Ce que je pense est que lorsque la politique devient l’activité la plus lucrative et attractive dans un pays, il y a de quoi s’inquiéter sérieusement sur l’avenir de ce dernier et de son peuple. A titre d’exemple, un député national en RDC touche mensuellement près de 21.000 USD, soit le montant le plus élevé jamais perçu par un parlementaire depuis l’avènement de la troisième République en 2006. On peut même soutenir que c’est vraisemblablement le niveau d’émolument le plus élevé jamais perçu par un parlementaire depuis l’avènement de la première République en 1960, et de la deuxième en 1965. Ce niveau d’émolument peut être considéré aujourd’hui comme l’un de plus élevés au monde, si pas le plus élevé. Même un parlementaire américain n’a pas ce niveau de revenu mensuel. Au regard du niveau très élevé de pauvreté dans le pays (moins de 700 USD) de revenu annuel par habitant), la dénonciation de ce montant, relayée par la presse nationale et internationale, a choqué non seulement les congolais, mais aussi une partie du monde. Un des pays les plus pauvres avec des députés les mieux payés au monde ! En réaction, le bureau de l’assemblée nationale a tenté de démentir le pot aux roses, mais sans succès. Des tentatives d’invalidation du député concerné ont même été initiées, sans suite. En dépit de cela, ce dernier a confirmé le montant parce que le touchant mensuellement. Plus grave encore, ce montant peut être considéré comme le minimum perçu. Parce certains députés de la majorité présidentielle (Union sacrée) touchent, en plus, une prime de loyauté au pouvoir politique dont le montant mensuel varie selon le degré d’engagement et de militantisme. En outre, les responsables des groupes parlementaires et différentes commissions dûment institués à l’assemblée nationale bénéficient mensuellement d’une prime de fonction. En définitive, un député national, président d’un groupe parlementaire et membre de la majorité présidentielle, peut aisément collecter mensuellement un revenu de près de 25.000 USD, soit un total de près de 300.000 USD par an. Au terme d’une mandature de cinq ans, un tel député est censé gagner 1.500.000 USD. A supposer qu’il ait choisi de ne vivre qu’avec un maximum de 5.000 USD par mois (ce qui est suffisant pour mener une vie décente en RDC), il n’aurait dépensé qu’un total de 300.000 USD pendant cinq ans. Il épargnerait alors 1.200.000 USD durant la mandature. De fait, il serait devenu millionnaire. Donc, un simple enseignant de l’école primaire ou secondaire vivant avec un salaire de misère de moins de 100 USD par mois (soit un total de 1.200 USD par an ou 6.000 USD pendant 5 ans), une fois élu député, peut du jour au lendemain toucher en un mois un revenu équivalant à vingt ans de salaires de son ancien collègue enseignant. Et si l’enseignant devenu député était élu membre du bureau de l’assemblée nationale, il serait devenu multimillionnaire au terme de cinq ans d’exercice parlementaire ; les membres du bureau, selon la position, ayant des avantages financiers de loin supérieurs à ceux des autres députés nationaux. Le député membre du bureau toucherait alors en un mois le revenu valant la somme de salaires de toute une carrière de son ancien collègue enseignant. La RDC devient ainsi le seul pays au monde où pour devenir facilement millionnaire, il faut plutôt faire la politique et non l’entrepreneuriat. Le Président de la République avait promis de fabriquer des millionnaires au cours de son mandat (2019-2023) ; il en aura fabriqué certainement plusieurs, mais sortis pour l’essentiel de la mauvaise moule.
Ce que je pense est que ces émoluments et autres avantages financiers hors norme offerts gracieusement aux députés nationaux sont considérés par la plupart de Congolais comme une sorte de corruption massive et permanente pour tétaniser toute action de ces deniers contre le pouvoir politique en place. Sinon, leurs niveaux respectifs seraient rabattus juste après l’indignation manifeste y relative de la population. Ces émoluments, du reste payés régulièrement (alors que ceux des députés provinciaux le sont irrégulièrement), apparaissent aussi comme un arbre qui cache la forêt. En effet, Il existerait un pan du secteur public (présidence, sénat, gouvernement central, institutions publiques, entreprises publiques, structures spécialisées, etc…) où le niveau du revenu total perçu mensuellement est excessif. Ce qui ne laisse pas les Congolais indifférents. En effet, tout le monde veut faire de la politique. Celle-ci crée facilement des millionnaires que toute autre activité dans le pays. Il vous suffit seulement de vous battre pour être à la présidence de la République, au gouvernement, dans les cabinets de travail des différentes institutions politiques ou dans une des structures publiques spécifiques. Ou alors, d’investir moins de 10.000 USD en termes d’une campagne électorale pour épargner plus d’un million USD au terme de la mandature comme député national. En conséquence, le pays dispose vraisemblablement du nombre le plus élevé des partis politiques au monde, soit 913 dont près de la moitié créée au cours de cinq dernières années. Il y a des individus qui disposent seuls de plusieurs partis ou regroupements politiques. Rien qu’à voir leurs dénominations, il y a de quoi s’étonner. AAA-X, ABC-Z, ABCD-Y, etc… Des partis, communément appelés « mosaïque », dont le nom n’évoque aucun engagement idéologique en faveur du développement. Il n’est donc pas exclu, si la tendance observée au cours de cinq dernières années se maintient, que l’on atteigne la ridicule performance de 1.500 partis politiques à la prochaine élection de fin 2028. Malheureusement, la quasi-totalité de partis existants ne sont que des entreprises familiales et commerciales. Composés pour l’essentiel de membres de la famille restreinte, ils n’ont de bureaux nulle part dans le pays. En réalité, ce sont des institutions à but lucratif localisées dans les mallettes des présidents fondateurs. Elles se vendent aussi sur le marché secondaire au prix alléchant dépassant les 15.000 USD par unité, de quoi créer une petite et moyenne entreprise ! L’activité politique attire ainsi beaucoup de gens au détriment d’autres secteurs productifs qu’il n’est pas exclu de projeter à long terme l’effondrement du pays tout entier. En effet, comme tout le monde le sait, la politique n’est pas une activité génératrice directe de revenus. Elle sert plutôt à créer dans le pays des conditions d’infrastructures et de gouvernance favorables à la prospérité de l’ensemble de citoyens. En RDC, c’est plutôt l’inverse qui se produit. Les hommes au pouvoir travaillent pour détruire les infrastructures et assombrir le climat des affaires. Du coup, l’activité politique devient financièrement plus rentable que l’activité privée. Ainsi, des Congolais quittent en masse les autres secteurs pour s’engager dans la politique. Des entrepreneurs, créateurs par excellence des richesses dans un pays, soutiennent : « C’est éprouvant de gagner de l’argent dans le secteur privé, et cela prend énormément du temps que prévu. Autant aller en politique où tout est facile et rapide ». A chacun, son tour. Les corps de professionnels et de métiers se vident aussi : professeurs d’université, fonctionnaires internationaux, enseignants, avocats, médecins et infirmiers, musiciens et danseurs, journalistes, sportifs, comédiens, etc. La conséquence à terme est imparable : il y aura moins d’acteurs de production, moins de revenus imposables, moins de ressources à partager entre politiciens, moins de ressources pour investir dans les infrastructures et garantir la sécurité nationale, plus de tensions politiques, et enfin plus de manifestations, de groupes armés, de rebellions et de guerres… Le cercle vicieux se sera ainsi fermé : moins de ressources, plus de problèmes, moins de ressources.
Ce que je pense est qu’il faut que les Congolais se ressaisissent et repensent leur philosophie de vie. On ne va pas en politique pour s’enrichir et tuer l’économie qui crée de richesses dans un pays. On y va pour bâtir des institutions de qualité favorables au progrès de la majorité des citoyens. C’est pour garantir un environnement des affaires capable de produire de vrais millionnaires. Ceux qui détiennent des entreprises pouvant payer des salaires décents et octroyer des primes ou bonus d’encouragement alléchants lorsque les affaires prospèrent. (Il y a des managers d’entreprises qui peuvent percevoir de bonus de plusieurs millions USD par an). Des millionnaires qui paient les impôts et taxes permettant à l’Etat de construire des infrastructures de toute sorte, de pourvoir la sécurité à tous les citoyens et de promouvoir l’éducation et la santé de qualité. C’est cela l’évidence : les vrais millionnaires sont produits par le secteur privé et non par le secteur politique qui n’en a pas la vocation. Les vrais millionnaires enrichissent l’Etat et le peuple. Les faux millionnaires (politiciens, responsables des entreprises et autres institutions publiques, membres de cabinets, etc…) appauvrissent l’Etat et le peuple. Le choix est clair : choisissons de produire les vrais millionnaires, sinon, nous faisons de la politique pour tuer le pays.