Ce que je pense est que la paix et la sécurité ont un prix. Et elles coûtent chères. Il faut investir dans la formation des hommes. Il faut envoyer ces derniers dans de bonnes écoles militaires ou de guerre. Il faut des armes et munitions, des chars de combat, des véhicules blindés, des bateaux, de porte-avions, de sous-marins, des avions, hélicoptères et autres. Bref, il faut des moyens pour pouvoir acquérir les équipements nécessaires et s’assurer de la formation des militaires. En plus, il faut le renseignement. La guerre peut se gagner, se perdre ou s’éviter avec le renseignement. D’où il est nécessaire de connaitre la position de l’adversaire, le nombre de ses effectifs, la quantité et qualité de ses équipements et le niveau de formation de ses troupes pour mieux l’attaquer et se défendre. Ce qui implique un travail d’espionnage et de contre-espionnage, ce, même en temps de paix. « Qui veut la paix prépare la guerre », disait l’officier prussien Clausewitz, reprenant ainsi la thèse du chinois Sun Tsu selon laquelle « l’art de la guerre, c’est de soumettre l’ennemi sans combattre ». Au-delà de l’armement et de la formation, il faut de la discipline. Celle-ci demeure la mère des armées. Aucune armée, y compris la mieux équipée, ne peut gagner la guerre si elle est désorganisée. Par contre, une armée moins équipée mais très disciplinée, dévouée et engagée peut mettre en difficulté une grande armée. Personne ne peut oublier la victoire en six jours en 1967 de l’armée israélienne sur les armées égyptienne, jordanienne et syrienne. Nous ne pouvons pas non plus oublier comment l’armée américaine, la plus puissante au monde, a subi la plus cuisante défaite de son histoire face à l’armée vietnamienne en dépit de ses moyens démesurés et de l’usage massif d’armes chimiques. Tout récemment encore, l’armée américaine vient de se désengager de l’Afghanistan, laissant la place aux Talibans qui ont repris les commandes du pays après plusieurs années de bataille disproportionnée en leur défaveur.
Ce que je pense est que la RDC devra toujours s’attendre à des attaques de ses voisins dans la mesure où ces derniers voudront profiter de ses larges richesses, particulièrement minières. Quoi de plus cohérent que de voir des pays voisins comme le Rwanda et l’Ouganda tabler l’expansion de leurs économies respectives notamment sur le pillage de ressources de la RDC ? Le Rwanda, particulièrement, a compris que tant que l’insécurité causée notamment par des groupes armés, demeurera dans l’Est de la RDC, son économie prospèrera bien. De ce fait, il ne pourra que soutenir directement ou indirectement ces groupes armés ou carrément créer des soi-disant rébellions pour atteindre ses objectifs socio-économiques internes. C’est dans cette philosophie que le mouvement armé « M23 » a été créé par le Rwanda pour déstabiliser militairement l’Est de la RDC. En effet, du fait des frontières héritées de l’Occident, il existe, en RDC, une communauté tutsie qui parle le kinywaranda comme la population rwandaise. Il est donc aisé pour le Rwanda de soutenir militairement et d’instrumentaliser cette communauté contre l’armée congolaise pour ensuite parler d’une guerre congolo-congolaise. Alors qu’il s’agit purement d’une agression voilée de l’armée rwandaise. Cela a été par ailleurs confirmé par les deux rapports des groupes d’experts de l’ONU établis respectivement en 2012 et 2022. Des preuves indiscutables contenues dans ces rapports indiquent notamment comment les unités armées rwandaises appuient le M23 et attaquent des positions de l’armée congolaise.
Ce que je pense est que la RDC doit cesser de pleurer chaque jour pour dire que le M23 est une fabrication militaire du Rwanda pour déstabiliser la RDC. Tout le monde le sait, y compris les Nations unies. Le Rwanda le sait aussi, même s’il ne peut jamais le déclarer tout haut. C’est politiquement et diplomatiquement inacceptable. Ce pays a des objectifs à court, moyen et long termes précis et connus. Dans le court et moyen termes, il veut tirer profit des richesses minières de notre pays. A long terme, le Rwanda veut étendre son territoire sur une partie de terres congolaises estimant que les frontières congolo-rwandaises avaient été mal tracées et qu’il faut les repousser. Un ministre rwandais n’avait pas manqué de dévoiler ces intentions lors d’une interview accordée à l’une de chaines internationales très suivies en Afrique. Par ailleurs, la thèse d’éclatement du pays a déjà été soutenue par certains professionnels politiques occidentaux au cours des années 90 pendant que l’espace territorial de la RDC était divisé en quatre et contrôlé, d’une part, par des rébellions, et d’autre part, par le gouvernement légal. Cette idée a disparu au cours des années 2000 lorsque la RDC s’est réunifiée et a retrouvé la paix dans la quasi-totalité de son territoire. Elle est revenue à la surface depuis quelques temps à la suite de l’insécurité permanente dans plusieurs localités de l’Est du pays, particulièrement au Nord Kivu et en Ituri. Ce qu’il faut faire pour contrer ce type de plan machiavélique, c’est de travailler sur la construction d’une armée capable d’imposer la paix et la sécurité dans l’ensemble du territoire national et de dissuader les pays voisins de nous attaquer. Napoléon Bonaparte disait que la paix doit être glorieuse. De ce fait, une paix offerte est un mot vide de sens. Il ne faut donc pas compter sur l’appui de la communauté régionale et internationale pour sécuriser le territoire national. Aucune armée étrangère ne viendra se battre à la place des Congolais. C’est bien de précipiter le départ de la Monusco. Mais, c’est mieux de s’assurer qu’après son départ, l’armée congolaise sera en mesure de mettre fin à la multitude de mouvements armés qui opèrent dans le territoire national depuis une vingtaine d’années et de faire face aux agressions des armées étrangères sous toutes leurs formes. Sinon, ce serait faire le lit d’une insécurité quasi-permanente à l’Est du pays et réveiller les esprits de partisans de la balkanisation du pays.
Kindu, le 12 août 22