Ce que je pense est que la vérité est plus forte que le mensonge. Elle résiste à l’usure du temps. Quelle que soit la puissance de la personne ou de l’institution qui ment, la vérité finit toujours par triompher. Tout simplement parce que l’homme ou l’humanité est toujours à la recherche de la vérité qui constitue par essence le fondement de la justice. Dieu dit : « la justice élève la nation ». L’on ne peut pas à la fois chercher l’élévation de la nation et favoriser le mensonge. Or, le rapport de l’Inspection générale des finances (IGF) n’est qu’un chapelet des mensonges et de contre-vérités. En effet, comment peut-on attribuer à quelqu’un le détournement d’un géant équipement qui se trouve bel et bien sur le site et sans que personne ne l’ait jamais retiré ? Comment peut-on responsabiliser un premier ministre dans le détournement des fonds alors qu’il n’était nullement impliqué dans la gestion technique et financière du projet ? Comment un haut responsable d’une institution publique de contrôle financier peut-il confirmer l’existence d’un compte écran pour détourner les fonds alors que pour les banquiers, le compte n’a jamais existé ?
Ce que je pense est qu’en tout temps et en tout lieu, la lumière vaut mieux que l’obscurité. Tout simplement parce qu’il est plus facile de construire solidement et de progresser durablement sous l’éclairage que dans l’obscurité. En effet, la lumière vous montre le chemin à suivre, vous prévient des obstacles, vous met à l’épreuve, permet de vous armer, et de vous défendre ; enfin, elle vous guide à l’objectif. La lumière rime avec transparence, la recherche de l’efficacité, de l’objectivité, et du résultat de qualité. Or, la mission d’enquête de l’IGF a évité à dessein la transparence et l’objectivité. En effet, la responsabilité de l’entreprise gestionnaire ayant signé le contrat avec l’Etat congolais a été occultée, celle des ministres signataires du contrat de partenariat avec l’entreprise a été escamotée. Par ailleurs, les règles élémentaires d’audit n’ont pas été respectées, l’objectif premier étant d’incriminer la personne visée. Voilà pourquoi les conclusions du rapport de l’IGF ne pouvaient qu’être partiales.
Ce que je pense est que le fond vaut mieux que la forme. Tout simplement parce que tout ce qui est beau n’est pas nécessairement bon. Tout ce qui est bon n’est pas nécessairement beau. Et dans tous les cas, le fond et la forme valent mieux que l’un de deux pris séparément. Le Fond plonge ses racines dans la consistance, la densité et la qualité ; elle rime avec l’excellence. La forme quant à elle a la mission d’embellir le contenu de manière esthétiquement attrayable. Elle s’apparente également à l’excellence. Par contre dans d’autres cas, elle se limite à l’apparat, à l’impression, aux procédés, voire au sensationnel. Dans ces cas-ci, elle cache le faux et finit par rimer avec la médiocrité. Sur base du Fond, l’Inspection générale des finances était obligée de faire un travail fouillé capable d’établir de manière objective la responsabilité des uns et des autres dans l’affaire du « présumé détournement des fonds publics » dans le projet du parc agro-industriel de Bukangalonzo. L’objectif étant d’éclairer la communauté tant nationale qu’internationale sur les tenants et aboutissants de la question. Malheureusement, c’est la forme qui a prévalu. Aucune preuve de détournement des fonds publics décaissés du Trésor n’a été produite dans le rapport qui par ailleurs a été caché au principal responsable incriminé, mais remis aux journalistes pour le besoin de la cause. C’est une personne révoltée par l’injustice de l’IGF qui a finalement extirpé le rapport d’enquête et l’a rendu disponible. Ce rapport a été distribué à beaucoup de gens et constitue, en n’en point comprendre, un non-événement. Tout le monde peut s’étonner de son contenu : Il est vide ! Il ne s’y trouve que des simulations et des affirmations gratuites. On y parle notamment de responsabilité intellectuelle pour manque d’études appropriées pour un projet qui a bénéficié de près de sept études de qualité réalisées notamment par des cabinets de renommée internationale ! On parle de responsabilité indirecte, sans démontrer la responsabilité directe du ministre délégué aux finances. Inimaginable ! Et pour combler le déficit chronique de fond, l’IGF, qui aurait été la grande muette, a recouru à la puissance de la communication à la radio, à la télévision et dans les réseaux sociaux pour persuader et convaincre le monde sur ses conclusions préméditées. Malheureusement, même certaines chaines de radio internationales réputées sérieuses comme Radio France Internationale (RFI), dont certains journalistes n’ont pas la rigueur professionnelle requise, ont été mises à contribution. Qui l’aurait cru ? C’est bien triste, car encore une fois, l’IGF a privilégié la forme par rapport au fond qui demeure creux.
Ce que je pense est que le Faux ne résiste jamais à la force du Vrai, et ce, quelle que soit la longueur du temps. Ce qui est vrai est que le projet des parcs agro-industriels demeure pertinent pour ce géant pays au coeur du continent africain ; et il le demeurera quelles que soient les contre-vérités des uns et des autres. Il rentre dans le cadre d’une politique visant la modernisation du secteur agricole. L’on ne peut pas imaginer répondre aux besoins alimentaires d’une population de près de 90 millions d’habitants avec la production d’une agriculture artisanale ! La révolution du secteur agricole est un préalable au développement des pays africains. Et elle s’impose à la RDC. Bukangalonzo était un projet test qui s’inscrivait dans un mégaprojet de 22 parcs agro-industriels qui devaient être disséminés dans l’ensemble du pays. Un projet qui avait pour ambition de résorber progressivement le déficit alimentaire dans lequel est plongé l’ensemble du pays, et d’économiser en termes de devises, près de deux milliards de dollars américains dépensés annuellement pour l’importation des denrées alimentaires. Un projet très apprécié par les institutions internationales et régionales spécialisées du développement qui pensaient que plusieurs pays au sud du Sahara s’en inspireraient. Effectivement, d’autres pays africains ont lancé leurs parcs sur base du modèle congolais. Malheureusement, le projet de Bukangalonzo a été combattu par un groupe d’importateurs des produits agricoles en intelligence avec les opérateurs politiques qui l’ont saboté juste après mon départ de la primature en décembre 2016.
Ce que je pense est qu’il y a une question fondamentale qui demeure curieusement sans réponse jusqu’aujourd’hui. Et, il est anormal du point de vue de politique économique que personne ne souhaite se la poser : qui a ordonné l’arrêt fatal de ce projet ? Si le projet est jugé pertinent par la majorité de gens, y compris par les enquêteurs de l’inspection générale des finances, il est important de connaitre le nom de la personne qui a instruit le ministre des finances de ne plus assurer le financement de ce projet. Est-ce l’ancien Président de la république ? Certainement pas. Est-ce les premiers ministres qui se sont succédés ? Il semble que non. Est-ce les ministres qui ont dirigé le département de l’agriculture après décembre 2016 ? il semble que c’est non. Parce que le ministre de l’agriculture du gouvernement a reconnu la pertinence du projet et a même tenté, à son corps défendant, de le relancer. Quatre ans et demi après mon départ, quatre Premiers ministres se sont succédés, mais aucun état des lieux d’un projet aussi ambitieux et important pour le pays n’a été fait ! Ne fut-ce que pour examiner la problématique du projet et savoir s’il faut le relancer ou pas. Pendant ce temps, la quasi-totalité de matériels du parc (Tracteurs, avions épandeurs, etc.) a été cannibalisée et vandalisée. Des dizaines de containers contenant des équipements et autres produits rendus sur le site sont restés fermés pour des raisons inconnues ; d’autres ont été abandonnés à des transitaires comme s’ils n’appartenaient à personne ! Tout le monde se complait à jouer le jeu des pourfendeurs du projet qui se félicitent d’avoir tué dans l’œuf un projet vital et gigantesque pour des millions des congolais. L’IGF se félicite d’avoir hypnotisé tout le monde qui n’ose pas se poser la vraie question : « Qui est le principal responsable de la débâcle de Bukangalonzo » ? Des contre-enquêtes menées récemment sur le dossier, notamment celles réalisées par les 4 journalistes ont tenté de pointer du doigt le vrai coupable. Mais, personne ne veut y croire. Tôt ou tard, la réponse à cette épineuse question sera connue et les Congolais se rendront compte que le vrai coupable était ailleurs et qu’ils auront été victime d’un complot. Wait and see.
Kinshasa, le 28 mai 2021.