Ce que je pense est que la Covid-19 constitue une menace qu’il faut prendre au sérieux à tout point de vue. Sur le plan sanitaire, elle tue et ne choisit pas qui il faut tuer. On a vu de personnes clés dans certaines familles mourir avec la pandémie et laisser leurs proches à la merci du désespoir et de la mort. On a vu certaines nations perdre les meilleurs de leurs filles et fils. De trésors pour le pays partir au-delà sans que l’on puisse avoir la possibilité de les remplacer, du moins dans l’immédiat. On a vu des dirigeants des pays perdre le contrôle de la direction de leurs pays à cause de morts massifs imprévisibles. On a vu en Europe de personnes perfusées dans leurs véhicules faute de place à l’hôpital ! Le cas de l’Italie, l’un des pays les plus développés, reste le plus frappant de l’histoire récente de la pandémie. En effet, ce cas continuera à rappeler au monde la cruauté d’un virus imprévu et inattendu qui peut remettre en cause l’acception selon laquelle il existe au monde des pays qui ont réussi dans le domaine médical et qui ont érigé un système de santé parfait capable de faire face à toute sorte d’éventualités. Faux et archifaux ! Car, on a vu les pays développés comme les Etats-Unis d’Amérique et la France tâtonner sur le protocole de traitement médical à administrer aux malades affectés par la pandémie. On a vu des pays européens incapables de fournir des masques à leurs citoyens. A contrario, la Chine, le pays le plus peuplé du monde d’où est apparu le virus, nous aura administré la leçon d’un pays non développé mais capable de se prendre en charge, de contenir l’expansion de la pandémie, et de préserver la vie de centaines de milliers de ses citoyens. Qui l’aurait cru ! Si la covid-19 n’a pas créé de ravages humains en Chine, elle l’a fait ailleurs dans le monde. A fin juin 2021, la covid-19 aura tué 3,9 millions de personnes dans le monde ; 1,1 million en Europe, 604 467 aux Etats-Unis, 141 650 en Afrique, et 924 en RDC.
Ce que je pense est qu’au-delà de l’aspect purement sanitaire, la covid-19 a impacté négativement l’économie du monde. D’une manière générale, les taux de croissance ont été soit négatifs, soit au plus bas de leurs niveaux, approchant le zéro pourcent. Les taux les plus négatifs ont été enregistrés aussi par les pays développés. A titre d’exemple, les Etats-Unis d’Amérique ont connu une croissance économique de -3,5 % en 2020. Au cours de la même année, les plus grandes économies européennes, à savoir l’Allemagne, la France et la Grande Bretagne, ont enregistré des taux de croissance respectivement de -5% ; -8,3% ; -9,9%. L’Afrique a été le continent le moins appauvri par la pandémie. Elle a enregistré en moyenne un taux de croissance de -3,5% en 2020. Certains pays ont connu plus de dégâts économiques que d’autres. C’est le cas de l’Ethiopie et la Guinée dont le taux de croissance ont été plutôt positifs respectivement de 6,1% et 5,2%. Mais, plusieurs pays africains ont vu plutôt leurs économies rentrer dans la récession. C’est le cas notamment de l’Afrique du Sud, l’économie la plus structurée du continent avec un taux de croissance économique de -7%. L’économie de la RDC a été, contre toute attente, épargnée de la récession. Le taux de croissance économique s’étant situé autour de 1,7% en 2020 du fait principalement de la résilience du secteur minier dont la production a tenu bon suite notamment à l’embellie des cours, et nonobstant les mesures de confinement prises par le gouvernement. La production s’est certes accrue. Malheureusement les recettes n’ont pas suivi. La valeur totale de ressources internes a plutôt baissé pour se situer à 7 019,9 milliards de Francs Congolais à fin 2020 contre 7 382,1 milliards de Francs Congolais à fin 2019. Ce qui n’a pas permis à la RDC de couvrir l’ensemble des charges contraignantes comme les salaires et le fonctionnement. En dépit des appuis financiers records obtenus du FMI, de la Banque mondiale et de la BAD, plusieurs institutions et services de l’Etat n’ont pas pu recevoir leurs dus mensuels. Certaines assemblées provinciales totalisent d’ailleurs plus de douze mois de retard de payement de leurs émoluments et frais de fonctionnement. Par ailleurs, la part de ressources publiques internes affectées aux dépenses d’investissements a périclité pour se situer à moins de 4 % contre plus 14% en 2014.
Ce que je pense est que les dégâts causés par la pandémie du point de vue humain et économique devaient permettre à tous les pays du monde d’examiner à fond leurs politiques et systèmes de santé pour non seulement, trouver des solutions idoines aux problèmes actuels du secteur, mais aussi pour anticiper la survenance d’autres cas de figure à moyen et long termes. C’est une urgence pour l’Afrique, et surtout pour la RDC. En effet, en observant, le nombre de morts qu’il y a eu d’abord en Chine, puis en Europe, et enfin en Amérique, tous les spécialistes ont prédit l’hécatombe en Afrique où le système de santé semble être le pire au monde. Pour de raisons qui restent encore à élucider, l’Afrique est curieusement le continent le moins affecté par la Covid-19, particulièrement en termes de perte en vies humaines. La question que l’on se pose est celle de savoir comment le virus peut-il tuer le moins possible là où le système sanitaire est le pire et les citoyens sont les moins vaccinés au monde ? S’agissant de la vaccination, certains pays occidentaux ont atteint un niveau de protection contre la covid-19 de leurs citoyens de plus de 50 %. La Chine vaccine près de 18 millions de citoyens par jour ! Un record mondial. Au dernier week-end de juin 2021, la Chine a atteint le chiffre de 21 millions de vaccinés par jour, soit 3 jours nécessaires pour vacciner la population française. Par contre, il existe de pays africains où même pas 1% de la population n’a été vaccinée. La RDC se trouve malheureusement parmi ceux-là. Non seulement, les Congolais sont très sceptiques quant à la pertinence de la vaccination, mais aussi sur le type de vaccin rendu disponible, à savoir Astra Zeneca. Ce vaccin aura été parmi le plus critiqué de tous les vaccins en termes d’efficacité à travers le monde, y compris en occident.
Ce que je pense est que l’Afrique doit reconstruire son système de santé. A cet effet, il faut des infrastructures hospitalières de qualité, de médecins bien formés (généralistes et spécialistes), et de bons plateaux techniques. Dans tous les cas, il faut de ressources financières suffisantes pour produire et acquérir des médicaments de qualité et en quantité suffisante. Ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. La part de ressources budgétaires réservées au secteur de santé est, en moyenne annuelle, de 7% en Afrique subsaharienne ces dernières années contre 15% dans les pays de l’OCDE et plus de 20% au Japon, en Suisse, en Nouvelle-Zélande, aux États- Unis et en Allemagne. S’agissant de la RDC, elle n’a affecté au secteur de la santé en moyenne annuelle que 7,5% de ressources budgétaires entre 2016 et 2019, ce qui est largement insuffisant. Evidemment, l’on ne peut espérer développer un pays avec un système de santé déficient. Au lendemain de l’indépendance, la RDC avait un système de santé parmi les plus performants en Afrique. Elle en a aujourd’hui parmi les pires. Il faut donc investir suffisamment dans le secteur pour espérer être à l’abri de l’assaut d’un virus qui serait plus virulent et plus dévastateur que la Covid-19. C’est une question de leadership et de gouvernance. En effet, il y a des pays en développement dont le système de santé fait la différence. C’est le cas de Cuba. Pour mémoire, on a vu des médecins cubains aller au secours des Italiens. Et l’on apprend que le Cuba est suffisamment avancé dans le processus de production de son propre vaccin contre la Covid-19. Donc tout est possible ! Sinon, l’Afrique continuera à évacuer ses filles et fils à l’étranger pour se faire soigner jusqu’au moment où les occidentaux refuseront de les accueillir pour plusieurs raisons. Aujourd’hui, il y a le visa covid qui sera exigé pour entrer en Europe. Demain, ça pourra être un visa fondé soit sur la fiabilité du système de santé national, soit sur le niveau de développement tout court. On voit des Africains, ne pouvant pas obtenir de visas de l’occident, s’y rendre. Autant anticiper le probable isolement du continent. Certains pays l’ont compris et s’y préparent depuis plusieurs années. La RDC devrait suivre leurs pas !
Kinshasa, le 04 juin, 2021.