Ce que je pense est que l’on ne peut jamais espérer développer une économie avec un mauvais climat des affaires. En effet, le développement procède de la création et la distribution de richesses dans un pays de manière soutenue. Pour créer des richesses, il faut produire. Et pour le faire, il faut investir dans les secteurs public et privé. Et pour y arriver, il faut que l’Etat affecte des ressources dans les secteurs porteurs de croissance : l’éducation, la santé, les infrastructures, etc.
L’on parle de l’investissement public. En outre, Il faut que le secteur privé injecte des fonds dans les différents secteurs de l’économie ; l’on parle de l’investissement privé. Il peut être national ou étranger. Le secteur privé est le moteur de la croissance, dit-on.
Voilà pourquoi le niveau d’investissements publics et privés dans un pays est un indicateur clé pour prétendre sortir une économie de la pauvreté et la positionner sur le chemin de la croissance économique et de l’émergence. Or, la RDC enregistre l’un des niveaux d’investissement les plus faibles du continent. Au cours de la période 2017-2020, la part des dépenses en capital dans les dépenses globales a chuté presque de la moitié, se situant à 15,4 % contre près de 30 % au cours de la période 2012-2016. En terme annuel, ce taux s’est situé à 2,4 % en 2020 contre près de 37,7 % en 2012. Par ailleurs, le niveau d’investissement direct étranger a chuté passant de 3,31 milliards de dollars en 2012 à 1,079 milliard en 2018.
Ce que je pense est que le climat des affaires ne se décrète pas. Il s’obtient par la mise en œuvre des réformes d’envergure, courageuses, difficiles, voire risquées pour retourner une situation anti-développementiste. Il existe plusieurs indicateurs quantitatifs et qualitatifs qui doivent être améliorés constamment et qui permettent d’apprécier le chemin accompli par un pays pour améliorer son environnement des affaires. Plusieurs institutions évaluent aujourd’hui le climat des affaires des pays à travers le monde. Parmi elles, il y a la Banque mondiale dont le classement du « Doing Business » publié annuellement depuis 2004 fait autorité.
Les critères utilisés par cette institution de Bretton Woods dès le départ pour établir son évaluation sont les suivants : la facilité de faire les affaires, la création des entreprises, l’octroi de permis de construire, le transfert de propriété, l’obtention de prêts, la protection des investissements et le paiement des impôts. Ce premier lot a été complété par la suite par les indicateurs suivants, à savoir le raccordement d’électricité, le commerce frontalier, l’exécution de contrats et le traitement de l’insolvabilité. Il faut donc réaliser des progrès dans ce domaine d’activités pour prétendre émerger ou se développer, car toutes les économies dites émergentes ou développées occupent les places de choix de ce classement.
Ce que je pense est que la RDC se doit d’améliorer significativement son environnement des affaires qui est parmi les plus mauvais au monde. En 2020, le pays a été classé 183ème sur 190 dans le monde juste avant la RCA, le Soudan du Sud, la Libye, l’Erythrée et la Somalie. En Afrique, la RDC est située à la 49ème place sur 54 pays. En 2020, la RDC n’a gagné qu’une seule place alors qu’un pays comme le Togo a gagné 40 points se classant désormais à la 97ème place alors qu’il était 137ème une année auparavant. En Afrique, le Togo est classé dans le top 10 des pays africains ayant le meilleur climat des affaires.
Évidemment, l’Ile Maurice trône au sommet du classement africain à la suite de réformes emblématiques qu’elle a réalisées par le passé et des actions permanentes qu’elle continue de prendre pour préserver son classement comme chef de file. Pourquoi la RDC se trouve ainsi reléguée en dernière position avec des pays dont le potentiel en richesse naturelle n’a rien de comparable avec le sien ? Question de leadership et de bonne gouvernance. En effet, l’environnement des affaires est pollué par des pratiques de toute nature dans les différents secteurs de l’économie qu’il est impossible d’imaginer de faire prospérer une affaire de manière durable : multiplicité de taxes, tracasseries administratives de toute nature, multiplicité de services là où il n’en faut pas, diverses tracasseries judiciaires, instabilité et insuffisance chronique de l’énergie électrique, etc. Faire des affaires devient un parcours de combattant.
Et beaucoup d’opérateurs économiques – nationaux et étrangers – se moquent de la RDC quand ils voient de la publicité sur le climat des affaires diffusée à grands frais à travers des chaines internationales. La même chose pour ces forums de Kinshasa qui mobilisent des personnalités, des professionnels et des experts pour vanter les facilités et opportunités d’affaires de la RDC. Du véritable show à la congolaise basé essentiellement sur la culture du paraitre et non du faire. Et si le climat des affaires ne dépendait que de bonnes intentions et des discours, la RDC compterait certainement parmi les pays ayant le meilleur climat des affaires au monde. Or, ce n’est pas le cas.
Ce que je pense est que si rien n’est fait pour améliorer l’environnement des affaires dans le pays, l’espace politique demeurera le terrain le plus attractif de tous les congolais qui cherchent à gagner de l’argent. Parce qu’en politique, l’argent se ramasse et ne se justifie pas ; alors que dans le secteur privé, l’argent s’obtient laborieusement et se justifie. Au lieu d’avoir des milliardaires congolais libres d’exposer leurs avoirs, lesquels profitent aux millions de travailleurs dans le secteur privé, vous avez des milliardaires politiques dont la richesse profite aux millions d’étrangers parce que leurs fonds font prospérer les économies occidentales et les banques situées en Suisse ou dans les paradis fiscaux. Voilà pourquoi vous avez aujourd’hui des jeunes diplômés brillants, disposant pourtant des atouts pour devenir des grands opérateurs économiques, des vrais milliardaires, mais qui préfèrent créer des partis politiques à 24 ans pour gagner de l’argent. Voilà pourquoi, pour certains, le vote d’un député provincial pour être élu sénateur, s’est acheté cash au prix de 25 mille dollars américains.
Voilà pourquoi on peut devenir sénateur et siéger dans la chambre dite des « sages » sans avoir la sagesse ! Voilà pourquoi on peut devenir député, donc représentant du peuple, sans pourtant n’avoir jamais été élu ! Voilà pourquoi, dans le classement mondial de « Doing politics », la RDC occupe la tête de liste des pays ayant le nombre le plus élevé (i) des partis politiques (plus de 600), (ii) des politiciens les plus inconstants (des caméléons), et (iii) des partis politiques dédoublés (ADPRD/A, B, C, D). Quelle performance ! En réalité, un parti politique en RDC n’est qu’une association à but lucratif.
Voilà pourquoi il existe un marché secondaire des partis politiques où vous pouvez acheter facilement au comptant un parti à quinze ou vingt mille dollars américains ; dure réalité, peut-être unique au monde ! Voilà pourquoi vous avez des partis politiques où l’ensemble du bureau dirigeant (Président, Vice-président, Secrétaire général, Trésorier, caissier, comptable) n’est composé que des membres d’une famille nucléaire : Papa, maman, fils aîné, etc… Que peut-on attendre d’un tel parti politique ?
Ce que je pense est que le développement des nations est une compétition assidue et ardue. Voilà pourquoi, il est exigé à tout gouvernement d’améliorer le climat des affaires de son pays, car personne n’irait investir sur un terrain où prévaut l’insécurité politique, économique et juridique quelle que soit la mélodie que l’on peut entonner pour angéliser son pays ! Nulle part au monde on ne peut imaginer une personne obèse courir plus vite sur une longue distance qu’une autre plus athlétique et qui transpire la bonne santé ! La RDC est-elle obèse ou athlétique ? Voilà pourquoi notre pays se doit de décider de mettre en œuvre des réformes appropriées et d’appliquer de mesures (dont certaines inappliquées, mais prises depuis des décennies) pour améliorer son cadre des affaires. Tout le monde sait que cela n’est pas facile, mais c’est indispensable de le faire. Sinon, toutes les promesses qui sont faites pour espérer l’émergence de l’économie congolaise ne demeureront que de bonnes intentions sans aucun résultat. Pendant ce temps, les autres compétiteurs avancent !