Plus d’un milliard de dollars américainsdilapidé pour des élections chaotiques

Ce que je pense est que la RDC n’a jamais connu des élections aussi chaotiques comme celles qui viennent de se dérouler en décembre dernier. Elles l’ont été en violation flagrante des Lois de la République et en total déconnexion des valeurs éthiques et morales qui fondent l’existence des nations. Elles ont suscité la méfiance et la frustration au lieu de créer l’espoir et cimenter la confiance entre les citoyens. En effet, la Commission électorale indépendante (CENI), au lieu d’être effectivement indépendante et impartiale, a été un bras d’exécution de la volonté du pouvoir contre le peuple. Avec l’appui de cette dernière, des centres de vote parallèles ont été institués au profit de l’Union sacrée, la majorité présidentielle au pouvoir. Une majorité fabriquée en violation de la Loi et constituée en bonne partie par les transfuges du Front Commun pour le Congo (FCC) du régime précédent. Situés dans des résidences privées protégées par la police ou dans des locaux de fortune, ces centres de vote étaient pourvus illégalement des machines à voter (ou machines à tricher) pour gonfler le nombre de voix des candidats du pouvoir au niveau présidentiel, législatif et municipal. En outre, une bonne partie de machines affectées aux bureaux de vote officiels, a été configurée avec des voix déjà préenregistrées au profit principalement du Président de la République en fonction, candidat à sa propre succession. Ainsi, ce candidat disposait d’un stock impressionnant de voix avant que le vote ne commence, y compris dans les bastions de l’opposition.

Par ailleurs, des témoins de plusieurs candidats de l’opposition ainsi que certains observateurs nationaux et internationaux ont été chassés des bureaux de vote pour faciliter le bourrage des urnes avec l’appui des agents de la CENI. Plusieurs fois, dans beaucoup de bureaux, les machines sont tombées en panne et n’ont pas été réparées. D’autres n’ont pas carrément fonctionné par manque d’énergie ou en complicité tactique des agents de la CENI. Enfin, les machines ne sont pas arrivées dans plusieurs sites le jour du vote. Cette situation a été constatée même dans la ville de Kinshasa, centrale de programmation et distribution desdites machines. Le vote s’est ainsi prolongé pendant six jours alors que les résultats provisoires étaient en train d’être publiés. Pire encore, cette proclamation s’est faite sans que la compilation de résultats de vote par province ne se fasse comme l’exige la loi électorale.

Ce que je pense est que les dirigeants congolais continuent à se tromper eux-mêmes. Ils pensent que les élections constituent le moyen par excellence de se maintenir au pouvoir contre la volonté du peuple et de s’enrichir ostensiblement. Ils organisent les élections, non pas pour permettre au peuple de choisir ses représentants, mais pour nommer des personnes devant perpétuer le système contesté en vigueur. On l’a vu avec le Maréchal Mobutu qui est resté au pouvoir pendant trente-deux ans. Il était toujours le candidat unique à chaque élection présidentielle. Celle-ci consistait à voter pour le rouge ou le vert. Et c’était toujours le vert qui l’emportait avec plus de 98% de suffrages exprimés. Ceux qui osaient voter pour le rouge avaient de sérieux problèmes avec le régime. C’était la dictature. Qui a été finalement balayée par la rage populaire. Avec le président Joseph Kabila, beaucoup de progrès ont été enregistrés sur le chemin de la démocratie. Trois cycles électoraux ont été réalisés en 2006, 2011 et 2018. En dépit des avancées indiscutables réalisées, quelques pesanteurs continuaient à hypothéquer la transparence des opérations et la fiabilité des résultats. En 2018, beaucoup de personnes non élues ont été proclamées vainqueurs des élections au grand dam de la population. Martin Fayulu a été vainqueur de l’élection présidentielle avec près de 62% des suffrages exprimés. Mais, c’est Tshisekedi Tshilombo, avec moins de 20 %, qui a été proclamé vainqueur par la CENI et confirmé par la Cour constitutionnelle. Aujourd’hui encore, le peuple a massivement voté pour le candidat de l’opposition Moise Katumbi Chapwe, qui aurait gagné avec plus de 60% des voix exprimées. Mais, c’est le candidat au pouvoir qui a été proclamé vainqueur par la CENI avec 73,34% des votes, au grand étonnement de la majorité de la population. C’est la magie des machines à voter – en réalité machines à tricher- et de bourrages des urnes par les hommes au pouvoir. Malheureusement, avec la complicité de la CENI, sensée être indépendante et impartiale.

Ce que je pense est que plus d’un milliard de dollars américains (1.100 millions) ont été dilapidés par le pouvoir. Alors que le pays en avait cruellement besoin pour faire avancer l’agenda du développement économique. Pour rappel, les élections sont organisées pour permettre à la population de disposer de ses représentants. Ceux que le peuple considère comme étant capables de défendre ses intérêts. Principalement à la présidence de la République, au parlement et au gouvernement. C’est pour cela que les élections sont considérées comme un des déterminants du progrès des nations. Elles permettent à ces dernières d’être dirigées principalement par des personnes compétentes aux différents échelons. En effet, le progrès procède de l’efficacité des institutions. Celle-ci est le fruit d’un leadership et d’une gouvernance de qualité. Les Etats-Unis, par exemple, ont été dirigés pour l’essentiel, par les meilleurs de leurs fils. Ils disposent aussi de très bonnes institutions. Conséquence : c’est la meilleure démocratie et la première puissance économique et militaire du monde. D’où l’importance de faire des élections. Tous les pays du monde les organisent d’ailleurs, quelle que soit la formule utilisée. Mais, avec quel objectif ? Pour proclamer les meilleurs ou les médiocres ? Si c’est pour nommer notamment des médiocres – qui n’ont pas été élus – comme en 2018, les élections n’ont plus leur raison d’être. Elles deviennent préjudiciables ; et à double titre. Non seulement, elles privent le peuple de dirigeants de qualité, mais aussi d’importantes ressources devant contribuer à l’amélioration de ses conditions de vie. Si ce milliard de dollars américains, effectivement dépensé par le Trésor public, pouvait constituer un fonds de garantie, il permettrait la réalisation d’importants projets socio-économiques de plusieurs milliards de dollars. Par exemple, le gouvernement achèterait près 7.000 autobus de transport en commun ; il n’en a qu’une centaine aujourd’hui en mauvais état. Il acquérait 12 avions Airbus A 320 neufs pour la compagnie aérienne nationale ; il en a aucun aujourd’hui, même d’occasion. Il bâtirait plus de 35 universités publiques modernes de grande capacité d’accueil ; il n’en a que quatre dans un état déplorable. Il construirait plus 100 grands hôpitaux modernes ; il n’en a qu’une vingtaine en délabrement avancé. Enfin, il relierait Lubumbashi à Kinshasa par voie routière macadamisée ; les deux capitales du pays (économique et politique) ne le sont que par avion aujourd’hui. Sur base de ces évidences, la population, s’il lui était demandé de se prononcer sur le sujet, choisirait, à n’en point douter, de se passer de ce simulacre d’élections budgétivore au profit d’infrastructures socio-économiques. Pourquoi alors faire des élections si c’est pour détourner et dilapider les ressources publiques et nommer des médiocres pour appauvrir le peuple ? Encore une fois, la problématique de la tenue des élections par rapport au développement économique en Afrique reste d’actualité. Les élections sont essentielles pour le progrès des nations. Mais, il faut qu’elles soient vraies. Parce que les fausses, comme celles, inutilement coûteuses, que la RDC vient honteusement de s’offrir, produiront sûrement le sous-développement. Elles ne sont donc pas nécessaires.

Une campagne électoraleaux conditions inéquitables

Ce que je pense est que la campagne électorale constitue une des étapes clés du processus électoral. Elle permet aux différents candidats de se faire connaitre et de faire connaitre leurs projets de société. C’est pour convaincre les électeurs et se faire élire. Mais, alors, il faut que toutes les conditions soient réunies. Tout d’abord, la sécurité physique des candidats, de leurs collaborateurs et de leurs biens. Dans un pays occupé en partie à l’Est par une rébellion (M23) et où opère une centaine de groupes armés, il va de la responsabilité de l’Etat de veiller à ce que tous les candidats soient capables de battre campagne en toute sécurité. Bien plus, il faut s’assurer de la neutralisation des milices situées en pleine ville ou dans la périphérie des cités et villages. Celles-ci sont bizarrement entretenues par certains politiciens et sont capables de déstabiliser certains candidats, surtout de l’opposition. Par ailleurs, il faudra que les moyens de transport ainsi que les voies de communication soient en mesure de permettre le déplacement aisé des candidats à travers l’ensemble du pays. Enfin, les candidats doivent avoir accès de manière équitables aux médias, notamment publics. Toutes ces exigences visent à garantir les meilleurs choix à effectuer par le peuple en vue de disposer des meilleurs dirigeants.

Ce que je pense est que malheureusement la réalité est toute autre. Le gouvernement ne permet pas à quelques candidats président de disposer de moyens de transport nécessaires à leurs déplacements. Il refuse de leur accorder les autorisations d’entrée des avions et hélicoptères loués. Certains d’entre eux sont incapables de se mouvoir par manque de vols. En début de campagne, il n’existait qu’une seule compagnie d’aviation d’envergure nationale. Elle n’a que très peu d’appareils. Il fallait attendre parfois une à deux semaines pour disposer d’une place dans un avion. Pour une campagne électorale d’un mois sur un territoire de 2.345.000 kilomètres carrés, un candidat devant se déplacer par des vols réguliers risque de ne visiter que deux à trois provinces sur vingt-six ! Congo Airways, compagnie aérienne publique en faillite, vient de louer deux avions la semaine dernière. Malheureusement, ces avions long courrier ne peuvent servir que des grandes villes. Le déplacement à l’intérieur des provinces où l’on ne trouve essentiellement que des pistes en terre battue est quasiment impossible. Les routes sont quasiment impraticables en cette période de saison de pluie. Un des candidats président a été bloqué pendant plusieurs jours dans une localité par manque d’avion. Il suffit qu’un vol soit annulé, comme c’est le cas souvent pour cette compagnie privée qui a presque le monopole, pour que le programme d’un candidat président soit perturbé totalement. Par ailleurs, certains gouverneurs de province ou maires de la ville n’autorisent pas aux candidats de l’opposition de tenir leurs meetings à des endroits publics indiqués (tribune, stades, salles de spectacle, etc.). Ils le font uniquement pour les candidats du pouvoir ou proches de ce dernier. Pire encore, certaines autorités provinciales demandent à la police de disperser des sympathisants des candidats de l’opposition avec des tirs de sommation à balles réelles ! Tout comme elles demandent à leurs milices de jeter des pierres aux candidats président et à ceux qui les accompagnent lors de grandes marches et rassemblements populaires. Dans la ville de Kindu, deux candidats président de la république en pleine marche ont été caillassés plusieurs fois par une milice entretenue par le gouverneur de province. Une dizaine de cas de blessés a été enregistrée. Au cours de cette marche, un responsable de la jeunesse du parti de l’opposition a été tué. Dans la même lignée, un gouverneur proche du pouvoir a interdit publiquement aux candidats de l’opposition de battre campagne dans sa province. Inimaginable ! Enfin, à n’en point douter, les médias publics sont quasiment pris en otage par le candidat président en fonction et ses alliés. Ceux de l’opposition n’ont qu’à se débrouiller. Heureusement, que de médias audiovisuels privés et réseaux sociaux existent.

Ce que je pense est que toutes les conditions sont réunies pour que les élections se déroulent dans des conditions non équitables et non transparentes. La question que l’on peut se poser, une fois de plus, est de savoir à quoi servent réellement les élections dans les pays en développement ? Surtout qu’elles coûtent excessivement cher ? Selon le président de la Commission électorale indépendante (CENI), celles-ci coûteront près de 1,1 milliard de dollars américains, soit près du double du coût des élections de 2018 (600 millions de dollars). Alors qu’elles n’ont couté que près de 450 millions de dollars en 2011. Qui peut imaginer une telle évolution dans un pays très pauvre dans lequel le policier ou le soldat le moins gradé est payé à moins de l’équivalent de 100 dollars américains par mois ! Une telle somme permettrait de réaliser soit, mille kilomètres de routes goudronnées, soit cent universités modernes, soit encore plus de huit mille écoles ou centres de santé. Pourquoi alors dilapider autant de ressources pour proclamer des personnes non élues au lieu d’investir dans les infrastructures socio-économiques ? La CENI, comme les régies financières, est devenue une institution aux grands enjeux financiers. On y entre pauvre, on y sort riche. Conséquence : tout le monde veut travailler à la CENI, comme tout le monde veut travailler à la douane et aux impôts ou carrément devenir député ou sénateur. Et la CENI est l’une des institutions publiques où la mauvaise gouvernance est évidente, mais où l’audit de fonds publics gérés est rarement effectué et publié. Parce que les autorités devant autoriser cet audit sont celles déjà proclamées, parfois indûment, par la même institution. La CENI devient ainsi une institution créatrice du sous-développement. Elle est budgétivore, produit de mauvais dirigeants et utilise les fonds qui auraient dû servir aux infrastructures socio-économiques. Pendant ce temps, les politiciens accusent l’Occident de néo-impérialiste ou néo-colonialiste décidé de perpétuer le sous-développement. Comme si c’était l’Occident qui organisait le simulacre des élections dans ces pays.

Des élections pour déstabiliser le pays ?

Ce que je pense est que l’issue des élections prochaines risque d’être une source de déstabilisation du pays. Des personnes non élues pourraient être massivement proclamées vainqueurs. Au grand regret des dizaines de millions d’électeurs. D’aucuns diront qu’en 2018, la situation a été la même, et pourtant il n’y a pas eu de troubles. La passation du pouvoir entre le président sortant et le président entrant s’est faite de manière pacifique. Et, la mandature présidentielle en cours tire à sa fin dans deux mois sans perturbations majeures. La plus grande différence entre les deux situations est que lors des élections précédentes, le processus s’est soldé par un changement du régime politique en place depuis 18 ans. Telle était la volonté de la majorité de la population. Même si les personnes proclamées n’ont pas été en partie celles élues par le peuple. La situation pourrait se présenter autrement à l’issue du processus électoral en cours. En effet, la gouvernance du pays depuis l’avènement du pouvoir actuel en janvier 2019 se révèle catastrophique : croissance économique insuffisante, chômage et prix intérieurs en hausse, dépréciation continue de la monnaie nationale, salaires de certains fonctionnaires de l’Etat et députés provinciaux non payés régulièrement, etc. Face à ce tableau sombre, la majorité de la population souhaite déjà le départ du régime politique en place qui n’a duré que cinq ans. La volonté du changement semble être plus forte qu’elle ne l’était en 2018. Les dégâts socio économiques de la gouvernance de ces cinq dernières années seraient-ils plus ravageurs que ceux de dix-huit ans précédents ? Le désespoir créé par cette mauvaise gouvernance est-il si fort ? Quoi qu’il en soit, tout porte à croire que le régime politique s’organise, au travers la Commission électorale indépendante (CENI) et la Cour constitutionnelle, à demeurer coûte que coûte au pouvoir pour un nouveau mandat de cinq ans. La bataille entre le peuple et le pouvoir s’annonce dès lors âpre et l’issue après le vote risque d’être fatale.

Ce que je pense est que le processus électoral, tel qu’il se déroule, ne présage pas la tenue de bonnes élections. Des nombreuses et flagrantes irrégularités se sont accumulées de manière volontaire dès le départ. Le Bureau de la CENI s’est constitué en violation de l’esprit et de la lettre des textes qui fondent sa crédibilité. Le président de la CENI a été désigné sans l’accord des églises catholique et protestante qui étaient parties prenantes dans le processus. Celles-ci dont les membres représentent plus de soixante-dix pourcents de la population se sont retirées définitivement de la structure. Plusieurs autres membres du Bureau de cette institution ont été désignés par le pouvoir par débauchage, c’est-à-dire, sans l’accord préalable de leurs responsables respectifs. En définitive, la CENI n’est pas une institution inclusive; elle n’inspire pas non plus confiance comme l’aurait souhaité la population. Quel sera alors le niveau de crédibilité des résultats qu’elle proclamera ? En outre, la loi électorale qui a été modifiée et promulguée par le Président de la République n’a pas pris en compte les principales recommandations de l’opposition devant garantir la transparence etl’équité du processus. Au contraire, des modifications visant à faciliter la tricherie et la fraude des résultats au profit dupouvoir ont été subtilement intégrées. Bien plus, le processus d’enrôlement des électeurs s’est fait de manière chaotique et opaque qu’il est difficile de croire aux chiffres des enrôlés publiés par la CENI. En effet, cette dernière, contrairement aux exigences en la matière, refuse catégoriquement l’audit du fichier électoral par un cabinet d’audit international compétent, avec la participation des membres de l’opposition, comme cela a été le cas au cours des élections précédentes. L’audit a été plutôt fait par des non professionnels congolais recrutés localement à la hâte pour les besoins de la cause. Enfin, la CENI refuse aussi de publier la liste des électeurs comme le recommande la loi électorale. Elle demande plutôt aux électeurs d’aller consulter les listes auprès de ses antennes disséminées à travers le pays. Pour finaliser le mécanisme de fraude électorale, la CENI vient d’opérer une mise en place générale de ses responsables dans l’ensemble du pays. Par ailleurs, le président de la Cour constitutionnelle et certains de ses juges ont été désignés en violation flagrante de la Constitution et des lois du pays ; l’objectif principal étant de s’assurer de la confirmation des résultats tels qu’ils seront publiés par la CENI, structure déjà sous contrôle total du pouvoir.

Ce que je pense est que l’on ne peut pas chercher une chose et son contraire à la fois. Organiser des élections pour permettre au peuple de se choisir de meilleurs dirigeants, et en même temps, dépenser énormément des ressources pour financer le fonctionnement d’une institution et la mise en œuvre d’un processus électoral dont l’objectif premier est de proclamer notamment des personnes médiocres. Ensuite, chercher à préserver l’unité et la cohésion nationale, et en même temps amplifier la tension entre le peuple et le pouvoir ; ce qui pourrait conduire à de vives protestations et manifestations après la proclamation des résultats de vote. En définitive, il appartient au pouvoir de se rappeler de l’objectif principal de ces élections : doter le pays des dirigeants capables de garantir la paix et la sécurité intérieures, de consolider l’unité du territoire national fortement menacée, et d’assurer le développement harmonieux et durable du pays. Et non de faire un simulacre de vote devant permettre la nomination de certains individus non élus et non compétents. Ce serait, inconsciemment peut-être, exécuter un plan aux fins de la destruction de son propre pays.

Kinshasa, le 31 octobre 2023.

Le Sankarisme est-il de retour au Burkina Faso

Ce que je pense est que Thomas Sankara était un leader qui a marqué l’Afrique et le monde. Il était très apprécié par les africains, particulièrement les jeunes. Né le 21 décembre 1949 à Yako (Nord du pays), il est devenu président de la République le 04 août 1983. Il a changé le nom du pays (anciennement appelé Haute- Volta), devenu depuis lors Burkina Faso, ce qui signifie « le pays ou la patrie des hommes intègres ». En accédant au pouvoir à 34 ans, il avait une vision pour son pays, à savoir l’extirper du sous-développement. Il avait des objectifs précis pour y arriver. Dans le domaine agricole, par exemple, il visait l’auto-suffisance alimentaire. A cet effet, il avait engagé une réforme agraire vigoureuse qui avait rapidement donné de résultats. L’une de mesures fortes prises était l’interdiction d’importer les fruits et légumes. En même temps, il incitait les agriculteurs à les produire localement. En 1986, soit trois ans après sa prise de pouvoir, le Burkina Faso devenait alimentairement auto-suffisant. Une performance exceptionnelle. En outre, il avait mis en œuvre un plan de lutte contre l’analphabétisme qui avait fait passer le taux de scolarisation de 6 à 24 % en quatre ans. Extraordinaire ! Politiquement, Sankara était un marxiste révolutionnaire proche du pouvoir soviétique. Il était panafricaniste et tiers-mondiste. Détaché des biens matériels et vivant proche de la population, il roulait dans une petite voiture Renault 5, dénommé R5, et habitait dans un quartier populaire. Il disait que le pouvoir appartient au peuple qui devait bénéficier de ses retombées. Il se déclarait anti-impérialiste et fustigeait le néo-colonialisme. Le 04 octobre 1984, s’adressant à l’assemblée générale des Nations unies, il avait recommandé notamment la légitime révolte des pays du Tiers-monde exploités par l’impérialisme considéré comme un système structurellement injuste et conjoncturellement désaxé. En particulier, il entretenait des relations houleuses avec la France, l’ancienne puissance coloniale. Sankara désignait la France comme le principal frein au développement de l’Afrique. Il boycottait les sommets France-Afrique pour manifester son hostilité contre la France dirigée à l’époque par le Président François Mitterrand. Recevant ce dernier à Ouagadougou, il n’avait pas hésité de condamner la France, en sa présence, pour ses ingérences et de fustiger le capitalisme. Le président français n’avait pas manqué de réagir sur place : « C’est un président un peu dérangeant, le président Sankara ». Par ailleurs, Sankara était un écologiste précoce. Pour contrer l’avancée du désert et les sécheresses récurrentes, il demandait à chaque famille de planter des arbres dans sa parcelle et de cultiver un potager. Il encourageait également la plantation de bandes boisées traversant le pays d’est à l’ouest. Enfin, il était un féministe. Il s’était engagé à promouvoir les droits de la femme. Par exemple, il avait mis fin à la dot, aux mariages forcés, interdit l’excision, et tenté de s’opposer à la prostitution et polygamie. En 1983, il avait nommé trois femmes dans son gouvernement..

Ce que je pense est que globalement la révolution sankariste était un succès. Elle avait conduit à l’amélioration des conditions de vie des burkinabés. Ce qui avait permis d’accroître significativement la popularité de Sankara à l’intérieur comme à l’extérieur du pays. Ses prises de positions anti-impérialiste et anticolonialiste, d’une part, et ses appels aux africains à se soustraire de la dépendance politique et économique occidentale et à se syndiquer contre le paiement de la dette extérieure, d’autre part, l’avaient rendu célèbre auprès des africains. Du coup, plusieurs présidents africains évitaient de l’inviter dans leurs pays respectifs. En voyage en Afrique, Sankara était parfois mieux ovationné que le président du pays d’accueil. Cependant, la rigueur et l’intégrité de Sankara ne plaisaient pas à tout le monde. Au fil des années, son action politique avait fini par créer des frustrations et de mécontentements particulièrement au sein de l’équipe restreinte de compagnons de la révolution au pouvoir. Ceux-ci avaient décidé de l’éliminer. Et, ils l’ont assassiné le 15 octobre 1987. Le capitaine Blaise Compaoré, le meilleur ami de Sankara depuis l’enfance, avait été cité comme le principal instigateur du putsch. C’est bien lui qui l’avait succédé à la présidence de la république. La France aussi était soupçonnée d’avoir soutenu l’opération. Depuis lors, Sankara est entré dans le panthéon des héros africains à côté des hommes célèbres comme Mandela et Lumumba.

Ce que je pense est que Thomas Sankara est resté vivant dans l’esprit de la majorité des africains. Pendant quatre ans de règne, il avait fait rêver les africains de s’affranchir de la dépendance occidentale et de se remettre sur le chemin du développement. Depuis lors, lorsqu’un président africain parle de l’anti-impérialisme ou l’anticolonialisme en des termes forts, c’est bien l’image de Sankara qui revient en premier lieu dans l’esprit de deux dernières générations des africains. C’est bien le cas du président Ibrahim Traoré arrivé au pouvoir à 34 ans comme Sankara et dans le même pays des hommes intègres ! Né le 14 mars 1988 à Kera (commune de Bondokuy), il est licencié en géologie à l’université publique de Ouagadougou. C’est un ancien responsable de l’association des étudiants du Burkina (ANEB). Les burkinabés l’appellent désormais « IB », l’homme pressé. C’est un souverainiste qui porte toujours le treillis militaire avec un béret rouge comme Sankara aimait le faire. Désigné président du Burkina Faso depuis le 06 octobre 2022 à la suite d’un coup d’Etat contre un autre militaire, il est un anti-impérialiste et anticolonialiste virulent comme Sankara. C’est aussi un africaniste qui plaide pour la libération de l’ensemble du continent tel que le souhaitait aussi le bouillant révolutionnaire burkinabé assassiné. Il ne ménage pas non plus la France comme Sankara. Il a d’ailleurs demandé que tous les accords signés avec la France soient réexaminés. Le monde entier a particulièrement découvert Traoré lors du dernier sommet Russie-Afrique qui a eu lieu le 28 juillet 2023 à Saint-Pétersbourg, en Russie. Dans son intervention musclée en présence de ses pairs africains, cet invité d’honneur du président Poutine a fustigé avec sévérité le néocolonialisme occidental qui serait principalement à la base de la pauvreté du continent africain en dépit de ses multiples richesses. Comme Sankara, il a demandé aux autres présidents africains de travailler dur pour l’auto-suffisance alimentaire de leurs pays au lieu de toujours importer des produits agricoles de la Russie ou d’ailleurs. A l’instar du père du Burkina Faso, il a conseillé les présidents africains de cesser de se ranger du côté des capitalistes occidentaux, tireurs de ficelles, et de se comporter comme de marionnettes à leur solde. Les africains doivent se réveiller et se remettre au travail, a souligné l’homme fort du Burkina Faso. Parlant de son propre pays, Traoré s’est offusqué des critiques des occidentaux qui qualifient des milices les comités de Volontaires pour la défense de la patrie (VDP) créés par son gouvernement pour lutter contre le terrorisme qui ravage son pays depuis près de huit ans. Ce sont des groupes constitués de supplétifs civils entrainés pour soutenir l’armée dans la lutte contre le terrorisme. Le président Traoré considère d’ailleurs les attaques de groupes armés affiliés à Al-Qaida et à l’Etat islamique comme la manifestation la plus barbare, la plus violente de l’impérialisme. C’est même, dit-il, une forme d’esclavage que les occidentaux veulent imposer aux burkinabés. Les africains doivent donc se libérer de ce joug et croire à la victoire quels que soient les obstacles tendus par les impérialistes. Voilà pourquoi, Traoré termine souvent ses allocutions par ces mots, comme le faisait maître Sankara, : « la patrie ou la mort, nous vaincrons ! ».

Ce que je pense est que les idées de Ibrahim Traoré sont presque identiques à celles de son compatriote révolutionnaire assassiné Thomas Sankara. Traoré rend souvent hommage à ce dernier tué cinq mois avant qu’il ne naisse. « Tuez Sankara et des milliers de Sankara naîtront », aurait dit Thomas Sankara quelques mois avant sa mort. Traoré le considère d’ailleurs comme modèle. C’est le Che Guevara africain, aime-t-il rappeler. Au-delà de l’idéologie sankariste, l’on retrouve en Traoré beaucoup de qualités de son idole et lointain prédécesseur militaire : une vision claire pour son pays, des objectifs précis, l’intégrité, le patriotisme, l’africanisme, l’amour du travail ardu, l’autodiscipline, la volonté d’acquérir l’indépendance politique, économique et culturelle de l’Afrique, le courage de dénoncer l’impérialisme, le capitalisme et le néocolonialisme, la prise de risque pour affronter ouvertement les occidentaux, l’attachement aux valeurs et à la jeunesse burkinabé et africaine, la persévérance dans le combat au profit du peuple, la recherche de résultats, et la volonté affichée de réussir. Bien plus, il est proche de la Russie comme l’était Thomas Sankara. On peut dire que le sankarisme est effectivement de retour au Burkina Faso. Mais, il faut souhaiter que ça dure … Sankara n’a dirigé que pendant 4 ans et a été tué par ses propres frères, certes avec la bénédiction de ses ennemis occidentaux. Et le rêve burkinabé s’est estompé. Traoré doit se le rappeler : le jour que l’on décide de devenir leader pour faire changer les choses, c’est le jour où l’on crée ses adversaires et ennemis les plus virulents. Le leadership au sommet de l’Etat au profit du peuple est un exercice passionnant, mais difficile et à haut risque. Le discours patriotique et anticolonialiste soulève beaucoup d’espoir au sein du peuple, mais expose le révolutionnaire à tous les dangers possibles, y compris à la mort. On ne peut pas lutter contre l’impérialisme et demander aux impérialistes de ne pas riposter ! On ne peut pas dénoncer le capitalisme et demander aux capitalistes de ne pas vous combattre. On ne peut pas vouloir mettre fin au néocolonialisme et demander aux néocolonialistes de ne pas vous déstabiliser. Patrice Lumumba, l’africaniste et anticolonialiste en est mort. Le colonel Kadhafi, l’africaniste et l’anti-impérialiste, en a payé le prix. Thomas Sankara, l’ultra anti-impérialiste en a fait les frais. Il faut donc se préparer en conséquence. Il faut mettre en œuvre un programme économique robuste, cohérent et pratique pour matérialiser le rêve de l’ensemble du peuple. Il faut des stratégies pour contrer les pièges et attaques de toute nature concoctés de l’intérieur et de l’extérieur. Car le développement dans son essence s’inscrit dans la durée et uniquement dans la durée. Autant on rêve et fait rêver le peuple, autant on doit travailler dur et se protéger pour que le rêve devienne une réalité. La meilleure façon de combattre l’impérialisme et le néocolonialisme est de devenir économiquement fort et indépendant. Ce qui permet de disposer des moyens de sa propre politique et défense. Beaucoup des pays indépendants, jadis colonisés, ont su se soustraire de l’emprise de leurs maitres par leur capacité à s’auto-suffire économiquement et à s’auto-sécuriser. Et cela est possible. Les exemples sont légion en Afrique et à travers le monde. Au regard des innombrables et pressantes attentes des burkinabés, nous ne pouvons que souhaiter longue vie au président révolutionnaire Ibrahim Traoré. N’oublions pas, la révolution mange souvent les révolutionnaires.

Kindu, le 23 août 2023.

Afrique : La République desmilitaires est-elle de retour ?

Ce que je pense est que la gouvernance des dirigeants civils africains élus est remise en cause. Il s’observe depuis quelques années le retour des militaires au pouvoir comme Présidents de la République. C’est le cas notamment au Mali, Burkina Faso et Niger, trois pays de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). Le Mali a connu, en moins d’une année, deux coups d’Etat opérés successivement par le colonel Assimi Goïta. Le premier intervenu le 18 août 2020 renversant le président élu Ibrahim Boubakar Keita, dit « IBK » ; le second intervenu le 24 mai 2021 renversant le président de la Transition monsieur Bah N’Daw. Le Burkina Faso a connu aussi deux coups d’Etat en huit mois. Le premier opéré le 24 janvier 2022 par le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba renversant le président élu Rock Kaboré ; le second effectué par Ibrahim Traoré le 30 septembre de la même année mettant fin aux fonctions d’un prédécesseur putschiste militaire. Le Niger n’a connu récemment qu’un seul coup d’Etat opéré le 26 juillet dernier par le général Abdourahamane Tchiani mettant fin aux fonctions du président élu Mohamed Bazoum. Toujours en Afrique de l’Ouest, un autre coup d’Etat opéré le 5 septembre 2021 par le lieutenant-colonel Mamadi Ndoubouya a renversé le président élu Alpha Condé, octogénaire. L’Afrique centrale n’est pas épargnée. Au Soudan, c’est le 25 octobre 2021 que le général Abdel Fattah Al-Burhane a pris le pouvoir en reversant les autorités civiles de transition installées depuis 2019 après la chute d’Omar el-Bechir qui a régné pendant près de 30 ans. Depuis le 15 avril de cette année, le Soudan est le théâtre des affrontements sanglants entre deux factions militaires ayant été à l’origine du putsch d’octobre 2021. Au Gabon, Ali Bongo, fraichement élu, a été débarqué du pouvoir le 30 août dernier par le général Brice Oligui Nguema. Plusieurs raisons sont avancées par les putschistes militaires pour justifier le coup de force. Pour les trois premiers pays, il s’agit principalement de mettre fin aux régimes politiques incapables de garantir la paix et la sécurité face aux mouvements djihadistes qui occupent des larges territoires de ces pays et y sèment la terreur. Pour la Guinée et le Gabon, c’est pour mettre fin aux régimes politiques qui se maintiennent au pouvoir en violation de la constitution et des lois du pays sans pourtant garantir des progrès économiques considérables pouvant réduire significativement la pauvreté. Le président Alpha Condé avait réalisé deux mandats de cinq ans et était à son troisième après avoir modifié la Constitution. Le président gabonais venait de passer 14 ans au pouvoir après les 41 ans de son père Omar Bongo à la tête du même pays (1967-2009). Face à ce nouveau mode d’acquisition du pouvoir par la force, d’aucuns veulent savoir davantage sur le phénomène « coup d’Etat ».

Ce que je pense est que l’histoire des coups d’Etat est aussi vieille que le monde. En effet, 2.340 avant Jésus Christ, le ministre Sargon avait renversé par un coup d’Etat le roi Ur-Zababa pour fonder l’empire akkadien en Mésopotamie. En Egypte, 399 avant Jésus Christ, le général Néphéritès avait renversé le pharaon Amyrtée de la XXVIIIè dynastie. En Chine, 249 après Jésus Christ, Sima Yi a éliminé Cao Shuang et s’est accaparé du pouvoir. En 1610, les boyards de Russie ont renversé Vassili IV et proclamé Ladislas IV. Plus près de nous, au vingtième siècle, Benito Mussolini a renversé Victor-Emmanuel III d’Italie le 27 octobre 1922. En Irak, le roi Fayçal II a été renversé le 14 juillet 1958 par le militaire Abdul Karim Qasim. Au Pakistan, le chef de l’armée Muhamad Ayub Khan a renversé le 27 octobre 1958 le président Iskander Mirza. Au Cuba, Fulgencio Batista a été renversé en 1959 par Fidel Castro. En Corée du Sud, Yun Po-Sun a été renversé en 1961 par le général Park Chung-hee. Au Togo, Sylvanus Olympioa été renversé par Gnassingbé Eyadema le 13 janvier 1963. En Algérie, Ahmed Ben Bella a été chassé du pouvoir par le colonel Houari Boumédiene le 19 juin 1965. Au Zaïre, Joseph Kasavubu a été renversé le 24 novembre 1965 par le colonel Joseph Mobutu. Comme on peut le constater, la liste est longue et aucun continent n’a été épargné par les coups d’Etat. Et de manière générale, ce sont les militaires qui prennent le pouvoir. La question que l’on peut se poser est celle de savoir si les militaires ont les compétences requises pour diriger les pays afin de garantir non seulement la paix et la sécurité mais aussi le progrès socio-économique nécessaire.

Ce que je pense est que certains régimes militaires ont réussi, d’autres ont totalement échoué. Le régime militaire du général Park de la Corée du Sud est un des exemples qui ont parfaitement réussi. Par contre, le régime militaire du lieutenant-colonel Mobutu Sese Seko de la RDC est un des cas qui ont lamentablement échoué. En effet, en 1960, la RDC et la Corée du Sud avaient des PIB par habitant relativement similaires. Durant cette période, les militaires Mobutu Sese Seko pour la RDC et Park Chung-hee pour la Corée du Sud ont joué un rôle déterminant sur le développement de ces deux pays, avec des réformes structurelles d’envergure, bien que de natures très différentes. Le Président Mobutu a pris le pouvoir en RDC en 1965 mais, par la suite, il a malheureusement établi un régime autoritaire qui a conduit à une mauvaise gestion économique, à une stagnation économique, puis à une crise économique aggravée par la corruption et l’instabilité politique. En parallèle, en Corée du Sud, le général Park a pris le pouvoir en 1961 et a mis en place un régime autoritaire mais accompagné d’une série cohérente des politiques de développement, notamment dans le secteur de l’éducation, de la technologie et de l’innovation, des exportations et de l’industrialisation. Cette distinction fondamentale des politiques économiques peut expliquer une grande partie des destins contrastés suivis par les économies de la RDC et de la Corée du Sud respectivement. Certes, Mobutu et Park étaient des militaires, cependant, le premier a mal dirigé et gouverné, ce qui a nui au développement de la RDC devenue l’un des pays les plus pauvres du monde. La RDC occupe le rang de la 164ème économie du monde. Alors que le second a mis en place des politiques économiques cohérentes qui ont favorisé la croissance économique en Corée du Sud devenue la dixième économie du monde. Au regard de ce qui précède, il se dégage que la différence entre les résultats socio-économiques obtenus par les deux militaires est justifiée par la qualité du leadership et de gouvernance.

Ce que je pense est qu’il est recommandable que le processus démocratique de désignation des présidents de la République soit respecté afin d’éviter la déception et l’énervement de la population et de militaires. En un mot, ce processus ne doit pas se transformer en coups d’Etat civils opérés en marge des Constitutions et lois du pays pour maintenir au pouvoir, sur base des simulacres d’élections, des civils non élus et parfois détestés par la population. Par ailleurs, les dirigeants démocratiquement élus doivent réellement s’occuper des questions de paix et de sécurité ainsi que de la création de richesses au profit de la majorité des citoyens. A défaut, cela conduira au retour des militaires qui disposent des forces armées non pas pour démettre les Présidents de la République, mais plutôt pour défendre l’intégrité des pays et y garantir la paix et la sécurité. C’est vrai que par le passé, certains régimes militaires ont favorisé le développement de leurs pays respectifs. Mais, d’autres régimes militaires ont détruit des économies entières de pays sous leurs responsabilités. L’idéal serait de laisser les civils réellement élus et compétents s’occuper de la gestion économique et les militaires s’occuper de la question de la défense et de sécurité des pays. En conclusion, il sied de promouvoir un leadership et une gouvernance de qualité à la tête des pays africains pour se prémunir des coups d’Etat.

Kinshasa, le 20 septembre 2023

Lorsque la politique tue un pays

Ce que je pense est que lorsque la politique devient l’activité la plus lucrative et attractive dans un pays, il y a de quoi s’inquiéter sérieusement sur l’avenir de ce dernier et de son peuple. A titre d’exemple, un député national en RDC touche mensuellement près de 21.000 USD, soit le montant le plus élevé jamais perçu par un parlementaire depuis l’avènement de la troisième République en 2006. On peut même soutenir que c’est vraisemblablement le niveau d’émolument le plus élevé jamais perçu par un parlementaire depuis l’avènement de la première République en 1960, et de la deuxième en 1965. Ce niveau d’émolument peut être considéré aujourd’hui comme l’un de plus élevés au monde, si pas le plus élevé. Même un parlementaire américain n’a pas ce niveau de revenu mensuel. Au regard du niveau très élevé de pauvreté dans le pays (moins de 700 USD) de revenu annuel par habitant), la dénonciation de ce montant, relayée par la presse nationale et internationale, a choqué non seulement les congolais, mais aussi une partie du monde. Un des pays les plus pauvres avec des députés les mieux payés au monde ! En réaction, le bureau de l’assemblée nationale a tenté de démentir le pot aux roses, mais sans succès. Des tentatives d’invalidation du député concerné ont même été initiées, sans suite. En dépit de cela, ce dernier a confirmé le montant parce que le touchant mensuellement. Plus grave encore, ce montant peut être considéré comme le minimum perçu. Parce certains députés de la majorité présidentielle (Union sacrée) touchent, en plus, une prime de loyauté au pouvoir politique dont le montant mensuel varie selon le degré d’engagement et de militantisme. En outre, les responsables des groupes parlementaires et différentes commissions dûment institués à l’assemblée nationale bénéficient mensuellement d’une prime de fonction. En définitive, un député national, président d’un groupe parlementaire et membre de la majorité présidentielle, peut aisément collecter mensuellement un revenu de près de 25.000 USD, soit un total de près de 300.000 USD par an. Au terme d’une mandature de cinq ans, un tel député est censé gagner 1.500.000 USD. A supposer qu’il ait choisi de ne vivre qu’avec un maximum de 5.000 USD par mois (ce qui est suffisant pour mener une vie décente en RDC), il n’aurait dépensé qu’un total de 300.000 USD pendant cinq ans. Il épargnerait alors 1.200.000 USD durant la mandature. De fait, il serait devenu millionnaire. Donc, un simple enseignant de l’école primaire ou secondaire vivant avec un salaire de misère de moins de 100 USD par mois (soit un total de 1.200 USD par an ou 6.000 USD pendant 5 ans), une fois élu député, peut du jour au lendemain toucher en un mois un revenu équivalant à vingt ans de salaires de son ancien collègue enseignant. Et si l’enseignant devenu député était élu membre du bureau de l’assemblée nationale, il serait devenu multimillionnaire au terme de cinq ans d’exercice parlementaire ; les membres du bureau, selon la position, ayant des avantages financiers de loin supérieurs à ceux des autres députés nationaux. Le député membre du bureau toucherait alors en un mois le revenu valant la somme de salaires de toute une carrière de son ancien collègue enseignant. La RDC devient ainsi le seul pays au monde où pour devenir facilement millionnaire, il faut plutôt faire la politique et non l’entrepreneuriat. Le Président de la République avait promis de fabriquer des millionnaires au cours de son mandat (2019-2023) ; il en aura fabriqué certainement plusieurs, mais sortis pour l’essentiel de la mauvaise moule.

Ce que je pense est que ces émoluments et autres avantages financiers hors norme offerts gracieusement aux députés nationaux sont considérés par la plupart de Congolais comme une sorte de corruption massive et permanente pour tétaniser toute action de ces deniers contre le pouvoir politique en place. Sinon, leurs niveaux respectifs seraient rabattus juste après l’indignation manifeste y relative de la population. Ces émoluments, du reste payés régulièrement (alors que ceux des députés provinciaux le sont irrégulièrement), apparaissent aussi comme un arbre qui cache la forêt. En effet, Il existerait un pan du secteur public (présidence, sénat, gouvernement central, institutions publiques, entreprises publiques, structures spécialisées, etc…) où le niveau du revenu total perçu mensuellement est excessif. Ce qui ne laisse pas les Congolais indifférents. En effet, tout le monde veut faire de la politique. Celle-ci crée facilement des millionnaires que toute autre activité dans le pays. Il vous suffit seulement de vous battre pour être à la présidence de la République, au gouvernement, dans les cabinets de travail des différentes institutions politiques ou dans une des structures publiques spécifiques. Ou alors, d’investir moins de 10.000 USD en termes d’une campagne électorale pour épargner plus d’un million USD au terme de la mandature comme député national. En conséquence, le pays dispose vraisemblablement du nombre le plus élevé des partis politiques au monde, soit 913 dont près de la moitié créée au cours de cinq dernières années. Il y a des individus qui disposent seuls de plusieurs partis ou regroupements politiques. Rien qu’à voir leurs dénominations, il y a de quoi s’étonner. AAA-X, ABC-Z, ABCD-Y, etc… Des partis, communément appelés « mosaïque », dont le nom n’évoque aucun engagement idéologique en faveur du développement. Il n’est donc pas exclu, si la tendance observée au cours de cinq dernières années se maintient, que l’on atteigne la ridicule performance de 1.500 partis politiques à la prochaine élection de fin 2028. Malheureusement, la quasi-totalité de partis existants ne sont que des entreprises familiales et commerciales. Composés pour l’essentiel de membres de la famille restreinte, ils n’ont de bureaux nulle part dans le pays. En réalité, ce sont des institutions à but lucratif localisées dans les mallettes des présidents fondateurs. Elles se vendent aussi sur le marché secondaire au prix alléchant dépassant les 15.000 USD par unité, de quoi créer une petite et moyenne entreprise ! L’activité politique attire ainsi beaucoup de gens au détriment d’autres secteurs productifs qu’il n’est pas exclu de projeter à long terme l’effondrement du pays tout entier. En effet, comme tout le monde le sait, la politique n’est pas une activité génératrice directe de revenus. Elle sert plutôt à créer dans le pays des conditions d’infrastructures et de gouvernance favorables à la prospérité de l’ensemble de citoyens. En RDC, c’est plutôt l’inverse qui se produit. Les hommes au pouvoir travaillent pour détruire les infrastructures et assombrir le climat des affaires. Du coup, l’activité politique devient financièrement plus rentable que l’activité privée. Ainsi, des Congolais quittent en masse les autres secteurs pour s’engager dans la politique. Des entrepreneurs, créateurs par excellence des richesses dans un pays, soutiennent : « C’est éprouvant de gagner de l’argent dans le secteur privé, et cela prend énormément du temps que prévu. Autant aller en politique où tout est facile et rapide ». A chacun, son tour. Les corps de professionnels et de métiers se vident aussi : professeurs d’université, fonctionnaires internationaux, enseignants, avocats, médecins et infirmiers, musiciens et danseurs, journalistes, sportifs, comédiens, etc. La conséquence à terme est imparable : il y aura moins d’acteurs de production, moins de revenus imposables, moins de ressources à partager entre politiciens, moins de ressources pour investir dans les infrastructures et garantir la sécurité nationale, plus de tensions politiques, et enfin plus de manifestations, de groupes armés, de rebellions et de guerres… Le cercle vicieux se sera ainsi fermé : moins de ressources, plus de problèmes, moins de ressources.

Ce que je pense est qu’il faut que les Congolais se ressaisissent et repensent leur philosophie de vie. On ne va pas en politique pour s’enrichir et tuer l’économie qui crée de richesses dans un pays. On y va pour bâtir des institutions de qualité favorables au progrès de la majorité des citoyens. C’est pour garantir un environnement des affaires capable de produire de vrais millionnaires. Ceux qui détiennent des entreprises pouvant payer des salaires décents et octroyer des primes ou bonus d’encouragement alléchants lorsque les affaires prospèrent. (Il y a des managers d’entreprises qui peuvent percevoir de bonus de plusieurs millions USD par an). Des millionnaires qui paient les impôts et taxes permettant à l’Etat de construire des infrastructures de toute sorte, de pourvoir la sécurité à tous les citoyens et de promouvoir l’éducation et la santé de qualité. C’est cela l’évidence : les vrais millionnaires sont produits par le secteur privé et non par le secteur politique qui n’en a pas la vocation. Les vrais millionnaires enrichissent l’Etat et le peuple. Les faux millionnaires (politiciens, responsables des entreprises et autres institutions publiques, membres de cabinets, etc…) appauvrissent l’Etat et le peuple. Le choix est clair : choisissons de produire les vrais millionnaires, sinon, nous faisons de la politique pour tuer le pays.

Le processus électoral,est-il crédible ?

Ce que je pense est que les élections constituent un volet important de la gouvernance politique, car elles permettent à la population de choisir des dirigeants compétents capables de contribuer au développement du pays. En République Démocratique du Congo, les élections sont ouvertes à tous ceux qui répondent aux conditions décrites dans la loi électorale, et sont censées se dérouler tous les cinq ans. Elles ont permis aux Congolais de choisir plusieurs fois le président de la République ainsi que les députés nationaux et provinciaux. En principe, ce processus devrait également s’étendre aux conseillers municipaux et aux représentants des localités. Cependant, faute essentiellement de volonté politique, les élections ne se sont jamais étendues à ce niveau et risquent de ne jamais se réaliser. En l’absence d’élections, les dirigeants s’arrogent subtilement le pouvoir du peuple et nomment des bourgmestres ainsi que des chefs de localités qui leur sont favorables, dans le but de mieux contrôler l’appareil étatique à la base. Ils évoquent souvent le manque de moyens financiers pour masquer leurs véritables motivations politiques.

Ce que je pense est que le processus électoral en cours est entaché de nombreuses irrégularités qui ne peuvent pas produire des résultats acceptables par tous. Bien que la loi électorale ait été votée par les deux chambres du Parlement, elle n’a pas intégré toutes les propositions de l’opposition. L’élection présidentielle se déroule toujours en un seul tour, plutôt qu’en deux tours comme proposé par l’opposition. La composition de la Commission électorale indépendante (CENI) chargée d’organiser le processus électoral n’a pas été conforme aux textes qui la régissent. Les représentants des deux principales églises du pays, l’église catholique et protestante, se sont retirés du processus de composition de la CENI en raison d’irrégularités flagrantes. Le président de la CENI a été pratiquement imposé à son poste par le pouvoir politique en place. Le plus grand groupement politique de l’opposition, le Front Commun pour le Congo (FCC) du Président honoraire Joseph Kabila Kabange, s’est retiré du processus. Pour cette structure, le processus est totalement irrégulier. Elle réclame, comme l’ensemble de l’opposition, que la CENI soit recomposée. Les mêmes préoccupations concernent la composition actuelle de la Cour constitutionnelle, chargée notamment de valider les résultats des élections qui doivent être proclamés par la CENI. Ici encore, les membres de la Haute Cour ont été nommés en violation flagrante de la Constitution et d’autres textes légaux en la matière. De plus, la majorité des membres nommés sont proches du pouvoir politique et obéissent souvent aux injonctions de ce dernier. Cette dépendance du pouvoir judiciaire a été à l’origine d’un scandale juridique qui a discrédité la plus haute juridiction du pays, il y a trois mois. En effet, en l’espace d’une année, cette Cour a émis deux arrêts contradictoires sur la même matière sans aucun élément nouveau. En l’occurrence, la Cour s’est déclarée compétente en novembre 2022 pour juger un ancien Premier ministre, alors qu’elle s’était déclarée incompétente une année auparavant. Entre les deux décisions, la majorité des juges est restée la même, en dépit du fait que la Cour dispose d’un nouveau juge président davantage pro-pouvoir, le précédent ayant été évincé pour avoir dit le bon droit. Que ferait-on s’il advenait que la Cour émette deux arrêts contradictoires pour l’élection d’un président de la République ? Par ailleurs, le processus d’enrôlement des électeurs, qui a débuté il y a près de deux mois à travers le pays, souffre de nombreuses insuffisances telles que des pannes fréquentes de machines, des coupures d’électricité dans certains endroits empêchant le fonctionnement des machines, un nombre insuffisant de machines par rapport au nombre de personnes à enrôler, une faible qualité des cartes imprimées, un délai d’enrôlement insuffisant, etc.

Ce que je pense est que le processus électoral actuellement mené par la CENI n’inspire pas la confiance d’une grande partie de la population, et encore moins des différents acteurs politiques, en particulier ceux de l’opposition. Les deux principales églises du pays, catholique et protestante, sont également très préoccupées. Elles ont vivement critiqué la découverte de certains équipements de vote, tels que des fiches et des cartes d’électeurs, dans le véhicule accidenté d’un député national appartenant à l’Union sacrée, un regroupement politique soutenant le président de la République. On craint que la situation catastrophique qui s’est produite en décembre 2018 à la suite des élections présidentielle et législatives ne se reproduise. En effet, une bonne partie des personnes proclamées «vainqueurs» des élections n’ont pas été effectivement élues. En un mot, les résultats proclamés par la CENI et confirmés par la Cour constitutionnelle n’ont pas été totalement conformes aux résultats des urnes. Cette situation est préjudiciable à la démocratie et peut entraîner des troubles sociaux si elle se reproduit en décembre 2023. En effet, il est peu probable que la population demeure indifférente à un tel résultat, contrairement à ce qui s’est passé en décembre 2018. L’accalmie précédente était justifiée notamment par le fait que la population avait obtenu le changement du régime politique qu’elle cherchait à tout prix. Par contre, si en décembre 2023 la population n’obtient pas le changement qu’elle escompte à l’issue du vote, sa réaction risque d’être imprévisible. D’où l’importance et l’urgence pour le gouvernement de prendre des actions devant rétablir la crédibilité du processus électoral en cours. La CENI et la Cour constitutionnelle méritent d’être recomposées conformément aux lois du pays. L’opération d’enrôlement en cours d’exécution nécessite d’être recrédibilisée. Si toutes ces recommandations ne sont pas prises en compte, les élections, si elles ont lieu en décembre 2023, n’atteindront nullement leur objectif, celui de permettre à la population de se choisir des dirigeants qu’elle veut et mérite. Le pouvoir aura alors, comme en 2018, dilapidé 500 à 600 millions de dollars américains qui auraient dû servir à la construction des infrastructures de plusieurs natures dont le pays a cruellement besoin pour son développement. Enfin, il est important de souligner que le manque de dirigeants de qualité impacte négativement et directement tous les compartiments de la vie nationale d’un pays. Des élections non crédibles hypothèquent donc l’avenir de tout un pays.

La jeunesse congolaise, est-elleréellement l’avenir de ce pays ?

Ce que je pense est que la jeunesse est effectivement l’avenir d’un pays. Le cycle de la vie est ainsi fait. On nait un jour, c’est le point de départ. On meurt un autre, c’est la fin de course. Entre les deux points, il y a la vie avec ses différentes tranches d’âges. La jeunesse, la tranche la plus belle, parfois la plus insouciante, court de la naissance jusqu’à 24 ans environ. On est généralement pris en charge par les parents. Puis intervient l’âge adulte jusqu’à 74 ans. C’est la tranche la plus responsable et la plus productive de l’être humain. Enfin, survient la vieillesse qui conduit à la mort. Elle est marquée par la baisse drastique de la force productive, mais aussi et surtout par la survenance de la sagesse tirée de l’expérience des hauts et des bas de deux précédentes périodes. Personne, quels qu’en soient les moyens. Voilà pourquoi, la jeunesse constitue l’avenir d’un pays, voire de l’humanité, parce qu’elle est la seule, telle est l’évidence, à pouvoir entrer dans l’âge adulte, la plus longue tranche de vie d’un être humain sur terre, soit près de 50 ans.

Ce que je pense est que la jeunesse doit être préparée pour qu’elle soit en mesure de jouer efficacement et pleinement son rôle. Et l’éducation est la seule voie pour y arriver. Une jeunesse éduquée dispose de toutes les capacités intellectuelles et humaines pour affronter les principaux défis de la vie ; Cette dernière pouvant être considérée, à juste titre, comme un processus au cours duquel l’homme trouve continuellement des solutions aux différents problèmes qu’il rencontre pour son mieux-être et celui de ses semblables. Voilà pourquoi l’essentiel du temps de la jeunesse est consacré à l’éducation. Deux types d’éducation se juxtaposent à cet effet. L’éducation sociale ainsi que l’éducation à l’école primaire et secondaire, puis à l’université. La première commence dès le bas âge et se passe en famille. Elle transmet les valeurs qui guident la vie d’un être humain sur la terre comme le travail, l’honnêteté, la discipline, la constance, la culture, le respect, la persévérance, la loyauté, l’amour, la bonté, l’humilité, la lecture, etc. Ce type d’éducation se poursuit jusqu’à ce que le jeune quitte la maison, généralement entre 18 et 25 ans. Il est martelé, par exemple, à un japonais, dès son bas âge, que l’on n’arrive jamais en retard à une rencontre. La ponctualité étant considérée comme un signe de respect à soi-même et aux autres. La deuxième éducation, pour rappel, est scolaire et universitaire. Pendant près de 18 ans, l’homme acquiert des connaissances dans tous les domaines de la vie sur terre. Il apprend à lire et écrire, à réfléchir, à découvrir et comprendre le monde, à l’exploiter et à le façonner. Les différentes inventions et découvertes sur terre procèdent essentiellement de cette deuxième éducation qui donne à l’homme les capacités intellectuelles de se poser toute sorte des questions et d’y répondre en vue de rendre sa vie davantage agréable. Cette éducation est la première qui dote l’homme des valeurs indispensables à la vie sociale et forme le binôme magique qui permet à la jeunesse d’être utile à la société. Donc, chaque pays se doit de s’assurer de la qualité de ces deux types d’éducation au profit de sa jeunesse.

Ce que je pense est que les jeunes de la plupart des pays en développement sont de plus en plus mal préparés à prendre la relève de la gestion tant publique que privée de leurs entités territoriales. Celles-ci sont contraintes à ne jamais aspirer au cercle réduit des pays développés, encore moins à celui des économies émergentes. S’agissant de l’éducation sur les valeurs, la plupart des familles, sous le poids de crise socio-économique multiforme, semblent l’avoir abandonnée croyant qu’elle sera prise en charge par les pouvoirs publics à l’école. Ces derniers, au nom d’une certaine laïcité mal comprise, ont exclu des programmes scolaires et universitaires, la formation à l’éducation de la vie. Les cours de civisme et de religion ont été supprimés. La conséquence est que les jeunes rentrent dans la vie active avec un déficit chronique des principales valeurs, pourtant indispensables pour leur réussite. Ils y arrivent parfois avec des anti- valeurs. En ce qui concerne l’éducation scolaire et universitaire, sa qualité ne fait que baisser alors que les défis s’accroissent au regard des enjeux mondiaux de plus en plus complexes. Les certificats d’études et diplômes supérieurs ou universitaires ont davantage des valeurs plutôt symboliques. Ce ne sont que de parchemins ! Du coup, on se trouve devant une jeunesse qui n’a pas suffisamment de valeurs et de compétences intellectuelles pour affronter les principaux défis du développement. Une jeunesse qui ne croit plus aux vertus du travail, qui adore l’enrichissement facile et considère la fraude et la corruption comme des facteurs clés de la réussite dans la vie. Une jeunesse qui croit que le secteur public est le meilleur secteur de production de richesse en lieu et place du secteur privé comme reconnu universellement. Dans ces conditions, la jeunesse ne constitue pas l’avenir d’un pays. Au contraire, elle devient un danger, mieux un facteur du sous-développement. La majeure partie de la jeunesse congolaise semble être classée dans cette catégorie où les politiciens ont des émoluments faramineux et disproportionnés qui n’ont de référence nulle part dans le monde.

Dans cette catégorie où seuls les services et administrations publics offrent les meilleurs avantages 7 financiers que dans le secteur privé. Dans cette catégorie où la ruse, l’inconstance et la transhumance constituent le meilleur mode de vie. Ainsi, il est désormais facile de voir dans le pays, des jeunes sortis fraichement de l’Université devenir chefs des partis politiques sans aucun projet de société, être élus députés nationaux ou provinciaux sans aucune idéologie politique, ou encore être élus sénateurs sans aucune expérience et sagesse. Personne ne veut plus rentrer dans le secteur privé où l’exercice de la profession devient un calvaire au regard de tracasseries administratives de toute nature et de la surtaxation au profit des fonctionnaires de l’Etat et des acteurs politiques. C’est l’inversion des valeurs. Le secteur public, moins productif, mais régulateur et incitatif, est prisé tandis que le secteur privé, plus productif et moteur de l’économie, est délaissé. En définitive, lorsque la jeunesse est prise dans son propre piège et ne constitue plus l’avenir d’un pays, il s’ensuit que le développement n’est plus possible

Ce que je pense : Qui veut la paix prépare la guerre.

Ce que je pense est que la paix et la sécurité ont un prix. Et elles coûtent chères. Il faut investir dans la formation des hommes. Il faut envoyer ces derniers dans de bonnes écoles militaires ou de guerre. Il faut des armes et munitions, des chars de combat, des véhicules blindés, des bateaux, de porte-avions, de sous-marins, des avions, hélicoptères et autres. Bref, il faut des moyens pour pouvoir acquérir les équipements nécessaires et s’assurer de la formation des militaires. En plus, il faut le renseignement. La guerre peut se gagner, se perdre ou s’éviter avec le renseignement. D’où il est nécessaire de connaitre la position de l’adversaire, le nombre de ses effectifs, la quantité et qualité de ses équipements et le niveau de formation de ses troupes pour mieux l’attaquer et se défendre. Ce qui implique un travail d’espionnage et de contre-espionnage, ce, même en temps de paix. « Qui veut la paix prépare la guerre », disait l’officier prussien Clausewitz, reprenant ainsi la thèse du chinois Sun Tsu selon laquelle « l’art de la guerre, c’est de soumettre l’ennemi sans combattre ».  Au-delà de l’armement et de la formation, il faut de la discipline. Celle-ci demeure la mère des armées. Aucune armée, y compris la mieux équipée, ne peut gagner la guerre si elle est désorganisée. Par contre, une armée moins équipée mais très disciplinée, dévouée et engagée peut mettre en difficulté une grande armée. Personne ne peut oublier la victoire en six jours en 1967 de l’armée israélienne sur les armées égyptienne, jordanienne et syrienne. Nous ne pouvons pas non plus oublier comment l’armée américaine, la plus puissante au monde, a subi la plus cuisante défaite de son histoire face à l’armée vietnamienne en dépit de ses moyens démesurés et de l’usage massif d’armes chimiques. Tout récemment encore, l’armée américaine vient de se désengager de l’Afghanistan, laissant la place aux Talibans qui ont repris les commandes du pays après plusieurs années de bataille disproportionnée en leur défaveur.

Ce que je pense est que la RDC devra toujours s’attendre à des attaques de ses voisins dans la mesure où ces derniers voudront profiter de ses larges richesses, particulièrement minières. Quoi de plus cohérent que de voir des pays voisins comme le Rwanda et l’Ouganda tabler l’expansion de leurs économies respectives notamment sur le pillage de ressources de la RDC ? Le Rwanda, particulièrement, a compris que tant que l’insécurité causée notamment par des groupes armés, demeurera dans l’Est de la RDC, son économie prospèrera bien. De ce fait, il ne pourra que soutenir directement ou indirectement ces groupes armés ou carrément créer des soi-disant rébellions pour atteindre ses objectifs socio-économiques internes. C’est dans cette philosophie que le mouvement armé « M23 » a été créé par le Rwanda pour déstabiliser militairement l’Est de la RDC. En effet, du fait des frontières héritées de l’Occident, il existe, en RDC, une communauté tutsie qui parle le kinywaranda comme la population rwandaise. Il est donc aisé pour le Rwanda de soutenir militairement et d’instrumentaliser cette communauté contre l’armée congolaise pour ensuite parler d’une guerre congolo-congolaise. Alors qu’il s’agit purement d’une agression voilée de l’armée rwandaise. Cela a été par ailleurs confirmé par les deux rapports des groupes d’experts de l’ONU établis respectivement en 2012 et 2022. Des preuves indiscutables contenues dans ces rapports indiquent notamment comment les unités armées rwandaises appuient le M23 et attaquent des positions de l’armée congolaise.

Ce que je pense est que la RDC doit cesser de pleurer chaque jour pour dire que le M23 est une fabrication militaire du Rwanda pour déstabiliser la RDC. Tout le monde le sait, y compris les Nations unies. Le Rwanda le sait aussi, même s’il ne peut jamais le déclarer tout haut. C’est politiquement et diplomatiquement inacceptable. Ce pays a des objectifs à court, moyen et long termes précis et connus. Dans le court et moyen termes, il veut tirer profit des richesses minières de notre pays. A long terme, le Rwanda veut étendre son territoire sur une partie de terres congolaises estimant que les frontières congolo-rwandaises avaient été mal tracées et qu’il faut les repousser. Un ministre rwandais n’avait pas manqué de dévoiler ces intentions lors d’une interview accordée à l’une de chaines internationales très suivies en Afrique. Par ailleurs, la thèse d’éclatement du pays a déjà été soutenue par certains professionnels politiques occidentaux au cours des années 90 pendant que l’espace territorial de la RDC était divisé en quatre et contrôlé, d’une part, par des rébellions, et d’autre part, par le gouvernement légal. Cette idée a disparu au cours des années 2000 lorsque la RDC s’est réunifiée et a retrouvé la paix dans la quasi-totalité de son territoire. Elle est revenue à la surface depuis quelques temps à la suite de l’insécurité permanente dans plusieurs localités de l’Est du pays, particulièrement au Nord Kivu et en Ituri. Ce qu’il faut faire pour contrer ce type de plan machiavélique, c’est de travailler sur la construction d’une armée capable d’imposer la paix et la sécurité dans l’ensemble du territoire national et de dissuader les pays voisins de nous attaquer. Napoléon Bonaparte disait que la paix doit être glorieuse. De ce fait, une paix offerte est un mot vide de sens. Il ne faut donc pas compter sur l’appui de la communauté régionale et internationale pour sécuriser le territoire national. Aucune armée étrangère ne viendra se battre à la place des Congolais. C’est bien de précipiter le départ de la Monusco. Mais, c’est mieux de s’assurer qu’après son départ, l’armée congolaise sera en mesure de mettre fin à la multitude de mouvements armés qui opèrent dans le territoire national depuis une vingtaine d’années et de faire face aux agressions des armées étrangères sous toutes leurs formes. Sinon, ce serait faire le lit d’une insécurité quasi-permanente à l’Est du pays et réveiller les esprits de partisans de la balkanisation du pays. 

Kindu, le 12 août 22

Ce que je pense : Le glissement politique ou la violation de la constitution?

Ce que je pense est que le glissement d’un mandat politique est une violation flagrante de la Constitution qui est la loi suprême du pays. En effet, en ses articles 70, 103, 105, 197, il est dit que les élections doivent se réaliser tous les cinq ans. Cela s’entend à tous les niveaux (présidentiel, législatif national et provincial ainsi que territorial). Si pour une raison ou une autre ce délai n’est pas respecté, la gouvernance politique du pays rentre totalement dans l’illégalité, mieux dans l’inconstitutionnalité. On peut vouloir inventer un terme pour « purifier » le péché politique commis, en le dénommant « glissement », « prolongation », « rattrapage-covid », le contenu reste le même : il s’agit bien de la violation de la Constitution, l’objectif visé étant de rester au pouvoir au-delà de la période requise par le constituant. Les motifs pour justifier ce dérapage ne manquent jamais : insuffisance de moyens pour financer le processus électoral, survenance de la pandémie qui a occasionné de contre-performances économiques, nécessité d’une réforme de la loi électorale, recensement de la population pour s’assurer du nombre exact des électeurs. Ces arguments paraissent politiquement corrects, mais ne sont pas conformes à la volonté du peuple. En effet, la limitation de mandats politiques répond principalement aux exigences de redevabilité en vue de permettre aux dirigeants élus de rendre compte à la population ; C’est sur base du travail accompli par le gouvernement que la population est à mesure de renouveler ou pas les mandats de ses dirigeants ou représentants. C’est cela la démocratie ; comme le disait Abraham Lincoln à Gettysburg, le 19 novembre 1863, c’est le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple.

Ce que je pense est que la durée d’un mandat présidentiel n’est pas une invention congolaise comme d’aucuns peuvent l’imaginer. Elle peut être de sept ans comme jadis en France, cinq ans comme en RDC ou quatre ans comme aux Etats Unis, la plus grande démocratie du monde. Le mandat peut être renouvelable une fois ou plusieurs fois comme en Allemagne selon la volonté du constituant mieux exprimé par la Constitution. Angela Merkel a été réélue quatre fois et a passé seize ans (2005-2021) au pouvoir en Allemagne, la plus puissante économie de l’Europe. Elle a quitté le pouvoir avec une forte popularité. Ce n’est pas la durée du mandat qui garantit des bons résultats du gouvernement ou d’un régime politique. Sinon, le Maréchal Mobutu, qui a passé trente-deux ans au pouvoir de manière ininterrompue, aurait hissé la RDC parmi les économies émergentes du monde. Par ailleurs, les présidents américains ne seraient jamais réélus parce que le court mandat de quatre ans ne permettrait pas à leurs gouvernements de réaliser des résultats socio-économiques sur base desquels le peuple déciderait. Or, Bill Clinton a été réélu du fait de performances socio-économiques remarquables qu’il a réalisées au cours du premier mandat de quatre ans. D’une manière générale, on a vu des dirigeants restés longtemps au pouvoir être chassés par le peuple ; par contre, on a vu de dirigeants accomplir leurs mandats courts et être réélus plusieurs fois, comme Angela Merkel tout récemment. Tout est question fondamentalement des résultats obtenus au terme du mandat, qu’il soit long ou pas. Et cela est fonction, de la qualité du leadership et de la gouvernance. La pandémie, les catastrophes naturelles, les rébellions, les guerres, l’âge et autres ne peuvent pas constituer des arguments valables pour justifier une prolongation de mandat.   

Ce que je pense est que le prix à payer d’un glissement politique est généralement très lourd qu’on ne peut l’imaginer. Principalement, parce qu’il détruit la fondation sur laquelle est bâti le pacte de communion et de redevabilité entre les dirigeants et le peuple, à savoir la confiance. Comment voulez-vous que le peuple ait confiance en ses dirigeants lorsque ceux-ci s’opposent à sa volonté de limitation de mandats librement exprimée dans la Constitution ? Or, rien d’efficace, d’excellent et de durable ne peut être accompli sans la confiance. Et pour contourner la volonté du souverain primaire, les dirigeants politiques passent par des formules anticonstitutionnelles et illégales généralement connues sous la dénomination de « consultation nationale » ou « dialogue national » qui ne sont pas des élections et qui ne peuvent nullement les remplacer.  Ces forums monstrueux téléguidés par les tenants du pouvoir produisent souvent des institutions politiques telles que « gouvernement d’union nationale » ou « gouvernement de transition » ou « gouvernement de coalition ». Ce type d’institution est obligé, pour sa survie, de réunir non seulement les tenants du pouvoir, mais aussi les tenants de l’opposition. Les deux blocs s’entendent alors pour gérer le pays dans l’illégalité totale au grand dam de la population. Ce qui amplifie la fracture entre le pouvoir et le peuple. Le cas le plus récent est celui du dernier glissement en 2017-2018.

Ce que je pense est que la prolongation des mandats électifs, quelle que soit sa durée, la formule et la communication utilisées pour justifier la décision, est nuisible non seulement à la population, au pays mais aussi aux dirigeants. A la population, parce que les gouvernements de coalition ou d’union nationale, ont généralement produit de mauvais résultats socio-économiques à cause de l’inefficacité de la politique économique en proie en de contradictions internes dues aux conflits d’idéologies et d’objectifs des principaux coalisés. Au pays, parce la crise de confiance qui en résulte et ainsi que les tensions sociales qui s’ensuivent, refluent les incertitudes et détériorent le climat des affaires ; ce qui impacte négativement l’investissement privé, base de toute croissance économique et prospérité. Aux dirigeants, parce qu’à terme, ils sont contestés par la population du fait non seulement de la rupture de confiance, mais aussi de résultats socio-économiques mitigés résultant du glissement politique et du manque de cohérence de la politique mise en place, dictée par les échéances électorales plutôt que par l’intérêt général et le respect des outils programmatiques du pays. L’idéal serait donc à tout point de vue et à tout prix d’éviter le glissement politique sous toutes ses formes, y compris par le changement de la Constitution pour le réajustement de la durée du mandat. On connait la recette et c’est du « déjà vu » : on change la constitution, et on remet le compteur des mandats à zéro. Dans tous les cas, les résultats sont les mêmes. Que dire de pays qui n’ont pas de Constitution et qui respectent scrupuleusement les us et coutumes établis ? Que dire de ceux qui l’ont, mais ne le changent jamais et qui progressent économiquement chaque année ? les meilleurs exemples pour la RDC sont légion et copier les bons modèles ne constitue point une faiblesse, encore moins une défaite ! Au contraire !

                                                                       Kindu, le 06 août 2022.