirait, à n’en point douter, de se passer de ce simulacre d’élections budgétivore au profit d’infrastructures socio-économiques. Pourquoi alors faire des élections si c’est pour détourner et dilapider les ressources publiques et nommer des médiocres pour appauvrir le peuple ? Encore une fois, la problématique de la tenue des élections par rapport au développement économique en Afrique reste d’actualité. Les élections sont essentielles pour le progrès des nations. Mais, il faut qu’elles soient vraies. Parce que les fausses, comme celles, inutilement coûteuses, que la RDC vient honteusement de s’offrir, produiront sûrement le sous-développement. Elles ne sont donc pas nécessaires.