Ce que je pense est que la grève dans les secteurs de l’éducation et de la santé ne doit pas être négligée. Bien au contraire, elle doit être traitée avec urgence et diligence, car l’éducation et la santé constituent la base par excellence du développement d’une nation.
Ce que je pense est que l’investissement dans l’éducation ou la formation de l’homme est la clé de tout progrès et toute prospérité humaine. Investir dans l’éducation de l’homme, c’est lui transmettre un ensemble de connaissances et d’aptitudes susceptibles de lui permettre de travailler dignement, de le rendre plus utile à la société et de lui garantir, de manière intertemporelle, l’épanouissement et la sécurité humaine.
Selon le Prix Nobel d’économie Robert Emerson Lucas (1988), l’éducation est le principal facteur de progrès et la cause du retard des pays pauvres. Pour Nelson Mandela, l’éducation est l’arme la plus puissante que l’on puisse utiliser pour changer le monde. Pour ma part, l’éducation est la plus grande richesse de l’homme et partant, des nations. Et l’éducation s’obtient par la formation dès l’école primaire que l’on qualifie d’éducation de base ou fondamentale. Ensuite viennent l’école secondaire et les études supérieures et universitaires. Pour rappel, la plupart des pères de l’indépendance de pays africains n’ont pas fait d’études supérieures. Certains d’entre eux n’avaient même pas de diplôme d’Etat ou de baccalauréat. Ils avaient plutôt un certificat de l’école moyenne obtenu à l’issue de quatre ans d’études post-primaire. Nonobstant cela, ils avaient les connaissances nécessaires pour se battre et obtenir l’indépendance de leurs pays respectifs. L’enseignement de base était donc de qualité. C’est cette qualité qu’il faut à tout prix préserver en évitant des grèves à répétition après les congés prolongés imposés par la Covid-19.
Ce que je pense est qu’à côté de l’éducation, il y a la santé. Cette dernière apparait comme un déterminant de la production et de la croissance au travers principalement du comportement des individus inhérent à : (i) l’offre de travail (quantité et qualité du travail), (ii) la productivité au travail (possibilités d’utiliser pleinement les aptitudes et les capacités), (iii) l’éducation (l’épanouissement sur le plan intellectuel), et (iv) l’évolution de l’épargne. Voilà pourquoi les pays développés ou les économies émergentes regorgent les meilleurs hôpitaux et les meilleurs médecins du monde. Au-delà des bâtiments qui doivent être d’un standard appréciable, les meilleurs soins de santé exigent des plateaux techniques de qualité et de médecins compétents, notamment des spécialistes dans tous les domaines requis. Voilà pourquoi à l’indépendance, les pays africains avaient des hôpitaux qui n’avaient rien à envier à ceux des pays occidentaux. Il faut investir davantage dans ce secteur, y compris dans l’amélioration des salaires des médecins, des infirmiers et du personnel paramédical, pour ne fût-ce que retrouver le niveau d’il y a soixante ans. Les grèves constituent donc un rappel du niveau de santé d’il y a soixante ans.
Ce que je pense est qu’il existe un lien positif entre état de santé et éducation, particulièrement durant la petite enfance. Plus les enfants sont en bonne santé, plus ils sont assidus à l’école et assurent un parcours stable et efficace en améliorant leurs capacités cognitives. Arrivés à l’âge adulte, ils sont plus instruits et mieux à même de percevoir un revenu élevé. Aussi, un meilleur état de santé conduit à une espérance de vie plus longue, ce qui influence positivement le rendement de l’éducation, et partant les incitations à y investir. Un allongement de l’espérance de vie à la naissance favorise l’épargne des travailleurs. Plus leur période de retraite sera longue, plus ils seront incités à épargner pour bénéficier d’un revenu plus important. Logiquement, l’accroissement de la longévité a des effets sur la propension à épargner des gens tout au long de leur cycle de vie et partant, favorise l’investissement et la croissance. Le binôme santé-éducation constitue donc le fer de lance de toute politique économique durable.
Ce que je pense est que la grève qui affecte les deux secteurs précités est préjudiciable à l’économie nationale. D’abord au niveau de l’éducation, parce qu’elle ne permet pas aux élèves de l’école primaire et secondaire, particulièrement ceux du secteur public, de se rendre à l’école et de bénéficier d’une formation adéquate. Les enseignants réclament au minimum un salaire d’un niveau acceptable tel celui qu’ils avaient avant la gratuité décrétée par le gouvernement. Pour rappel, les salaires touchés par les enseignants, avant la gratuité, étaient financés en majeure partie par les contributions de parents. Après la mise en application de la décision gouvernementale, le surplus, jadis financé par les parents, n’a été compensé que partiellement par l’allocation gouvernementale ; ce qui ne permet pas aux enseignants de retrouver le niveau de leurs revenus d’avant la gratuité. Par exemple, un enseignant qui percevait l’équivalent de près de 400 USD avant la gratuité touche aujourd’hui moins de 200 USD. Il est vrai que la mesure de la gratuité de l’enseignement permet aux centaines de milliers d’enfants issus de familles démunies de retrouver le chemin de l’école ; toutefois, elle ne permet pas au secteur public de garantir le même niveau ni la même qualité d’éducation qu’avant. En effet, les salles de classe sont surpeuplées et les enseignants sont démotivés. A terme, le résultat risque d’être le contraire de celui recherché.
Ce que je pense est que la grève au niveau du secteur de la santé a des conséquences immédiates et incalculables parce qu’elle entraine de milliers de perte en vies humaines. D’abord, ce sont des médecins qui étaient en grève pendant plus d’un mois ; par la suite, ce sont les administratifs et autres personnels de la santé qui ne travaillent plus pendant plus de deux mois. Tous réclament une augmentation de salaires. Cette situation est d’autant plus préoccupante qu’elle coïncide avec la prévalence de la pandémie Covid 19 qui fait des victimes dans plusieurs provinces du pays, particulièrement dans la capitale. Le gouvernement se doit d’examiner en priorité ce cas pour plusieurs raisons. D’abord, parce qu’il n’est pas normal que l’administration de la santé ne fonctionne pas pendant plusieurs mois ; Ensuite, parce que les pertes en vies humaines sont considérables, surtout au sein des familles les plus démunies incapables de s’offrir des soins de qualité dans les institutions hospitalières privées. Enfin, parce que cette carence de service médical public risque de contribuer à la propagation de la pandémie Covid-19 et d’affecter l’économie nationale. Nous ne devons l’oublier, plusieurs pays sont tombés dans la décroissance économique à cause de cette pandémie.
Kinshasa, le 27 octobre 2021