Ce que je pense : Qu’advient-il lorsqu’un peuple cesse de penser et de réfléchir ?

Ce que je pense est que lorsqu’un peuple cesse de penser et de réfléchir, son avenir s’assombrit. En effet, l’homme est appelé à trouver continuellement des réponses aux questions fondamentales inhérentes, non seulement à son existence, mais aussi à celle de l’univers dans lequel il vit. Le monde a été créé égal pour tous les peuples. Il est le même pour les blancs, les noirs et les autres races. Dans sa nature sauvage, il recèle toute sorte et forme de richesses. Certaines apparentes, d’autres, pour l’essentiel, cachées. Il a été donné à l’homme la capacité de penser et de réfléchir pour se découvrir et trouver les voies et moyens de déposséder la terre de ses trésors pour son meilleur-vivre. Pour le créateur, l’homme se doit d’utiliser son intelligence pour produire, multiplier la production et la distribuer ; il doit contrôler et dominer le monde. En un mot, grâce à sa capacité intellectuelle, l’homme se doit de transformer le monde. Il doit donc travailler dur, offrir le meilleur de lui-même et rechercher toujours l’excellence.


Ce que je pense est que Dieu n’a créé ni riche, ni pauvre. Il a plutôt donné le pouvoir à l’homme de créer la vraie richesse. Certains peuples ont fait usage de leur intelligence pour répondre à ce défi originel et permanent. Ils ont créé des écoles primaires, secondaires et universités de qualité. Ils ont créé des écoles professionnelles de standard élevé. Ils ont construit de centres de recherche de haut niveau. Ils identifient les meilleures intelligences dès l’école primaire et les accompagnent méticuleusement jusqu’à leur éclosion. Ils pourchassent et attirent les brillantes personnes de tout âge à travers le monde. Ils veulent autant que possible être les détenteurs du savoir du monde. Ils investissent énormément dans l’éducation et la recherche. Ils se remettent en question de manière continue. En définitive, leurs pays ont les meilleures écoles, universités et centres de recherche du monde. Ils ont aussi les meilleures idées et inventions ; de même, leurs scientifiques caracolent dans le classement des bénéficiaires des prix Nobel et autres prix d’excellence de standard international. Enfin, ils ont les meilleures industries et produisent, en quantité et qualité, tout ce dont les hommes ont besoin pour mieux vivre. En plus, ils fabriquent les armes de toute nature pour se protéger et assujettir les autres. Ces peuples sont devenus « riches » et font partie des pays dits « développés ». A l’opposé, les autres peuples recourent peu à la pensée et à la réflexion. Ils ne lisent presque pas, mais parlent beaucoup. Ils sont dans l’école du m’as-tu-vuisme et de la jouissance. Ils investissent très peu dans l’éducation et la recherche. Les écoles et universités sont délabrées, les programmes d’enseignement parfois dépassés, les enseignants et les professeurs mal payés et pas à jour de la pédagogie et de la recherche. Dans leurs pays, les sciences exactes et d’ingénieur sont reléguées au second plan. Celles-ci manquent parfois de professeurs. Inimaginable ! La philosophie, science de la quête permanente de la vérité par un questionnement continu de l’existentialisme, est presque abandonnée. Le système éducatif et d’invention n’est pas compétitif et motivateur. Leurs universités et centres de recherche n’apparaissent presque pas dans le classement mondial y relatif. Les anti-valeurs supplantent les valeurs et deviennent un référentiel de pensée et de production. La culture de la méritocratie s’étiole devant celle de la médiocrité. En définitive, ces peuples n’inventent presque rien. Ils adoptent les idées des autres et essayent de penser comme eux. Ils produisent très peu et la valeur ajoutée y est faible. Alors, ils importent et consomment la production des pays développés. Et le classement des pays selon l’indice du développement humain du PNUD les positionne au bas de l’échelle. Ils sont considérés comme des « pauvres » et vivent dans les pays qualifiés de « sous-développés ».


Ce que je pense
est que les dirigeants des pays sous-développés ainsi que leurs peuples doivent cesser de se plaindre pour revendiquer les mêmes types de droits et de respect que les peuples des pays développés. Le respect ne s’octroie pas. Il se mérite. La paix et la sécurité ne se donnent pas, elles s’acquièrent. Ils doivent plutôt se poser la question de savoir pourquoi les autres sont mieux côtés, sécurisés et protégés. Ils comprendront que leur progrès est fondamentalement lié à la maitrise de la connaissance et du savoir, ainsi qu’à l’effort et au sacrifice. Ils comprendront aussi que les institutions internationales où se discutent les grandes questions liées à la marche du monde ont été créées essentiellement pour protéger la suprématie des grands. Ce qui est du reste conforme à la logique de la création de voir les plus forts assujettir les plus faibles. Éthiquement, ces institutions appartiennent aux Nations unies, c’est-à-dire à tous les peuples du monde. Pour certains, la communauté internationale n’existe pas. C’est plutôt un syndicat de pays développés dans lequel sont associés, pour la figuration, les représentants des pays pauvres. Parce que les décisions y sont prises sur base du poids de la production de chaque pays, du reste fruit de la connaissance, du savoir et du dur labeur. Et de manière générale, les décisions profitent aux plus forts qui disposent d’un pouvoir de vote prépondérant. Au conseil de sécurité, certains d’entre eux ont même le pouvoir de véto. Alors, au lieu de se plaindre et de réclamer une justice de faveur, les pays pauvres devraient plutôt investir dans la connaissance et la recherche du savoir pour davantage produire, créer des richesses et se protéger. Sur base de leurs nouveaux poids économiques et financiers, ils seront en mesure de revendiquer la restructuration de toutes les institutions internationales dans lesquelles ils n’ont actuellement aucun pouvoir réel. C’est de cette façon seulement que leurs revendications et droits seront sérieusement prise en compte. Certains pays comme la Chine et l’Inde et d’autres de l’Asie du Sud-est comme la Corée du sud et le Singapour l’ont compris et ont levé l’option de suivre dans le silence cette voie de sagesse et de grandeur. Depuis plusieurs décennies, ils rêvent, pensent, réfléchissent et travaillent dur. Ils produisent la qualité, consomment leurs productions et exportent le surplus. Les résultats sont impressionnants. Leurs voix sont entendues et le seront davantage demain. Le respect et l’honneur s’invitent aussi à leur endroit. La paix et la sécurité aussi. Comme le disait Gérard Papus, ils empruntent la voie de l’évolution et d’éclaircissement. Ils laissent les autres peuples sur la voie de l’involution et de l’obscurcissement. Quitte à eux d’apprendre à penser et à réfléchir.

Paris, le 27 octobre 2022

Ce que je pense : la politique et l’économie

Ce que je pense est que la politique et l’économie sont deux compartiments qui s’emboîtent totalement et que de ce fait, l’un ne peut bien fonctionner efficacement sans l’autre. Faites-moi de la bonne politique, je vous ferai des bonnes finances, dit-on. De même, une économie faible est un sérieux handicap au secteur politique. En effet, un discours politique, quel qu’il soit, sans action faute de moyens, perd au fil de temps sa densité et sa crédibilité. A terme, la politique perd sa base. Voilà pourquoi, il est toujours recommandé que ce soit le parti qui a gagné les élections qui dirige le pays ! Tout simplement parce que c’est ce parti qui est en mesure d’avoir la totale commande de l’appareillage institutionnel, de former un gouvernement, et de mettre en œuvre un programme économique cohérent soutenu par la majorité du peuple. La vision du pouvoir est partagée par les aspirations du peuple, et les réformes, douloureuses soient-elles, sont acceptées par ce dernier parce qu’elles visent le bien-être général de la population.

Ce que je pense est qu’un gouvernement de coalition est un handicap majeur à la bonne marche de l’économie. En effet, un tel gouvernement est un produit de plusieurs partis ou groupements politiques qui peuvent ne pas partager la même vision ! Et si on n’a pas la même vision, on n’a pas nécessairement les mêmes objectifs. De même, les méthodes et techniques de mise en œuvre de l’action gouvernementale peuvent être différentes. Voilà pourquoi, il y a de partis de gauche et de droite, d’extrême gauche et d’extrême droite, des Démocrates et des Républicains, des Socialistes et des Capitalistes ou alors des Centristes. Tous visent à conquérir le pouvoir pour le bien-être de la population, mais avec de clés de mise en oeuvre des politiques économiques différentes.

Ce que je pense est que la coalition FCC-CACH n’est pas en mesure de s’extraire de cette logique universelle. Les deux groupements politiques n’ont pas la même vision, les mêmes objectifs, et les méthodes de travail. Par ailleurs, il y a une forte hétérogénéité de l’appareil politique et économique. Le groupement CACH a été proclamé  a été proclamé gagnant de la majorité parlementaire. Et, selon la Constitution, c’est le FCC qui a choisi et proposé le premier ministre qui dirige actuellement le gouvernement. Et c’est toujours le FCC qui a choisi la présidente de l’Assemblée Nationale et le président du Sénat. Alors que le Président de la République provient du CACH, les chefs de trois institutions susdites sont quant à eux l’émanation du FCC. Voilà pourquoi il existe actuellement un gouvernement de coalition dont les postes ministériels sont partagés par les deux groupements politiques. En principe, seul le FCC devait former le gouvernement et aucun ministre ne proviendrait du CACH. Mais, parce qu’en coalition, le FCC a accepté d’attribuer une partie du portefeuille ministériel au CACH. Cela reste conforme au contenu d’un accord secret signé entre les chefs de deux groupements et qui recommande une gestion partagée du pouvoir et à tour de rôle pendant plusieurs mandatures.

Ce que je pense est que le rendement d’une telle machine institutionnelle ne peut qu’être faible. En effet, les deux groupements politiques n’ayant pas nécessairement le même idéal, les mêmes pratiques et vertus de gestion ne peuvent que s’entrechoquer. C’est la règle… Un gouvernement d’union nationale, quel que soit l’attrait de sa dénomination – gouvernement du peuple, de combat, de salut public, de sauvetage ou d’union nationale – ne produit jamais des résultats que délivrerait un gouvernement issu d’une majorité électorale et qui aurait la cohérence de son action.

Cela s’entend avec une politique économique efficace. Voilà pourquoi le gouvernement Matata 1 de 2012, issu de la majorité parlementaire, a produit plus de résultats que le gouvernement Matata 2. Le gouvernement Matata 1, composé de 36 ministres issus tous de la majorité ayant

gagné les élections présidentielle et parlementaire, a bénéficié de l’harmonie non seulement en son sein, mais aussi entre toutes les institutions de la république, surtout entre la présidence de la république et la primature. Ce qui a permis au gouvernement de réaliser les réformes requises et de produire des résultats socio-économiques appréciables. Pour de raisons essentiellement politiques, Matata 2 a été formé le 14 décembre 2014 à la suite des concertations du Palais du peuple ayant permis l’entrée dans le gouvernement des ministres issus de l’opposition républicaine. Ce gouvernement a subi un réaménagement technique le 25 septembre 2015 avec le départ des ministres membres du G7. En dépit d’une bonne entente entre les institutions qui étaient toujours dirigées par les mêmes responsables, Matata 2 a moins délivré en termes de résultats, notamment du fait de l’affaiblissement de leadership et de la gouvernance au sein de l’équipe gouvernementale.

Ce que je pense est que tant qu’un gouvernement de coalition présidera aux destinées du pays au cours de la période 2019-2023, il serait illusoire de s’attendre à des résultats économiques et sociaux appréciables. Tout simplement à cause de la désharmonie flagrante entre les différentes institutions de la république. En effet, la mésentente entre les deux chefs de groupements politiques en coalition est devenue un secret de polichinelle. La guerre entre les deux chambres du parlement et la présidence est de notoriété publique. La lutte des pouvoirs entre la présidence et la primature pollue totalement l’environnement des affaires. La cacophonie au sein de l’équipe gouvernementale est plus que paralysante. Que peut-on attendre d’un tel cocktail?

Ce que je pense est que le salut proviendrait principalement d’un effort exceptionnel que les deux Coalisés fourniraient pour rétablir l’harmonie entre les différentes institutions et particulièrement au sein du gouvernement. Au regard du niveau de dégradation des relations entre les deux parties, cela apparait irréalisable. Mais, tout est possible. Il faut plutôt un dépassement de soi au profit de la majorité. Sinon, ce sera la fin de la coalition qui ouvrirait la voie à une cohabitation entre les deux partenaires actuels. Le CACH n’aurait alors aucun ministre dans le gouvernement. L’atmosphère politique risquerait d’être plus polluée que celle d’aujourd’hui. Ou alors, on dissoudrait l’Assemblée Nationale pour reconstituer la majorité parlementaire et rétablir l’harmonie institutionnelle inexistante aujourd’hui. Dans ce cas et selon la Constitution, le gouvernement a l’obligation de réaliser les élections dans les 60 jours après la dissolution. Le gouvernement, a-t-il les moyens de réaliser un tel projet ? Lorsque les dépenses des salaires, de fonctionnement, de paiement de la dette extérieure et intérieure, ainsi que de souveraineté représenteraient plus de 100 % de ressources internes de l’Etat, l’on peut se poser la question de savoir d’où proviendraient les 450 millions de dollars américains minimum qu’il faut pour réaliser le scrutin dans un délai record. Ou enfin, le Président de la république constituerait, à la fin de ses consultations politiques, toujours les mêmes fameuses consultations depuis les années Mobutu-, une nouvelle majorité parlementaire avec des députés débauchés du FCC. Une hypothèse, certes difficile, mais politiquement à haut risque. Elle remettrait en cause l’une de prémisses de base de l’accord secret susdit, à savoir la préservation des acquis des élections de 2018. Quel en serait le prix au niveau de la stabilité politique et du progrès économique ? Difficile de l’imaginer. Mais, d’aucuns diraient : « le climat politique se détériorera davantage et l’économie continuera à plonger ». Quoi qu’il en soit, la solution mérite d’être trouvée rapidement par les deux coalisés pour minimiser les dégâts socio-économiques inévitables parce qu’à terme, la politique et l’économique s’entremêlant, ils paieront tous deux le prix fort.

29 Novembre 2020

Ce que je pense: les réserves de change et le développement économique ?

Ce que je pense est que les réserves de change constituent un des leviers clés dans la stratégie du développement d’un pays.

La problématique de l’accumulation de réserves de change remonte très loin dans l’histoire des politiques économiques.

Rappelons-nous du bullionisme du XVIème siècle qui considérait les métaux précieux comme la richesse d’une nation et préconisait le protectionnisme commercial contre la sortie de ces métaux.

Selon le Fonds monétaire international, cinq objectifs principaux peuvent justifier l’accumulation de réserves de change. Le premier est celui de susciter et maintenir la confiance dans la politique monétaire et la politique de change en assurant la capacité à effectuer des interventions sur le marché des changes ; le second est de limiter la vulnérabilité externe par le maintien des liquidités en devises étrangères afin d’absorber les chocs en temps de crise ou lorsque l’accès au financement extérieur est restreint ; le troisième est de donner aux marchés l’assurance que le pays est en mesure de remplir ses obligations extérieures ; le quatrième est de démontrer le soutien à la monnaie nationale par des avoirs extérieurs de réserve, et aider le gouvernement à satisfaire à son besoin de financement en devises étrangères et à s’acquitter de ses dettes extérieures ; et enfin, le cinquième est de maintenir des réserves en cas de catastrophes d’urgences nationales.

Tenant compte de ces objectifs, il s’avère que la motivation première pour avoir suffisamment d’actifs liquides en devises étrangères dans un pays est d’assurer la liquidité en cas de crise de balance des paiements ou de revirement des capitaux étrangers. Il s’agit donc d’une motivation de précaution.

Ce que je pense est que les réserves de change doivent atteindre un niveau optimal pour l’accomplissement de cinq missions ci-dessus évoquées.

Plusieurs ratios d’adéquation sont généralement utilisés pour apprécier cette optimalité et prendre de décisions rationnelles de politique économique.

Il s’agit d’abord (a) du taux de couverture des importations qui doit être d’au moins trois mois. Ce critère tient compte de perspectives d’équilibre de la balance des paiements. Ensuite, il y a (b) le ratio de réserves de change rapportées à la dette extérieure à court terme.

Ce ratio mesure la capacité d’un pays à rembourser rapidement sa dette exigible, notamment en période de crise. L’indice de référence est de 1 %. Il y a aussi (c) le ratio des réserves de change rapportées à la dette extérieure totale qui reflète la capacité d’un pays à rembourser le total de sa dette extérieure avec les réserves de change ; le niveau de 40 % étant la proportion optimale. L’on parle également (d) du ratio des réserves de change rapportées à la monnaie et à la quasi-monnaie (M2).

Ce ratio est utilisé comme indicateur de précaution en cas de crise financière. L’indice de référence se situe entre 10 % et 20 % pour les pays ayant opté pour le régime de change fixe, et de 5% à 10 % pour les pays ayant recouru au régime de change flottant.

Enfin, il y a le ratio des réserves de change sur le Produit intérieur brut (PIB) qui doit être égal à 9,1 % ; avec ce niveau, le pays est capable d’absorber un choc du compte de capital de près de 10 %.

Ce que je pense est qu’il existe un vif débat sur l’utilisation de réserves de change excédentaires dans les différents pays africains, y compris en RDC. Moi-même, alors que j’étais premier ministre, j’ai vécu ce type de débats entre ceux qui croyaient qu’il fallait utiliser les réserves de change pour booster la croissance et ceux qui pensaient qu’il fallait les consolider davantage, vu leur niveau encore bas et la fragilité du cadre macro-économique.

J’étais du dernier groupe. A l’époque, certains pays africains avaient atteint le niveau de réserves de change de loin supérieur à celui de la RDC. C’est le cas notamment de l’Afrique du Sud avec 49 milliards de USD à fin décembre 2014 et du Maroc avec 20 milliards USD à la même date.

Alors que la RDC n’avait que moins de deux milliards USD au même moment. Au-delà de ce débat non stérile, il n’en demeure pas moins vrai que la constitution de réserves de change a un coût d’opportunité qu’il faut effectivement apprécier pour assurer l’équilibre entre la stabilité du cadre macro-économique à court terme et les objectifs du développement économique à long terme qui passe notamment par la construction des infrastructures de base.

En effet, selon la Banque mondiale, le déficit d’infrastructures freine la croissance économique de l’Afrique à concurrence de 2 % par an. Par ailleurs, une étude menée sur un certain nombre d’économies africaines démontre que le coût de détention de réserves en devises en excès pourrait osciller en moyenne entre 0,35% et 1,67% en termes du PIB.

Ce taux comprend le coût social de la consommation et de l’investissement domestiques incontournables, de même que le coût financier et les tensions sur les politiques monétaires découlant des efforts visant à neutraliser toute nature de chocs internes et externes pouvant impacter la politique monétaire. Le coût social pouvant être mesuré comme la différence entre la plus grande perte possible de productivité marginale d’un investissement alternatif dans les actifs immobilisés et le rendement des réserves internationales.

Par ailleurs, l’utilisation de réserves de change doit tenir compte de leur provenance. D’une manière générale, elles doivent provenir principalement de l’excédent commercial, d’un surplus du compte capital et subsidiairement des emprunts extérieurs ou d’appuis des institutions financières internationales comme le Fonds monétaire international, la Banque mondiale et la Banque africaine de développement.

Ce que je pense est que la RDC a effectivement atteint un niveau de réserves de change jamais réalisé depuis plus de deux décennies. Elles se chiffrent à 3,3 milliards USD à fin septembre 2021 contre 1,3 milliard USD à fin décembre 2011 et 21,7 millions USD à fin décembre 2001. Le progrès est énorme parce qu’il permet au gouvernement de renforcer sa crédibilité et résilience en matière de gestion de politique de change et de politique économique.

En effet, la plupart des indicateurs ci-dessus évoqués se sont sensiblement améliorés. Le taux de couverture des importations est légèrement au-dessus de la norme de trois mois. Ce taux n’était que de trois semaines à fin décembre 2020. S’agissant du rapport entre les réserves de change et la masse monétaire (M2), le ratio est de 31 % contre une plage de 5% à 10% recommandée.

L’économie congolaise est donc capable de résister à une crise financière d’origine interne. Pour ce qui est du rapport entre les réserves de change et la dette extérieure globale, le taux est de 73,2% contre une norme de 40%. Quant au taux de couverture de la dette extérieure à court terme par les réserves de change, il est largement au-dessus de la norme.

Enfin, s’agissant du ratio entre les réserves de change et le PIB, il est de près de 12% contre une norme de 9%.

De manière globale, l’ensemble des indicateurs relatifs à l’optimalité du niveau de réserves de change se comporte très bien. C’est plutôt l’origine desdites réserves qui posent un problème.

En effet, selon la Banque centrale du Congo, un peu plus de 50% de réserves de change à fin septembre dernier proviennent du financement extérieur. Entre 2019 et 2021, la RDC a reçu 2,5 milliards USD du FMI, 1,6 milliard USD de la Banque mondiale, et 415 millions USD de la Banque africaine de développement.

En soustrayant le flux annuel des financements de 2021 reçus du FMI, de la Banque mondiale et de la BAD, le niveau de réserves de change tombe respectivement à 1,6 milliard USD, 800 millions USD et 758 millions USD. Si on soustrait de réserves de change à fin septembre 2021 (3,3 milliards USD) tous les financements reçus de ces trois institutions, de 2019 et à ce jour (4,5 milliards USD), son niveau devient totalement négatif, soit -1,2 milliard USD.

Ce que je pense est que les réserves de change ont effectivement atteint un niveau exceptionnel depuis plusieurs décennies. Toutefois, ce niveau est loin de refléter la vitalité et la résilience de l’économie nationale comme on l’aurait imaginé. Les bons indicateurs économiques sus-évoqués masquent très mal l’état d’une économie fragile fortement perfusée par les institutions financières internationales et régionales.

En effet, sans perfusion financière extérieure de trois dernières années, la RDC aurait eu de réserves de change en dessous de zéro à fin septembre, et la politique de change de notre pays serait totalement inopérante. Alors que sans appui extérieur (2011-2015), mais sur base des balances commerciale et de capitaux productives, la RDC a atteint un niveau record de 1,7 milliard USD à fin décembre 2013. Avec le même niveau d’appui extérieur, ce chiffre monterait à 6 milliards USD à la même date.

En définitive, du point de vue macro-économique, la stabilité des prix intérieurs et du taux de change reste principalement expliquée par l’accumulation des arriérés de salaires ou des émoluments, l’utilisation d’une partie de réserves de change pour payer les rémunérations, et le non financement de certaines dépenses nécessaires de fonctionnement et d’investissement. En dépit de cela, certains députés provinciaux enregistrent de retards de paiements de leurs émoluments de plus de douze mois ! Du point de vue structurel, la part de ressources internes consacrées aux dépenses d’investissements demeure insignifiante, soit 5,5% à fin août 2021 contre 12,38 % à fin décembre 2013.

Ce qui compromet totalement la relance et le développement économique à moyen et long terme. Ceci démontre aussi l’inconsistance du niveau de réserves de change qui se trouve en totale déconnexion avec l’économie réelle.

De ce fait, il ne nous parait pas justifié d’apprécier le coût d’opportunité de ces réserves de change par rapport aux dépenses d’investissement qui en seraient faites. En effet, les réserves de change ne sont pas excédentaires et ne peuvent donc pas être consacrées aux dépenses d’investissement au risque de déstabiliser le cadre macro-économique actuel qui reste fragile.

Kinshasa le 30/09/2021

Ce que je pense : Suis-je devenu un prisonnier politique ?

Ce que je pense est que je suis devenu un prisonnier politique depuis près de quatre mois. Prisonnier, parce que je suis privé de liberté de mouvements à l’intérieur comme à l’extérieur du pays depuis le 9 mai 2021 date à laquelle je suis rentré au pays pour répondre à l’appel de la justice sur le dossier Bukangalonzo. Le procureur général près la Cour constitutionnelle a depuis lors instruit les services d’immigration et de sécurité nationale de ne plus m’autoriser à voyager ; et je n’en étais pas informé. Pourquoi doit-on restreindre la liberté de mes mouvements ? Me soupçonne-t-on de vouloir fuir à l’extérieur du pays ? Pourquoi le ferrai-je aujourd’hui alors que j’étais à l’étranger lorsque le premier réquisitoire a été adressé par le procureur général au Parlement pour solliciter l’autorisation des poursuites judiciaires à mon encontre ? Plusieurs personnes m’avaient d’ailleurs conseillé de ne pas retourner au pays craignant principalement la partialité du processus judiciaire me concernant. En dépit des craintes exprimées par de nombreuses personnes, je suis plutôt rentré estimant qu’il vaut mieux revenir pour rétablir la vérité que de laisser le mensonge prévaloir en restant à l’étranger. Et je n’avais pas tort, parce que les sénateurs, après avoir examiné les faits qui m’étaient reprochés et devant l’évidence de la vérité, n’ont pas autorisé les poursuites judiciaires à mon endroit.

Ce que je pense est que je suis devenu un prisonnier politique parce que la limitation de mes mouvements a été décidée de manière arbitraire. En effet, le fait d’être poursuivi par la justice suffit-il pour décider de la restriction de mes mouvements dans le pays et à l’étranger ? Non, parce que n’ayant jamais été condamné, je bénéficie de la présomption d’innocence ; de ce fait, je devrais jouir totalement de ma liberté de circulation telle que garantie par la constitution de la république et le règlement intérieur du sénat, comme c’est le cas dans d’autres pays. On peut se rappeler les cas de plusieurs autorités européennes (anciens présidents, premiers ministres, et ministres) qui, en procès dans leurs pays respectifs, jouissent de la liberté totale de leurs déplacements, même à l’étranger. Par ailleurs, il est étonnant de constater que plusieurs personnes traduites en justice au même moment que moi, que ce soit sur le dossier Bukangalonzo ou celui de la zaïrianisation, bénéficient, elles, de la liberté totale de leurs mouvements. Comment peut-on me refuser de sortir alors que les co-accusés peuvent le faire à volonté ? Suis-je un justiciable spécial ?

Ce que je pense est que je suis devenu un prisonnier politique parce que tout est fait pour m’empêcher de jouir de ma liberté de circulation, et toutes sortes de stratégies sont prises pour le justifier. En effet, au lendemain du rejet du réquisitoire du procureur général sur le dossier Bukangalonzo par la plénière du sénat le 15 juin dernier, j’ai sollicité auprès du sénat l’autorisation de sortie notamment pour de raisons de santé ; cela ne m’a pas été accordé. Et pourtant la requête du procureur ayant été rejetée à la date sus-indiquée, la restriction de mes mouvements devait été levée automatiquement. Par contre, cela a continué jusqu’au 28 juin date à laquelle un nouveau réquisitoire a été adressé au sénat par le même procureur général pour requérir de nouveau l’autorisation de poursuites judiciaires à mon encontre. On comprend alors pourquoi le sénat ne pouvait pas m’autoriser à sortir depuis le 16 juin ! La recherche et le montage grossier des dossiers judiciaires contre un citoyen du reste innocent, peut-il constituer le motif suspensif de ses libertés de circulation dans un pays ! Par ailleurs, le fameux dossier de zaïrianisation devant être classé sans suite depuis le 15 juillet dernier pour défaut de charges à mon encontre, il n’y avait plus de raison de restreindre la liberté de mes mouvements. Qu’a-t-on constaté en réalité ? D’abord, la promesse faite, devant témoin, par le procureur général de clôturer formellement ce dossier n’est pas tenue ; et cela plus d’un mois et demi après ! En outre, et en violation manifeste de prescrits légaux, le dossier de Bukangalonzo a été déterré et remis sur la table pour justifier le maintien de restrictions de mes mouvements à l’intérieur comme à l’extérieur du pays.    

Ce que je pense est que je suis effectivement devenu un prisonnier politique parce que même pour de raison de santé, il m’est impossible de quitter le pays. Incroyable ! Comment peut-on imaginer que quelqu’un qui a été empoisonné soit interdit de poursuivre le traitement dans un centre spécialisé de toxicologie (qui n’existe pas au pays) afin de s’assurer que tout le poison a été absorbé ? Et pourtant, j’ai montré toute ma bonne foi, en me rendant personnellement au parquet général, accompagné de mon médecin traitant, pour remettre au procureur général près la cour constitutionnelle l’ensemble de documents attestant la fragilité de mon état de santé et les recommandations pertinentes y relatives du médecin traitant. Ce dernier l’a confirmé au procureur général qui l’a acté dans un procès-verbal dûment contresigné par moi-même. Où est le droit de l’homme et l’état de droit lorsque le procureur général conditionne les droits d’un citoyen de se faire soigner par l’obligation d’être entendu sur un dossier sur lequel le sénat a refusé en plénière d’autoriser les poursuites judiciaires ?  Pourquoi les droits fondamentaux de l’homme, peuvent-ils être marchandés ? Où se trouve l’équilibre et le respect de la séparation des pouvoirs lorsque la décision d’une institution comme le sénat, la chambre haute du parlement, est foulée aux pieds par une branche d’une autre institution qu’est la Justice ?

Ce que je pense est que je suis devenu un prisonnier politique qui a le devoir patriotique de rappeler que « la justice élève les nations »,et qu’à ce titre, nous ne pouvons pas chercher à la fois une chose et son contraire. L’histoire du monde sur le développement économique des nations ne renseigne nulle part le cas d’un pays dont le progrès s’est réalisé avec l’injustice. Bien au contraire. Car, la justice crée ou recrée la confiance qui constitue un des facteurs clé de la bonne gouvernance qui, elle-même, conditionne notamment la qualité des institutions. Or comme on le sait, le développement des nations est fonction de la qualité des institutions enclenchée et soutenue par un leadership fort. Les mauvaises institutions, dites « institutions extractives », sont à la basse du sous-développement. Et l’on y trouve généralement une justice insuffisance, parfois à plusieurs vitesses. Celle-ci accroît la méfiance entre les dirigeants politiques et les opérateurs économiques et mine le climat des affaires plombé par des coûts de transactions élevées. Par contre, les bonnes institutions dites « institutions inclusives » constituent la fondation du progrès de toutes les nations développées, y compris des économies émergentes. Car, l’on y trouve un état de droit dont la justice constitue une composante de taille. Une justice équitable à tous les citoyens, indépendamment de leur appartenance politique, rétablit la confiance entre agents économiques et promeut le climat des affaires, lequel facile l’investissement privé, moteur de la croissance économique et créateur de revenus partagés par l’ensemble de la population. Il importe donc de promouvoir réellement l’état de droit et d’éviter de prisonniers politiques, car dans le fond, le développement en dépend inéluctablement.                                                                                       

Kinshasa, le 27 août 2021.

Ce que je pense : Le Prix Nobel Mukwege, une référence

Ce que je pense est que le Dr Mukwege, prix Nobel de la paix en 2018, est une référence internationale. C’est l’unique Congolais à qui on a décerné jusque-là ce prestigieux prix depuis qu’il a été lancé à Stockholm, en Suède, il y a plus d’un siècle, le 10 décembre 1901. On ne cessera jamais de le féliciter pour avoir honoré, non seulement ceux dont il porte le nom, c’est-à-dire ses parents et ancêtres, mais aussi ceux à qui il a transmis ce nom, en occurrence, ses enfants, voire sa progéniture. C’est aussi un honneur, non seulement pour tous les Congolais, mais aussi pour l’Afrique. C’est un homme qui est rentré dans le patrimoine de l’humanité parce qu’il appartient désormais à la généalogie des hommes et femmes célèbres qui ont fait un don de soi au monde, mieux qui ont donné quelque chose de remarquable, bref d’exceptionnel, sur la terre.

Ce que je pense est que l’initiateur de ce prestigieux prix, Alfred Nobel, avait eu une idée géniale, celle de récompenser les efforts de ceux qui se consacrent de manière soutenue à l’amélioration des conditions de vie de la population dans le monde, conformément à la volonté du Dieu créateur. En effet, à sa création, Dieu ordonna à l’homme de transformer le monde et jamais le détruire. Et cette transformation ne peut se faire qu’avec le génie, la volonté et la détermination d’un certain nombre de personnes passionnées et engagées dans ce qu’elles font et ayant un sens élevé du « donner » comme Alfred Nobel. De nationalité suédoise, né le 21 octobre 1833 à Stockholm, il est notamment l’inventeur de la dynamite. Mort le 10 décembre 1896 en Italie, ce chimiste brillant lègue à l’humanité sa fortune de près de 31,5 millions de couronnes suédoises, (l’équivalent de près de 179 millions d’euros au prix de 2013) pour encourager les hommes au dépassement de soi au profit des autres, notamment dans le domaine de la paix, secteur dans lequel le Dr Mukwege a été primé.

Ce que je pense est que le prestige de ce prix procède, non pas de la hauteur du montant accordé aux heureux élus qui avoisine 1 million d’euros, mais plutôt du sérieux, de la rigueur et de l’objectivité dans le processus de son attribution. C’est un prix qui ne souffre presque pas de critique ou de contestation bien qu’il y ait des gens qui ont refusé de le recevoir, parfois pour de raison d’idéologie. C’est le cas notamment des deux écrivains, le Français Jean-Paul Sartre et le Russe Boris Pasternak ou de l’Allemand Gerhard Domagt en médecine. En effet, le processus décisionnel qui dure près d’un an franchit plusieurs étapes laborieuses. Au départ, il y a (1) les nominateurs qui sont habilités à proposer des candidats. Il s’agit des membres d’Assemblées nationales et de Gouvernement ou des membres de l’Académie royale des sciences de Suède. (2) Ensuite, il y a le Comité Nobel composé notamment de six membres élus du parlement norvégien ou de cinq membres de l’Académie royale des sciences pour une durée allant de trois à six ans. Après, c’est le tour de (3) l’Assemblée décisionnelle qui désigne les lauréats sur base de la pré-sélection faite par le Comité précédent. C’est notamment le Comité royal norvégien et l’Académie royale des sciences de Suède. Et enfin (4) il y a le Conseil de Comité composé des experts réputés dans les différents domaines de sélection. C’est ce Comité qui rédige le rapport sur les candidats retenus.

Ce que je pense est que si la candidature du Dr Mukwege est passée au travers des mailles de ce type de filets, c’est que les mérites de l’homme de Panzi ont forcé l’admiration du monde. C’est donc un homme exceptionnel. Il ne pouvait en être autrement quand on examine la complexité de l’environnement dans lequel il a su donner le meilleur de lui-même au profit des autres, particulièrement les femmes. Martin Luther King disait que tout homme peut devenir grand parce que tout homme a la capacité de « donner ». Mohandas Gandhi disait, en substance, que pour faire quelque chose de grand il faut savoir s’oublier au profit des autres. En effet, c’est parfois en période de guerre ou dans un environnement hautement risqué pour lui-même et pour sa famille dans l’Est de la RDC, que le Dr Mukwege a bravé les obstacles et est allé au secours des femmes victimes des violences sexuelles. En soignant les femmes violées et en s’occupant de leur prise en charge de manière holistique, ce médecin fondateur de l’hôpital de référence de Panzi à Bukavu, a su redonner le sourire et l’espoir à celles qui les ont perdus, a su rallumer le feu de l’amour dans les cœurs brisés ; mieux il a su redonner la vie à celles qui l’avaient totalement perdue. Et, il continue à le faire. A ce titre, ce spécialiste du traitement de fistules avait le droit d’être reconnu mondialement et récompensé à juste titre.

Ce que je pense est que les Congolais en général et les jeunes en particulier, doivent s’inspirer de cet homme né dans la ville de Bukavu, le 1er mars 1955. Fils d’un pasteur pentecôtiste, c’est en 1974 qu’il a obtenu son diplôme d’État à l’institut Bwindi de Bukavu, l’une de meilleures écoles de la république. Avec la qualité de son travail, il a su montrer au monde que les meilleurs peuvent venir de partout, quels que soient leurs continents, leurs races, et leurs origines sociales. Et qu’en réalité, chacun d’entre nous, dans son domaine de prédilection, est en mesure de choisir ce chemin difficile de l’élévation, du sacrifice et du bien, en prenant les risques qu’il faut pour braver des obstacles, parfois les plus farouches ou mortels, afin de donner au monde le meilleur de soi-même. Et que le monde, convaincu de votre don précieux, se décidera, malgré lui, à vous dérouler, où que vous soyez, le tapis rouge pour vous honorer de la manière la plus solennelle possible. Tel a été le cas de cet homme élancé au regard affable, issu de famille modeste qui, en plus du prix Nobel, a reçu de nombreux prix prestigieux comme le prix Sakharov et autres titres honorifiques, notamment de plusieurs grandes universités et fondations à travers le monde. Ainsi, ce gynécologue et pasteur pentecôtiste dont la renommée contraste avec son humilité et la simplicité de son bureau de l’hôpital Panzi où il m’a reçu le 14 mars dernier, est désormais logé à la même enseigne que les autres Nobel et grands du monde comme Anouar El-Sadate, Nelson Mandela, Desmond Tutu, Koffi Annan et Barack Obama.

Ce que je pense est que l’histoire des grands Hommes est une histoire de la passion et de la recherche permanente de l’excellence au profit de l’Humanité. Le Dr Mukwege est l’un de ces Hommes.

Conakry, 8 avril 2021.

Ce que je pense : Le découpage des provinces, est-ce une réussite ?

Ce que je pense est que le découpage des provinces était opportun. Conformément à l’article 2 de la Constitution, il a été opéréen2015 alors que j’étais Premier ministre. De 11 provinces existantes auparavant, la RDC, le deuxième pays le plus vaste du continent africain avec ses 2.345.000 Km2, en compte 26 aujourd’hui. Toutes les provinces ont été découpées, à l’exception des provinces du Kongo central, Nord Kivu, Sud Kivu et Maniema. A noter que les trois dernières résultaient déjà d’un découpage à titre expérimental de l’ancienne province du Kivu. La « Région » du Kivu (selon la dénomination administrative et territoriale de l’époque), avec comme capitale Bukavu, avait deux « sous-régions », l’une du Nord-Kivu, avec Goma comme chef-lieu, et l’autre du Maniema, avec Kindu comme chef-lieu. Les deux sont devenues des régions (provinces) à part entière en 1988. C’était la première expérience mais qui n’avait malheureusement pas continué. De 9 régions initialement, l’on était monté à 11 et on en était resté là.

Ce que je pense est que le découpage des provinces, resté en hibernation depuis l’époque du Président Mobutu, s’est plutôt accéléré en 2014. Pour certains, c’était pour des objectifs politiques visant à anéantir certains gouverneurs devenus puissants et ambitieux du fait du poids économique des provinces qu’ils dirigeaient ; pour d’autres, c’était pour des objectifs purement socioéconomiques cherchant à garantir le développement harmonieux des provinces. Quelles que soient les variables d’ordre politique qui se seraient glissées dans la résolution rapide de l’équation du découpage, celui-ci demeurait incontournable au regard des défis majeurs du développement des provinces.

En effet, si les conditions de vie dans certaines provinces semblaient acceptables par rapport à leurs niveaux à l’indépendance politique en 1960 du fait essentiellement de leurs dotations en ressources naturelles et/ou positionnement géographique à la frontière du pays, celles d’autres provinces, par contre, étaient devenues de plus en plus préoccupantes. Pour la plupart d’entre elles, le niveau de vie de la population avait remarquablement baissé.

Ce que je pense est qu’en dépit des réserves qui peuvent être formulées par certains analystes politiques, notamment en ce qui concerne la pertinence et la précision des frontières par rapport aux réalités linguistiques et culturelles sur terrain, il se dégage que le découpage de ce vaste pays qui vaut 80 fois la Belgique et 5 fois la France, était très attendu et accepté par la majorité de la population. Il ne pouvait pas en être autrement étant donné que l’une des raisons principales de ce découpage était de rapprocher les administrés des dirigeants au regard de l’étendue de toutes les provinces.

A titre d’exemple, l’ancienne province Orientale valait 503.239 Km2, soit deux fois le Royaume uni, et l’ancienne province de l’Equateur, plus grande que l’Allemagne, couvrait 403.292 Km2. Cette dernière province, située au nord du pays à la frontière avec la Centrafrique, a été répartie en cinq autres nouvelles provinces. La province du Nord Kivu, déjà découpée en 1988, vaut en termes d’espace le Rwanda et le Burundi inclus.

En effet, plusieurs gouverneurs de province étaient incapables de suivre de manière efficiente le niveau de développement de leurs territoires respectifs qu’ils pouvaient ne pas les visiter pendant plusieurs années du fait notamment de carence en infrastructures de transport et de communication. La question que l’on peut se poser aujourd’hui est celle de savoir si, six ans après son entrée en vigueur, le découpage a réellement répondu aux attentes de la population.

En d’autres mots, le développement des provinces est-il au rendez-vous ?

Ce que je pense est qu’il est difficile de répondre par l’affirmative lorsque l’on compare la situation économique et sociale des provinces avant et après le découpage. A l’exception de quelques provinces bénéficiant principalement des retombées de l’exploitation de ressources minières comme le Luluaba l’Ituri, le Haut-Katanga, le Nord Kivu, le reste des provinces, y compris Kinshasa, n’a pas connu de réels progrès, bien au contraire. Cela est principalement dû au déficit de leadership et de gouvernance. A l’époque, au moment du découpage, je l’avais déjà dit : « le découpage est pertinent, mais tout dépendra du type de gouverneur que l’on désignera à la tête de chaque province ».

Or, il s’observe que le choix de gouverneurs de provinces demeure globalement déficient. Au lieu de privilégier le critère de compétence, le choix des gouverneurs est basé, pour l’essentiel, sur des critères subjectifs tels que : militantisme, témérité, affairisme, fraternité, amitié, etc. La plupart d’entre eux n’ont jamais géré auparavant même une petite structure, qu’elle soit privée ou publique. Certains gouverneurs n’ont jamais vécu dans les provinces avant de les diriger. Et sauf exception, les gouverneurs ne vivent pas avec leurs familles en provinces. Parachutés à la tête d’une province, sans savoir ce qu’il faut faire effectivement, nombreux se lancent souvent dans le militantisme politique et l’affairisme, laissant ainsi après leur départ les provinces dans un état pire que celui dans lequel ils les ont trouvées à leur nomination. L’objectif principal que s’assignent souvent les gouverneurs désignés étant d’une part, de garantir les assises politiques du pouvoir central à Kinshasa, et d’autre part, de se servir financièrement. On a ainsi vu des gouverneurs chassés par la population de leurs provinces après y avoir passés près de dix ans comme chef de l’exécutif! Bien plus, des gouverneurs originaires de ces mêmes provinces !

Ce que je pense est que s’agissant particulièrement de la gouvernance financière, il est de notoriété publique, que les comptes des provinces, sauf quelques cas, sont généralement mal gérés. Les régies financières créées dans chaque province constituent plutôt des caisses d’assistance politique et privée que d’agences d’appui au développement. Les ressources rétrocédées du gouvernement central sont gérées de manière inefficiente qu’il  est difficile de savoir à quoi elles servent effectivement. Eu égard à cet état de choses, la question que l’on peut vite se poser est celle de savoir à quoi serviraient les 40% de rétrocession de recettes à caractère national prévus par la Constitution si elles étaient effectivement allouées dans leur totalité aux provinces par le gouvernement central ? A quoi servirait la Caisse de péréquation si les ressources qu’elle doit allouer aux provinces moins nanties ne serviront nullement aux besoins de développement ? Tant que ces questions resteront sans réponse, le découpage n’aura jamais répondu aux préoccupations de fond de sa survenance, c’est-à-dire le développement équilibré de différentes provinces.

Ce que je pense est qu’il faut absolument replacer la gestion des provinces dans la logique de développement. Sinon, pourquoi avoir découpé les provinces si la réforme est loin d’apporter le progrès économique de ces dernières ? Les candidats gouverneurs doivent être choisis en fonction de leur compétence, expérience et intégrité. Ils doivent avoir une vision claire et des objectifs précis pour le développement de leurs provinces respectives en cohérence avec la vision et les objectifs de développement globaux du pays. La gestion des ressources rétrocédées doit être rationnelle. Et les organes de contrôle financier des provinces doivent fonctionner de manière efficace au lieu d’être au service de responsables de provinces.

A ce sujet, les assemblées provinciales doivent constituer plutôt de contrepoids des gouvernorats de province que d’être des alliés dans la mauvaise gouvernance. Pour certains cas, on a vu les assemblées provinciales voter pour le départ de gouverneurs mauvais gestionnaires. Malheureusement, les gouverneurs destitués sont souvent soutenus, pour des raisons politiques, par le gouvernement central en violation des règles et lois de la république en la matière. Que peut-on attendre d’un gouverneur détesté par la population qu’il dirige, destitué par l’assemblée provinciale qui l’a investi, mais maintenu de force par le gouvernement central par des mécanismes anticonstitutionnels !

Ce que je pense, en conclusion, que le découpage des provinces était une décision politiquement judicieuse et qu’elle le demeurera vu sous l’angle du développement économique. Toutes les provinces découpées sont riches. Aucune d’entre elles n’est potentiellement pauvre, contrairement à ce que l’on veut  faire croire à la majorité de la population pour justifier des politiques économiques inappropriées, mais aussi pour des raisons de propagande politique. La pauvreté reste plutôt dans le type de leadership et de gouvernance. Le jour que le choix des gouverneurs sera basé sur des objectifs de développement économique et non sur des considérations politiques, que la gestion des provinces sera compétitive et cotée sur base des résultats socio-économiques obtenus que sur le militantisme politique, le progrès économique de toutes les provinces sera inéluctable et rapide, tout comme celui de la RDC en général. En effet, on ne peut pas d’une part, rechercher le développement de la RDC, et d’autre part, œuvrer de manière inconsciente au sous-développement de ses provinces.

Conakry, 31 mars 2021.