Ce que je pense est que la campagne électorale constitue une des étapes clés du processus électoral. Elle permet aux différents candidats de se faire connaitre et de faire connaitre leurs projets de société. C’est pour convaincre les électeurs et se faire élire. Mais, alors, il faut que toutes les conditions soient réunies. Tout d’abord, la sécurité physique des candidats, de leurs collaborateurs et de leurs biens. Dans un pays occupé en partie à l’Est par une rébellion (M23) et où opère une centaine de groupes armés, il va de la responsabilité de l’Etat de veiller à ce que tous les candidats soient capables de battre campagne en toute sécurité. Bien plus, il faut s’assurer de la neutralisation des milices situées en pleine ville ou dans la périphérie des cités et villages. Celles-ci sont bizarrement entretenues par certains politiciens et sont capables de déstabiliser certains candidats, surtout de l’opposition. Par ailleurs, il faudra que les moyens de transport ainsi que les voies de communication soient en mesure de permettre le déplacement aisé des candidats à travers l’ensemble du pays. Enfin, les candidats doivent avoir accès de manière équitables aux médias, notamment publics. Toutes ces exigences visent à garantir les meilleurs choix à effectuer par le peuple en vue de disposer des meilleurs dirigeants.
Ce que je pense est que malheureusement la réalité est toute autre. Le gouvernement ne permet pas à quelques candidats président de disposer de moyens de transport nécessaires à leurs déplacements. Il refuse de leur accorder les autorisations d’entrée des avions et hélicoptères loués. Certains d’entre eux sont incapables de se mouvoir par manque de vols. En début de campagne, il n’existait qu’une seule compagnie d’aviation d’envergure nationale. Elle n’a que très peu d’appareils. Il fallait attendre parfois une à deux semaines pour disposer d’une place dans un avion. Pour une campagne électorale d’un mois sur un territoire de 2.345.000 kilomètres carrés, un candidat devant se déplacer par des vols réguliers risque de ne visiter que deux à trois provinces sur vingt-six ! Congo Airways, compagnie aérienne publique en faillite, vient de louer deux avions la semaine dernière. Malheureusement, ces avions long courrier ne peuvent servir que des grandes villes. Le déplacement à l’intérieur des provinces où l’on ne trouve essentiellement que des pistes en terre battue est quasiment impossible. Les routes sont quasiment impraticables en cette période de saison de pluie. Un des candidats président a été bloqué pendant plusieurs jours dans une localité par manque d’avion. Il suffit qu’un vol soit annulé, comme c’est le cas souvent pour cette compagnie privée qui a presque le monopole, pour que le programme d’un candidat président soit perturbé totalement. Par ailleurs, certains gouverneurs de province ou maires de la ville n’autorisent pas aux candidats de l’opposition de tenir leurs meetings à des endroits publics indiqués (tribune, stades, salles de spectacle, etc.). Ils le font uniquement pour les candidats du pouvoir ou proches de ce dernier. Pire encore, certaines autorités provinciales demandent à la police de disperser des sympathisants des candidats de l’opposition avec des tirs de sommation à balles réelles ! Tout comme elles demandent à leurs milices de jeter des pierres aux candidats président et à ceux qui les accompagnent lors de grandes marches et rassemblements populaires. Dans la ville de Kindu, deux candidats président de la république en pleine marche ont été caillassés plusieurs fois par une milice entretenue par le gouverneur de province. Une dizaine de cas de blessés a été enregistrée. Au cours de cette marche, un responsable de la jeunesse du parti de l’opposition a été tué. Dans la même lignée, un gouverneur proche du pouvoir a interdit publiquement aux candidats de l’opposition de battre campagne dans sa province. Inimaginable ! Enfin, à n’en point douter, les médias publics sont quasiment pris en otage par le candidat président en fonction et ses alliés. Ceux de l’opposition n’ont qu’à se débrouiller. Heureusement, que de médias audiovisuels privés et réseaux sociaux existent.
Ce que je pense est que toutes les conditions sont réunies pour que les élections se déroulent dans des conditions non équitables et non transparentes. La question que l’on peut se poser, une fois de plus, est de savoir à quoi servent réellement les élections dans les pays en développement ? Surtout qu’elles coûtent excessivement cher ? Selon le président de la Commission électorale indépendante (CENI), celles-ci coûteront près de 1,1 milliard de dollars américains, soit près du double du coût des élections de 2018 (600 millions de dollars). Alors qu’elles n’ont couté que près de 450 millions de dollars en 2011. Qui peut imaginer une telle évolution dans un pays très pauvre dans lequel le policier ou le soldat le moins gradé est payé à moins de l’équivalent de 100 dollars américains par mois ! Une telle somme permettrait de réaliser soit, mille kilomètres de routes goudronnées, soit cent universités modernes, soit encore plus de huit mille écoles ou centres de santé. Pourquoi alors dilapider autant de ressources pour proclamer des personnes non élues au lieu d’investir dans les infrastructures socio-économiques ? La CENI, comme les régies financières, est devenue une institution aux grands enjeux financiers. On y entre pauvre, on y sort riche. Conséquence : tout le monde veut travailler à la CENI, comme tout le monde veut travailler à la douane et aux impôts ou carrément devenir député ou sénateur. Et la CENI est l’une des institutions publiques où la mauvaise gouvernance est évidente, mais où l’audit de fonds publics gérés est rarement effectué et publié. Parce que les autorités devant autoriser cet audit sont celles déjà proclamées, parfois indûment, par la même institution. La CENI devient ainsi une institution créatrice du sous-développement. Elle est budgétivore, produit de mauvais dirigeants et utilise les fonds qui auraient dû servir aux infrastructures socio-économiques. Pendant ce temps, les politiciens accusent l’Occident de néo-impérialiste ou néo-colonialiste décidé de perpétuer le sous-développement. Comme si c’était l’Occident qui organisait le simulacre des élections dans ces pays.