Ce que je pense : Le glissement politique ou la violation de la constitution?

Ce que je pense est que le glissement d’un mandat politique est une violation flagrante de la Constitution qui est la loi suprême du pays. En effet, en ses articles 70, 103, 105, 197, il est dit que les élections doivent se réaliser tous les cinq ans. Cela s’entend à tous les niveaux (présidentiel, législatif national et provincial ainsi que territorial). Si pour une raison ou une autre ce délai n’est pas respecté, la gouvernance politique du pays rentre totalement dans l’illégalité, mieux dans l’inconstitutionnalité. On peut vouloir inventer un terme pour « purifier » le péché politique commis, en le dénommant « glissement », « prolongation », « rattrapage-covid », le contenu reste le même : il s’agit bien de la violation de la Constitution, l’objectif visé étant de rester au pouvoir au-delà de la période requise par le constituant. Les motifs pour justifier ce dérapage ne manquent jamais : insuffisance de moyens pour financer le processus électoral, survenance de la pandémie qui a occasionné de contre-performances économiques, nécessité d’une réforme de la loi électorale, recensement de la population pour s’assurer du nombre exact des électeurs. Ces arguments paraissent politiquement corrects, mais ne sont pas conformes à la volonté du peuple. En effet, la limitation de mandats politiques répond principalement aux exigences de redevabilité en vue de permettre aux dirigeants élus de rendre compte à la population ; C’est sur base du travail accompli par le gouvernement que la population est à mesure de renouveler ou pas les mandats de ses dirigeants ou représentants. C’est cela la démocratie ; comme le disait Abraham Lincoln à Gettysburg, le 19 novembre 1863, c’est le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple.

Ce que je pense est que la durée d’un mandat présidentiel n’est pas une invention congolaise comme d’aucuns peuvent l’imaginer. Elle peut être de sept ans comme jadis en France, cinq ans comme en RDC ou quatre ans comme aux Etats Unis, la plus grande démocratie du monde. Le mandat peut être renouvelable une fois ou plusieurs fois comme en Allemagne selon la volonté du constituant mieux exprimé par la Constitution. Angela Merkel a été réélue quatre fois et a passé seize ans (2005-2021) au pouvoir en Allemagne, la plus puissante économie de l’Europe. Elle a quitté le pouvoir avec une forte popularité. Ce n’est pas la durée du mandat qui garantit des bons résultats du gouvernement ou d’un régime politique. Sinon, le Maréchal Mobutu, qui a passé trente-deux ans au pouvoir de manière ininterrompue, aurait hissé la RDC parmi les économies émergentes du monde. Par ailleurs, les présidents américains ne seraient jamais réélus parce que le court mandat de quatre ans ne permettrait pas à leurs gouvernements de réaliser des résultats socio-économiques sur base desquels le peuple déciderait. Or, Bill Clinton a été réélu du fait de performances socio-économiques remarquables qu’il a réalisées au cours du premier mandat de quatre ans. D’une manière générale, on a vu des dirigeants restés longtemps au pouvoir être chassés par le peuple ; par contre, on a vu de dirigeants accomplir leurs mandats courts et être réélus plusieurs fois, comme Angela Merkel tout récemment. Tout est question fondamentalement des résultats obtenus au terme du mandat, qu’il soit long ou pas. Et cela est fonction, de la qualité du leadership et de la gouvernance. La pandémie, les catastrophes naturelles, les rébellions, les guerres, l’âge et autres ne peuvent pas constituer des arguments valables pour justifier une prolongation de mandat.   

Ce que je pense est que le prix à payer d’un glissement politique est généralement très lourd qu’on ne peut l’imaginer. Principalement, parce qu’il détruit la fondation sur laquelle est bâti le pacte de communion et de redevabilité entre les dirigeants et le peuple, à savoir la confiance. Comment voulez-vous que le peuple ait confiance en ses dirigeants lorsque ceux-ci s’opposent à sa volonté de limitation de mandats librement exprimée dans la Constitution ? Or, rien d’efficace, d’excellent et de durable ne peut être accompli sans la confiance. Et pour contourner la volonté du souverain primaire, les dirigeants politiques passent par des formules anticonstitutionnelles et illégales généralement connues sous la dénomination de « consultation nationale » ou « dialogue national » qui ne sont pas des élections et qui ne peuvent nullement les remplacer.  Ces forums monstrueux téléguidés par les tenants du pouvoir produisent souvent des institutions politiques telles que « gouvernement d’union nationale » ou « gouvernement de transition » ou « gouvernement de coalition ». Ce type d’institution est obligé, pour sa survie, de réunir non seulement les tenants du pouvoir, mais aussi les tenants de l’opposition. Les deux blocs s’entendent alors pour gérer le pays dans l’illégalité totale au grand dam de la population. Ce qui amplifie la fracture entre le pouvoir et le peuple. Le cas le plus récent est celui du dernier glissement en 2017-2018.

Ce que je pense est que la prolongation des mandats électifs, quelle que soit sa durée, la formule et la communication utilisées pour justifier la décision, est nuisible non seulement à la population, au pays mais aussi aux dirigeants. A la population, parce que les gouvernements de coalition ou d’union nationale, ont généralement produit de mauvais résultats socio-économiques à cause de l’inefficacité de la politique économique en proie en de contradictions internes dues aux conflits d’idéologies et d’objectifs des principaux coalisés. Au pays, parce la crise de confiance qui en résulte et ainsi que les tensions sociales qui s’ensuivent, refluent les incertitudes et détériorent le climat des affaires ; ce qui impacte négativement l’investissement privé, base de toute croissance économique et prospérité. Aux dirigeants, parce qu’à terme, ils sont contestés par la population du fait non seulement de la rupture de confiance, mais aussi de résultats socio-économiques mitigés résultant du glissement politique et du manque de cohérence de la politique mise en place, dictée par les échéances électorales plutôt que par l’intérêt général et le respect des outils programmatiques du pays. L’idéal serait donc à tout point de vue et à tout prix d’éviter le glissement politique sous toutes ses formes, y compris par le changement de la Constitution pour le réajustement de la durée du mandat. On connait la recette et c’est du « déjà vu » : on change la constitution, et on remet le compteur des mandats à zéro. Dans tous les cas, les résultats sont les mêmes. Que dire de pays qui n’ont pas de Constitution et qui respectent scrupuleusement les us et coutumes établis ? Que dire de ceux qui l’ont, mais ne le changent jamais et qui progressent économiquement chaque année ? les meilleurs exemples pour la RDC sont légion et copier les bons modèles ne constitue point une faiblesse, encore moins une défaite ! Au contraire !

                                                                       Kindu, le 06 août 2022.

Ce que je pense : Le M23, est-ce une agression rwandaise ou une rébellion inter-congolaise ?

Ce que je pense est que le M23 est un mouvement militaire localisé dans le Nord-Kivu et qui plonge ses racines dans le Congrès national pour la défense du peuple (CNDP) créé en 2006. Celui-ci était aussi un mouvement rebelle établi dans le Nord et le Sud-Kivu par le général Laurent Nkunda, très proche du gouvernement rwandais. Le CNDP était composé essentiellement de soldats d’origine tutsi appartenant autrefois au Rassemblement congolais pour la démocratie, RCD, en sigle. Ce dernier était un groupe rebelle congolais actif dans la partie orientale du pays et qui s’est battu contre les forces armées congolaises. Le mouvement fut soutenu et téléguidé par le Rwanda, l’un des acteurs majeurs de la deuxième guerre en RDC. L’objectif était de renverser le Président Laurent-Désiré Kabila porté au pouvoir quelques années auparavant par le même Rwanda. L’aventure militaire rwandaise n’a pas réussi grâce notamment à l’intervention musclée et aéroportée de l’armée zimbabwéenne dans la périphérie de la ville de Kinshasa. Comme on peut le constater, le Rwanda se trouve à l’origine de la création du RCD, voire du CNDP duquel le M23 tire ses origines. Ce dernier mouvement est né en mai 2012 avant d’être vaincu en novembre 2013 par les forces armées congolaises appuyées par les forces de la Monusco. Le M23 vient encore de réapparaître en novembre 2021, comme l’avait prévenu le journal allemand Frankfurter Allgemeine Zeitung en 2013. Les revendications du groupe sont restées à caractère politico-ethnique. Sa dénomination procède d’un accord de paix signé le 23 mars 2009 entre les rebelles du CNDP et le gouvernement congolais.
Ce que je pense est que le M23 n’est nullement une rébellion inter-congolaise. C’est bien une agression rwandaise larvée sous forme de rébellion pour des objectifs de politique économique. Comment peut-on comprendre qu’une rébellion ne naisse toujours qu’à la frontière avec le Rwanda ? Et lorsqu’elle est vaincue, ses troupes s’enfuient dans le même pays sans être inquiétées. Et ses dirigeants y sont bien accueillis. Le Rwanda, considéré comme base arrière du mouvement, a toujours nié agresser la RDC. Ce qui est diplomatiquement normal. Aucun pays au monde ne peut accepter ouvertement agresser un autre sans motif valable. Le faire ou l’admettre serait contraire aux exigences de la Charte des Nations Unies et du droit international qui régit les relations entre Etats. La stratégie généralement utilisée par les Etats agresseurs est de créer ou de soutenir une rébellion et de se cacher derrière. Cela apparaît politiquement correct lorsque le pays agressé ne dispose d’aucune preuve pour le dénoncer. Dans le cas sous examen, les évidences de soutien au mouvement rebelle sont telles que l’entreprise rwandaise est politiquement incorrecte, voire inacceptable. En 2012 – 2013, les Nations Unies ont mené des enquêtes laborieuses qui ont démontré sur base d’un rapport dûment établi que le Rwanda avait participé activement à la création du M23. Le Rwanda l’a aussi soutenu dans ses opérations militaires. En outre, la Monusco avait gardé pendant quelques mois dans ses installations certains militaires capturés sur le champ de bataille et qui se réclamaient de l’armée rwandaise. J’ai eu moi-même à les visiter à Goma alors que j’étais Premier ministre. Ils parlaient anglais et kinyarwanda. Aujourd’hui encore, les forces armées congolaises ont capturé deux militaires appartenant aux forces armées rwandaises. Le Rwanda les a reconnus, réclamés, récupérés.
Ce que je pense est la RDC se doit de comprendre que le Rwanda ne cessera jamais de créer des rébellions et/ou des groupes armés et de les soutenir tant qu’elle ne disposera pas de forces armées capables de garantir la sécurité de ses citoyens, de son territoire et de ses immenses richesses, particulièrement celles situées à l’Est. Le gouvernement congolais se doit de comprendre que les actions déstabilisatrices du Rwanda et des autres voisins comme l’Ouganda se justifient, vu de leurs côtés, parce que fondées sur des objectifs de politique économique, visant à améliorer les conditions de vie de leurs populations. Les rapports annuels de la Banque centrale du Rwanda renseignent par exemple que ce pays exporte chaque année plus de produits miniers et autres qu’il n’en produit. D’où vient le surplus ? De la RDC, naturellement. Il appartient donc à la RDC de rétablir la puissance de son armée comme elle l’était vers les années 70 et 80. Au cours de cette période, elle était considérée comme l’armée la plus puissante d’Afrique centrale. Elle était même sollicitée pour des opérations de défense des intérêts de plusieurs pays comme le Tchad et le Rwanda. N’oublions pas que les forces armées zaïroises (FAZ) de l’époque, commandées notamment par le général Mahele, ont plusieurs fois mis en déroute la rébellion du FPR contre le Rwanda du Président Habyarimana. A l’époque, il était inimaginable que le Rwanda ou tout autre pays puisse attaquer ou déstabiliser la RDC. Et pourtant, c’est le cas aujourd’hui.
Ce que je pense est qu’il est grand temps que le gouvernement congolais se ressaisisse. Oui, qu’il se ressaisisse pour l’honneur de ses citoyens, de ses héros nationaux, et de ses ancêtres. Les critiques, parfois les plus humiliantes fusent de partout, comme jamais auparavant. Certains Présidents et vice-Présidents africains n’hésitent pas de traiter publiquement le gouvernement congolais d’incapable et d’irresponsable. Son peuple est qualifié de danseur, jouisseur et non travailleur. La RDC se doit de s’investir pour construire une armée digne de son peuple. Une armée disciplinée et bien payée, disposant des troupes bien entraînées, des infrastructures de logement adéquats, des équipements appropriés, et des services de renseignements efficaces. Comme l’a rappelé le Président ougandais Yoweri Museveni, aucune armée ne viendra défendre l’intégrité territoriale de la RDC si ce ne sont les congolais eux-mêmes. Il n’a pas tort. C’est illusoire de compter sur les Nations Unies, encore moins sur les forces sous-régionales de la SADC ou de l’EAC. Cela fait plus de vingt ans que les forces de la Monusco sont en RDC et coûtent plus d’un milliard de dollars américains chaque année. Des fonds dépensés pour rien diront les radicaux ! Car en effet, les groupes armés pullulent et les rébellions naissent et renaissent au vu de la Monusco. C’est-à-dire, en définitive, qu’il n’y a que le pays lui-même qui peut venir à bout de tous ces mouvements qui créent l’insécurité et la désolation dans l’Est du pays.
Ce que je pense est que la voix de la RDC, mieux, celle de son peuple, ne sera entendue sur les questions de paix et de sécurité que lorsque le pays disposera d’une armée forte. Sinon, on criera au terrorisme et les maîtres du monde contre ce fléau ne réagiront jamais. Ils ne le font qu’en fonction de leurs intérêts géostratégiques. Pour mémoire, ils sont restés aphones quand le régime du Président Kabila a qualifié le groupe armé ADF de terroriste. Aujourd’hui encore, ils ne réagissent pas lorsque le gouvernement congolais entonne la chanson de l’agression rwandaise ou qualifie le M23 de mouvement terroriste. Ils risquent d’ailleurs de ne jamais réagir. Et pourtant, ils savent plus que quiconque qu’il s’agit bien d’une agression ! Parce qu’ils ont les moyens et la technologie nécessaires pour le certifier. Ce qui veutdire que tant que la diplomatie congolaise restera moins active comme elle l’est encore, les grands du monde, champions de l’Etat de droit et du respect du principe de l’intangibilité des frontières, toléreront l’aventure rwandaise comme ils l’ont fait par le passé.
Ce que je pense est que la RDC se doit de compter sur elle-même pour mettre fin à cette crise sécuritaire quasi-permanente qui plombe ses efforts de développement depuis plusieurs décennies. Sinon, les superpuissances lui diront de toujours négocier avec la rébellion ou avec les groupes armés alors qu’elles-mêmes ne le font pas. « On ne négocie pas avec les terroristes ou les groupes armés », claironnent toujours les porte-paroles des gouvernements de pays développés. En effet, on ne peut pas négocier avec des militaires de sa propre armée qui se rebellent pour des raisons sectaires et pour l’intérêt d’un autre pays ! Il faut donc disposer d’une vraie armée qui permet au gouvernement d’imposer son point de vue à la fois aux groupes armés et aux rébellions. Ce n’est que de cette façon que la voix du pays sera entendue par la communauté internationale ou sous-régionale.
Salt Lake City (USA), 29 juin 2022.

Ce que je pense : Les assises de réconciliation du Grand Katanga : l’union fait la force !

Ce que je pense est que l’union fait la force. C’est sur fond de cette vérité que les acteurs politiques de l’ancienne province du Katanga se sont réunis du 17 au 22 mai dernier à Lubumbashi, chef-lieu de la nouvelle province du Haut-Katanga. C’est depuis quelques années que ce forum était ardemment voulu par plusieurs acteurs politiques du Katanga, principalement ceux proches de l’ancien président de la république, Joseph Kabila. L’objectif principal était de rapprocher ce dernier avec l’ancien gouverneur de province du Katanga, Moise Katumbi, devenu depuis lors un opposant farouche à l’ancien président de la république. Cela a pris du temps à cause principalement de la réticence du camp de l’ancien gouverneur. Dans l’entre-temps, le paysage politique a beaucoup changé : la majorité parlementaire est passée du camp du Front Commun pour le Congo (FCC) contrôlé par l’ancien président Kabila à celui de l’Union sacrée du Président de la République Félix Antoine Tshisekedi. Aussi, les relations entre cette dernière et l’ancien gouverneur se sont beaucoup refroidies. Alors qu’il fut l’un des principaux acteurs de l’écroulement de la majorité présidentielle du FCC, l’ancien gouverneur de province n’a été que faiblement récompensé. Aucun membre de son parti n’a pris la tête de l’une des trois principales institutions politiques du pays (Primature, Assemblée nationale et Sénat), encore moins d’un des principaux ministères au sein du gouvernement. Dans l’entretemps, la date des élections législatives et présidentielle n’est plus qu’à une année et demie. Les deux frères katangais, ennemis pour les uns, adversaires pour les autres, se sont finalement rencontrés et donnés, dans la cathédrale Saints-Pierre-et-Paul de Lubumbashi, une poignée de mains historique, symbole de la réconciliation et de l’unité des fils et filles de l’ancienne province du Katanga. La palme d’honneur revient à l’archevêque métropolitain de Lubumbashi, Monseigneur Fulgence Muteba, proche de Moise Katumbi, qui s’est totalement investi dans la réalisation de ce projet socio-politique difficile.

Ce que je pense est que le rapprochement formel de l’ensemble des acteurs politiques de l’ancienne province du Katanga est un signal politique fort qu’il ne faut nullement négliger. En effet, à la suite du découpage territorial intervenu en 2015, l’ancienne province du Katanga, s’est muée en quatre petites provinces, à savoir le Haut-Katanga, le Lualaba, le Haut-Lomami et le Tanganyika. Pour rappel, la décision du découpage territorial, bien que justifiée administrativement, avait été précipitée par le pouvoir politique de l’époque en vue principalement d’affaiblir l’ancien gouverneur de la province du Katanga, Moise Katumbi. Ce dernier était devenu encombrant après avoir quitté le PPRD, créé son propre parti, et exprimé ouvertement son ambition de briguer la magistrature suprême à la prochaine élection présidentielle. Le régime politique de l’époque avait donc concocté plusieurs actions judiciaires en vue de le faire condamner et l’empêcher d’être candidat à cette dite élection. Pour échapper à ce piège politique, l’ancien gouverneur s’était exilé en Europe et n’est rentré au pays qu’en 2019, à la faveur du nouveau régime dirigé par son allié, le Président Felix Antoine Tshisekedi. Ce dernier lui a restitué son passeport congolais et sa nationalité lui déniée par le régime politique précédent.

Ce que je pense est qu’il faut saluer la paix des braves entre les deux principaux acteurs politiques du grand Katanga. Mais, il faut que cette réconciliation soit différente des autres qui se sont tenues auparavant toujours à Lubumbashi pour rassembler les katangais. Il faut qu’elle augure une nouvelle ère de leadership et de gouvernance capable de relancer le développement de l’ensemble du Katanga. Jusque-là, seules deux provinces sur quatre ont enregistré un certain progrès socio-économique du fait principalement des retombées de l’exploitation minière. Il s’agit du Haut-Katanga et du Lualaba. Les deux autres provinces, à vocation essentiellement agricoles, sont restées à la traine ; l’agriculture ayant été quasiment abandonnée au profit des importations à partir de l’Afrique australe, particulièrement de la Zambie et de l’Afrique du Sud. En outre, les infrastructures ferroviaires et routières se sont fortement détériorées dès que les deux provinces du nord (Haut-Lomami et Tanganyika) se sont davantage éloignées de leurs deux consœurs du sud-Katanga. Malheureusement, la taxe spécifique sur le secteur minier instaurée par le gouvernement central en 2010 principalement pour résorber le déséquilibre en infrastructures entre les deux provinces du nord et celles du sud n’a pas atteint son objectif. La réconciliation politique ainsi réalisée, pour être pérenne et utile, devra être fondée sur la mise sur pied d’un plan d’intégration et de relance économique de toutes les quatre provinces nouvellement créées. Evidemment, ce programme économique régional devra être en harmonie avec le programme économique national.

Ce que je pense est que la réconciliation des acteurs politiques du grand Katanga peut influer sur les perspectives électorales et politiques de 2023. A condition que le bloc katangais redevienne compact comme auparavant. Entre 2010 et 2015, la majorité des acteurs politiques du Katanga étaient dans la majorité parlementaire contrôlée par le président de l’époque Joseph Kabila. Moise Katumbi était le gouverneur du Katanga. Kyungu wa Kumwanza était le président de l’assemblée provinciale. Les intérêts de principaux acteurs politiques de la province étaient mutatis mutandis les mêmes. Ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Certains opérateurs politiques du Katanga sont dans l’Union sacrée qui est au pouvoir. « Ensemble », le parti politique de Moise Katumbi, fait partie du gouvernement national, même si (tout le monde le sait), il existe plusieurs points de divergence entre ce parti et l’union sacrée du Président Tshisekedi. En effet, certains membres du gouvernement provenant de « Ensemble » ont déjà annoncé qu’ils resteraient du côté du pouvoir au cas où « Ensemble » de Moise Katumbi se décidait de quitter l’Union sacrée. A l’opposé, une bonne partie d’acteurs politiques du Katanga, particulièrement du FCC, sont dans l’opposition et ne sont pas en harmonie avec le pouvoir politique. Quelques-uns d’entre eux subissent parfois de tracasseries politico-judiciaires. D’autres sont même en exil.

 Ce que je pense est qu’en définitive, au-delà de la symbolique de la réunification et de l’unité du Katanga du 22 mai dernier, il existe encore beaucoup à faire pour reconstituer le bloc compact recherché capable d’être politiquement utile en 2023. Il faut que les katangais de l’opposition et du pouvoir transcendent leurs intérêts politiques respectifs et privilégient ceux de la province du Katanga. Ce qui n’est pas facile dans la configuration politique actuelle. Peut-être qu’il faudra pour cela un deuxième forum. Sinon, celui de fin mai dernier n’aura servi à rien. Il ressemblera aux autres qui l’ont précédé : un forum plutôt formel et politique qui n’a rien à voir avec les intérêts de la population. 

Washington, le 30 mai 2022.

Ce que je pense : Lorsque les Présidents du Sénat et de l’Assemblée nationale se contredisent !

Ce que je pense est que la situation de l’État de droit devient préoccupante lorsque deux hauts responsables du Parlement (Assemblée nationale et Sénat) se contredisent sur l’interprétation et la compréhension d’un article de la Constitution qui est la loi suprême du pays. Cela est d’autant plus grave lorsque cette contradiction se passe en plénière et en direct à la télévision nationale, même si l’intervention du président du sénat a précédé de quelques mois celle du président de l’assemblée nationale. Cela devient dramatique lorsque l’article à controverse est un pilier de la crédibilité de la Constitution en termes d’application de cette dernière. En effet, en décembre 2021, l’honorable Bahati, au grand étonnement de la majeure partie de la population congolaise, a dit clairement que l’Arrêt de la Cour constitutionnelle prononcé le 15 novembre 2021 sur le dossier Bukanga-Lonzo ne pouvait pas être appliqué par le Sénat. Il rajoute, ce qui est grave, que la Haute Cour a mal interprété l’article 164 de la Constitution, remettant en cause publiquement la compétence de celle-ci. Par contre, le Président de l’assemblée nationale Christophe Mboso, lors d’une intervention en plénière de l’honorable Daniel Nsafu qui remettait en cause une décision de la Cour constitutionnelle en rapport avec les élections présidentielles de 2018, est intervenu le 24 avril dernier pour rappeler à ce dernier que les arrêts de cette Cour sont non négociables, et s’appliquent à tous dans l’immédiat. Ce qui est du reste vrai et conforme à l’article 168, alinéa 1 de la Constitution.

Ce que je pense est que ce type de contradictions au sommet cache très mal la collusion de grandes des institutions qui symbolisent le pouvoir dans un pays. Il démontre à suffisance que le pouvoir législatif s’ingère dans la gestion du pouvoir judiciaire. Il trahit la main invisible du pouvoir exécutif sur le pouvoir judiciaire ; ce qui remet en cause le principe sacro-saint de la séparation des pouvoirs. Élaborée par Locke et Montesquieu au 17ème siècle, la théorie de la séparation des pouvoirs vise à séparer les différentes fonctions de l’État afin de limiter l’arbitraire et d’empêcher les abus liés à l’exercice des missions souveraines. S’agissant du dossier Bukanga-Lonzo, la Cour constitutionnelle a conclu que les poursuites judiciaires engagées contre le sénateur Matata n’étaient pas conformes à la Constitution. Or, l’article 168, alinéa 2 de la Constitution dit clairement que les actes non conformes à la Constitution sont nuls de plein droit. Comment alors le Président du Sénat, pouvait-il soutenir devant l’hémicycle qu’une décision de la Cour constitutionnelle ne concernait pas le Sénat ? Selon les professionnels de droit, un tel acte est qualifié de rébellion et mérite d’être sanctionné. Malheureusement, la Cour constitutionnelle est restée silencieuse face à cette remise en cause flagrante de ses compétences et attributions. La Cour de cassation, bien que saisie par un indépendant, est restée aussi indifférente face à ce dérapage juridique.  

Ce que je pense est que le silence de toutes les institutions républicaines sur la rébellion du Président du Sénat face à l’arrêt RP 0001 de la Haute Cour est coupable. La Présidence de la République se devait de rappeler au Président de la Chambre haute du Parlement que les arrêts de la Cour ne sont pas négociables. En outre, elle devait lui dire que seule la Cour constitutionnelle est compétente pour interpréter les articles de la Constitution. Enfin, elle devait lui demander de s’excuser publiquement. La Cour constitutionnelle, bien qu’astreinte à l’obligation du silence au regard de son rôle éminemment politique sur notamment l’interprétation des articles de la Constitution, se devait de montrer au Président du Sénat la gravité de son dérapage juridique et lui demander de faire amende honorable rapidement afin d’éviter une jurisprudence qui pourrait s’avérer préjudiciable à l’ensemble de la République, surtout lors de la publication des résultats électoraux de 2023. Enfin, la Cour de cassation se devait d’interpeller le Président du Sénat pour motif de rébellion. Malheureusement, la plainte introduite auprès de cette Cour par un congolais soucieux de l’application du bon droit est restée lettre morte.  

Ce que je pense est que les mêmes causes entrainent toujours les mêmes effets, toutes choses restant égales par ailleurs. Si hier, la RDC a été reprise sur la liste des pays où l’État de droit est loin d’exister, c’est notamment à cause de l’application sélective des articles de la Constitution et des lois de la République. Si la RDC est classée parmi les derniers pays du monde en ce qui concerne le climat des affaires, c’est notamment à cause de la faible qualité de la gouvernance juridique et judiciaire. Si les hommes d’affaires sérieux ne sont pas intéressés à investir dans notre pays, c’est notamment à cause de ces signaux diffus d’incertitude reçus des instances à la fois politiques, juridiques et judiciaires. Et cette attitude des investisseurs demeurera inchangée en dépit de campagnes dilapidant l’argent public pour promouvoir le climat des affaires. Si la RDC veut réellement rejoindre un jour la famille des États de droit, elle se doit de promouvoir la gouvernance juridique et judiciaire au niveau de toutes ses institutions. Aucune institution, soit-elle la chambre haute, ne doit être au-dessus de la loi. Sinon, cela reviendrait à chercher une chose et son contraire.    

Kinshasa, le 26 avril 2022

Ce que je pense : L’élection des gouverneurs de province ou le choix du développement

Ce que je pense est que la province est une entité territoriale qui constitue la base réelle du développement économique d’un pays. Au niveau politique, la province dispose d’une assemblée provinciale composée de députés élus au suffrage direct dans les différents territoires, et d’un gouvernement composé de ministres en charge des différents secteurs d’activité économique. L’assemblée provinciale est dirigée par un président, député élu par ses pairs de la province. Le gouvernement provincial est dirigé par un gouverneur élu aussi par les députés provinciaux. Alors que le gouverneur peut ne pas être un député, le président de l’assemblée provinciale, quant à lui, est absolument un élu de la province. Les ministres et autres cadres territoriaux sont nommés par le gouverneur qui tient compte de l’espace géopolitique, du poids de partis politiques dans la province et du plan de carrière de l’administration publique. Au niveau administratif, la province dispose de tous les démembrements territoriaux et administratifs allant du ministère à la direction, au service, à la division et au bureau, de manière à permettre la gestion hiérarchique équilibrée de tous les secteurs et entités de la province. En un mot, une province ressemble, mutatis mutandis, à un pays tout entier à la seule différence qu’elle est dirigée par un gouverneur en lieu et place d’un président de la république. Voilà pourquoi le développement des provinces conditionne celui du pays qui n’est en définitive que la représentation unifiée d’entités socio-économiques et politiques provinciales.

Ce que je pense est que le développement économique d’une province n’est possible que si l’assemblée et le gouvernement provinciaux fonctionnent en parfaite synergie. Le gouvernement provincial doit élaborer un programme économique et social capable de garantir le progrès socio-économique de tous les territoires, mieux, de l’ensemble de la province. Ce programme doit tenir compte du potentiel de ressources et de spécificités de la province, de son interconnexion avec les provinces voisines, tout comme il doit rester en harmonie avec le programme économique du gouvernement national. En effet, il y a de compétences socio-économiques qui reviennent exclusivement au pouvoir central, telles l’armée, la sécurité, les affaires étrangères etc…Par ailleurs, le gouvernement central doit veiller à la cohérence de l’ensemble des programmes économiques provinciaux pour préserver un développement équilibré de l’ensemble du pays. Ce qui justifie l’existence au niveau national d’une institution, la Caisse de péréquation. Par ailleurs, le budget provincial doit être tiré du programme économique provincial et en représenter une tranche annuelle de sa mise en œuvre. L’assemblée provinciale, en ce qui la concerne, doit édicter des édits devant garantir un fonctionnement efficace du gouvernement. En outre, elle doit en aval, assurer un contrôle efficace de la mise en œuvre du programme économique provincial, lequel aura été approuvé au préalable par elle.

Ce que je pense est que le choix et la désignation des dirigeants de l’assemblée provinciale et du gouvernement de la province constituent de décisions capitales devant entrainer, soit le développement, soit le sous-développement de la province. En effet, au regard des rôles clés que sont appelés à jouer l’un et l’autre dans la sphère provinciale, les atouts de leadership et de management demeurent cruciaux pour la réussite du programme économique. Voilà pourquoi le gouverneur de province, considéré comme chef du gouvernement provincial, doit être compétent, c’est-à-dire, disposer d’une base de connaissances intellectuelles solide et d’une expérience avérée dans la gestion. Le président de l’assemblée provinciale, en ce qui le concerne, doit être un homme politiquement rodé et capable de garantir la stabilité et l’efficacité du gouvernement provincial. Il devra veiller à l’équilibre stratégique, et parfois fragile, entre les intérêts des forces politiques en présence au sein de l’assemblée et les objectifs socio-économiques de la province devant être réalisés par le gouvernement provincial. Le binôme « président de l’assemblée provinciale » (avec tous les députés) et « gouverneur de province » (avec tous les ministres), constituent donc le nœud gordien de la problématique de la réussite du découpage territorial.

Ce que je pense est que le découpage territorial initié en 2013 est en train d’échouer lamentablement. Non pas parce que la réforme initiée est mauvaise, mais tout simplement parce que sa mise en œuvre est calamiteuse. En effet, rarement les conditions permissives à son succès ont été réunies. Dans la plupart de cas, les gouverneurs de province ainsi que leurs ministres ne répondent pas aux critères d’efficacité. Certains d’entre eux n’ont pas le niveau d’études requis pour occuper la fonction. On voit parfois des commerçants, des sportifs, des musiciens, de débrouillards, et autres coursiers, tous limités intellectuellement et sans expérience dans la gestion, devenir des gouverneurs. Certains d’entre eux, bien qu’originaires de la province, n’y ont jamais vécu. Ils y arrivent pour la première fois juste pour occuper la fonction. La plupart de gouverneurs n’amènent pas leurs familles en province. Celles-ci sont, soit à Kinshasa, soit à l’étranger. Le chef-lieu de la province n’est qu’un lieu de travail occasionnel et non une ville d’accueil et de vie permanente. Aussi tôt la charge terminée, le gouverneur rentre chez lui, abandonnant ses concitoyens de la province. Par ailleurs, dans la plupart des cas, le gouverneur de province ne bénéficie pas de l’appui de l’assemblée provinciale dont l’objectif est malheureusement souvent politique que socio-économique. Le président de l’assemblée et ses collègues députés reprochent souvent au gouverneur de ne pas bien s’occuper des élus du peuple. Ces derniers se préoccupent plus de leurs situations individuelles que de celle de la population. Il s’en suit des motions de toute nature pour faire partir le gouverneur. L’instabilité de gouverneurs est principalement justifiée par cette guéguerre perpétuelle entre les chefs de l’exécutif provinciaux et les députés provinciaux pour des intérêts plutôt financiers que de développement. La Conséquence est connue : près de 16 gouverneurs sur 26 ont été déchus de leurs fonctions depuis le début de cette législature. Cette instabilité a été la même au cours de la magistrature passée.

Ce que je pense est que l’échec du découpage n’est nullement lié à la question des originaires et non originaires de provinces. Les meilleurs gouverneurs de province devraient être des originaires, comme on le voit dans les grandes démocraties, aux Etats-Unis, en France ou en Grande Bretagne. Nous n’avons pas à inventer la roue dans ce domaine. Il en est de même des maires ou bourgmestres des villes ou des cités. Cela procède de la logique la plus simple : la personne la plus liée à un milieu qu’elle connait mieux est en mesure d’offrir le meilleur d’elle-même qu’une autre. Ce serait une erreur monumentale de vouloir revenir au principe de gouverneurs non originaires. Mais, il faut que le gouverneur originaire soit compétent et expérimenté pour faire le travail ! Que son gouvernement soit composé de ministres à la hauteur de leurs tâches, et que son administration dispose des cadres valables au service de la province ! Que son gouvernement reçoive régulièrement les rétrocessions du gouvernement central. Que son objectif principal soit celui de servir le peuple et non pas de se servir ou de servir les mentors politiques qui l’ont porté à la fonction, comme c’est le cas le plus souvent. Et qu’il bénéficie de l’appui de l’assemblée provinciale, et principalement de son président, dont il a besoin pour matérialiser son programme. Ce dernier devra faciliter l’adoption par l’assemblée provinciale de réformes nécessaires à l’implémentation du programme et budget provinciaux. Cette entité législative provinciale doit veiller à la mise en œuvre d’un leadership et d’une gouvernance de qualité, lesquelles conditionnent la réussite du programme économique provincial. 

Ce que je pense est que les opérateurs politiques ainsi que leurs regroupements doivent cesser de s’ingérer dans la désignation de gouverneurs de province dans le but de satisfaire leurs propres intérêts financiers et politiques en lieu et place de ceux socio-économiques de la province. Actuellement, plusieurs candidats proposés par les regroupements politiques sont contestés par la population de provinces. Des candidats médiocres, de surcroît non acceptés par la population, ne peuvent jamais, une fois nommés, produire de miracles. Par ailleurs, le gouvernement central devra cesser de violer continuellement la constitution et les lois du pays en s’immisçant  de manière flagrante dans la gestion des organes provinciaux : certains gouverneurs sous motion de déchéance, souvent pour mauvaise gouvernance, sont rappelés à Kinshasa pour être protégés, d’autres déchus sont réinstallés juridiquement de force contre le gré de la population, tout comme certaines assemblées provinciales sont illégalement interdites de siéger pour décider du sort des gouverneurs impliqués dans la mauvaise gouvernance. En effet, on ne peut pas à la fois se lamenter de l’instabilité de gouverneurs et en même temps ne pas doter ceux-ci de moyens financiers requis pour le fonctionnement de leurs provinces. Il y a de provinces qui ont jusqu’à 10 mois d’impaiements de rétrocessions. On ne peut pas regretter le sous-développement des provinces, et par conséquent du pays, et au même moment se décider de nommer et protéger les médiocres d’entre les citoyens comme gouverneurs, essentiellement pour des objectifs électoralistes. C’est tout simplement chercher une chose et son contraire.  En ce qui concerne les gouverneurs méritants, une fois nommés, ils doivent se mettre au travail pour l’intérêt de la population. Le Président de l’Assemblée provinciale ainsi que les députés provinciaux devront privilégier les intérêts de la majorité et appuyer le programme économique provincial.

Kinshasa, 06 avril 2022

Ce que je pense : Les professeurs d’université et la politique

Ce que je pense est qu’enseigner à l’université est un métier différent de celui de faire de la politique. Un professeur est chargé d’enseigner notamment à l’université, haut lieu de savoir et de la connaissance. C’est un spécialiste dans un domaine précis dont il est supposé avoir la parfaite maîtrise. Généralement, c’est quelqu’un qui a obtenu un diplôme de doctorat après quelques années d’études post universitaires. En principe, au-delà de sa charge horaire à l’université, il fait des recherches dont les résultats sont publiés pour garantir le progrès de l’humanité. Un politique, quant à lui, fait de la gestion de la cité son métier principal. Il peut œuvrer à la présidence, au gouvernement, au parlement ou dans la territoriale. Il travaille pour l’amélioration des conditions de vie de la population au travers la mise en œuvre de plusieurs projets. Il a donc l’obligation des résultats au profit de l’ensemble du pays. Le politique est différent du politicard, ou « politicailleur ». Ce dernier est souvent intrigant et recourt aux tactiques visant à prioriser ses desseins personnels par rapport à ceux de la communauté.

Ce que je pense est qu’un professeur d’université peut être un bon enseignant sans être un bon politique. En effet, enseigner c’est transmettre la connaissance aux étudiants. Il suffit de bien maitriser son domaine, bien préparer sa leçon et bien transmettre la matière pour bien accomplir sa mission à la grande satisfaction des apprenants. Cela suffit-il pour être un bon politique ? Pas nécessairement ! Parce que le domaine de l’enseignement reste essentiellement celui de la théorie, de la recherche, de discussions et débats. C’est un environnement où les pesanteurs en termes de restriction de liberté de pensée et d’expression n’existent quasiment pas. La politique, par contre, relève du domaine du concret ou de la pratique. C’est le lieu par excellence de l’application des connaissances produites par l’université ou de la mise en œuvre de fruits de la recherche, tous deux le creuset de la science. C’est un milieu d’expression de contradictions et de pesanteurs de toute nature qui plombent la mise en œuvre de différentes théories.    

Ce que je pense est qu’un professeur d’université peut devenir un bon politique. Il suffit qu’il mette en pratique comme il faut les théories qu’il enseigne à l’université ou les produits de ses recherches. Evidemment, avec un dosage subtil entre la théorie et la pratique requis par l’environnement politique est plus que nécessaire. Le professeur Raymond Barre, surnommé le meilleur économiste de France de l’époque, a été un bon premier ministre en France de 1976 à 1981. Evidemment, dès sa nomination à ce poste, il a exprimé sa volonté d’« exercer sa fonction de premier ministre dans la plénitude de ses attributions ». Un autre exemple récent est celui de Angela Merkel, professeure de Physique qui vient de diriger l’Allemagne de manière excellente pendant 16 ans. De 2006 à 2021, elle a été considérée comme la femme la plus puissante du monde et a bénéficié jusqu’à la fin de son mandat d’une cote de popularité particulièrement importante. On peut rentrer dans l’histoire de la RDC pour parler du cas du professeur de droit Marcel Lihau, qui a exercé de manière excellente plusieurs fonctions publiques, notamment celle de secrétaire d’Etat à la justice dès 1961, mais qui fut révoqué en juillet 1975 de ses fonctions de professeur et de président de la Cour suprême de justice pour avoir refusé de se compromettre en accompagnant le Président Mobutu dans l’illégalité.

Ce que je pense est que la mise en œuvre d’une théorie enseignée à l’université est plus complexe que l’on ne puisse l’imaginer. Voilà pourquoi certains professeurs d’université deviennent parfois de mauvais politiques. Tout simplement, parce qu’ils sont incapables de mettre en pratique la théorie qu’ils enseignent à l’université. Il faut, en plus de la connaissance, avoir du leadership et de la gouvernance de qualité. Ainsi, un bon professeur d’économie peut ne pas être un bon ministre des finances ou encore moins, un bon gouverneur de la Banque centrale ; un brillant professeur en sciences politiques peut se révéler un médiocre politique à la tête du ministère de l’intérieur ou de l’administration du territoire ; certains spécialistes en relations internationales peuvent devenir de mauvais ministres des affaires étrangères. Nous l’avons vécu dans ce pays, principalement au cours de la deuxième république. Pour fustiger l’inefficacité de plusieurs professeurs d’université qui ont œuvré à ses côtés comme premiers ministres, ministres, directeurs de cabinet, conseillers ou PDGs, le Président Mobutu a parlé de la République des professeurs. Un message cynique pour dire que la brillance de certains d’entre eux se limitait uniquement à l’université. Lorsque la République offrait à ceux-ci la possibilité de mettre en pratique leur compétences, ils n’y arrivaient pas. L’environnement y était-il propice ? 

Ce que je pense est que le Président Mobutu n’avait pas tort de dénoncer cette contradiction flagrante, car la république des professeurs continue à fonctionner malheureusement jusqu’aujourd’hui. En effet, certains d’entre eux sont les premiers, lorsqu’ils enseignent à l’université, à démontrer comment on conçoit et met en œuvre une politique de santé, d’industrialisation, ou d’éducation ; bref, comment on développe un pays. En outre, ils excellent dans les critiques pour dénoncer l’incompétence ou la mauvaise gouvernance des politiques qui sont à la base du sous-développement de leur pays. Ce qui bâtit leur réputation dans les milieux universitaires, voire professionnels et communautaires. Mais, quand on leur confie la gestion des ministères ou des institutions publiques, ils sont par moment pires que ceux qu’ils critiquaient. Pourquoi ? D’abord parce qu’enseigner la théorie est aisée, la mettre en pratique est complexe et difficile. Ensuite, parce que certains professeurs utilisent leurs diplômes comme tremplin pour accéder au pouvoir. C’est qu’au fond, ils ne viennent pas en politique pour l’intérêt général, mais pour leurs propres intérêts. Du coup, ils ne savent pas appliquer la théorie qu’ils enseignent à l’université, contrairement à leurs collègues cités ci-haut qui ont fait un meilleur alliage de la théorie et de la pratique ou ont refusé de tomber dans le piège de la mauvaise gouvernance. 

Ce que je pense est qu’on peut être un bon politique sans être professeur d’université, ou sans avoir été à l’université. Le plus important est d’avoir une très bonne base de connaissances apprises à l’école et qui peut être complétée notamment par la lecture et de formations pratiques, l’autodidactie. Les exemples des dirigeants non universitaires qui ont contribué au progrès économique de leurs pays sont légion. Pierre Bérégovoy n’avait qu’un brevet élémentaire et un certificat d’aptitude professionnelle (CAP) d’ajusteur, mais il est devenu ministre des finances et premier ministre en France. Il avait été surnommé « monsieur de la rigueur » ou « monsieur le Franc fort ». Le cas le plus récent et frappant est celui du Président Lula da Silva qui a dirigé le Brésil de 2003 à 2010. Issu d’une famille très pauvre et faute de moyens, il a arrêté les études à l’âge de 15 ans environ. Il n’a eu qu’un certificat d’études. Il a été cireur de souliers, vendeurs des oranges et de cacahuètes avant de devenir un ouvrier tourneur et syndicaliste dans une industrie métallurgique. Mais, devenu Président de la république en 2003, grâce à son programme social Bolsa Familia, Lula da Silva a réussi à réduire de moitié (de 9,7 % à 4,3 %) le pourcentage de la population vivant dans l’extrême pauvreté et de 15 % les inégalités de revenus dans le pays. Le taux de satisfaction de la population à son départ du pouvoir était de 80 %. Il était considéré comme l’un des présidents de gauche les plus populaires au monde. L’ex-président Barack Obama n’a pas hésité à le qualifier de « politicien le plus populaire sur terre ». Bien que n’ayant jamais été à l’université, il a reçu plusieurs titres de docteur honoris causa des prestigieuses universités aux USA et en Europe. Et la population brésilienne voulait bien qu’il rempile d’autres mandats en dépit de restrictions constitutionnelles. Il a refusé de faire le glissement.

Ce que je pense est que le vagabondage politique de professeurs en déficit de leadership et de gouvernance et qui sont à la recherche des intérêts plutôt personnels que communautaires est de nature à déflater la prestigieuse fonction d’enseignant à l’université et, à terme, à hypothéquer l’avenir du pays. Sinon, comment comprendre qu’un professeur en sciences politiques puisse se prévaloir d’être un acteur principal à la fois dans l’opposition et au pouvoir ? D’une part, il est membre influent du think tank de son parti qui se trouve dans l’opposition, d’autre part, il élabore les stratégies à mettre en œuvre par le parti au pouvoir contre notamment son propre parti. Comment peut-il au même moment conseiller le parti qui cherche à se maintenir au pouvoir et son propre parti qui cherche à déloger celui qui dirige ? Comment peut-il conseiller le parti au pouvoir à défaire l’opposition dans laquelle il se trouve et qu’il défend et protège ? Ceci est en contradiction flagrante avec les enseignements de sciences politiques qu’il continue à dispenser lui-même à l’université. C’est comme s’il était à la fois le conseiller de Dieu et du diable ! De quoi ressusciter Nicholas Machiavel, le célèbre auteur du livre « Le Prince ». Comment voulez-vous que les étudiants le croient quand « le Prof. Dr. » n’est pas en mesure d’appliquer ce qu’il enseigne à l’université ? Dira-t-il à ces derniers, en référence à l’évangile selon Saint Matthieu : « faites ce que je dis, mais ne faites pas ce que je fais » ? N’est-ce pas confirmer ce que François Rabelais disait au seizième siècle : « science sans conscience n’est que ruine de l’âme ».

Kinshasa, 13 février 2022.

Ce que je pense : l’Etat congolais est-il capable de financer les élections de décembre 2023?

Ce que je pense est que le financement des élections constitue un casse-tête pour beaucoup de pays africains. C’est aussi le cas de la RDC qui, à chaque cycle électoral, se déclare ne pas disposer de suffisamment de moyens pour y faire face. Alors que j’étais ministre des finances entre 2010 et 2012, donc au centre du financement des élections présidentielle et législatives de fin 2011, le Trésor public a déboursé près de 400 millions de dollars américains pour permette à l’Etat congolais de réussir le premier financement des élections sur base de ressources propres après la réunification du pays en 2003. C’était une prouesse exceptionnelle au regard de l’étroitesse de l’espace budgétaire du pays. Beaucoup des pays occidentaux n’y croyaient nullement. Cependant, la rigueur dont nous avions fait montre dans la gestion des finances publiques avait payé. En 2018, le Trésor public a déboursé près de 600 millions de dollars américains pour venir à bout de ce même type d’élections. C’était la seconde expérience du financement des élections sur ressources propres. Elle était plus couteuse. On peut en déduire qu’en moyenne, il faut près de 500 millions de dollars américains pour sécuriser le financement du paquet des élections sur ressources propres. Ce coût exorbitant est lié principalement à la mauvaise gouvernance et au déficit d’infrastructures de transport et de communication dans le pays. Les multiples dénonciations de détournement des fonds faites au cours de dernières élections en sont la preuve.

Ce que je pense est que la RDC, à l’instar d’autres pays africains, est en mesure d’assurer le financement du cycle électoral sur base de ses ressources propres. Mais, pour y parvenir, Il faudra bien planifier l’opération. Prenons l’hypothèse qu’il faut débourser un montant de 500 millions de dollars américains pour financer l’ensemble des élections qui devront se dérouler en décembre 2023. Il faudra que tous les paiements soient effectués six mois avant le jour du scrutin, soit au plus tard le 30 juin 2023. Ce qui permettra de disposer de bulletins de vote et de tous les matériels nécessaires au plus tard le 30 septembre 2023. Cela permettrait à la Commission électorale indépendante (Ceni) de disposer du temps nécessaire, soit près de trois mois, pour dispatcher dans le vaste territoire congolais l’ensemble du dispositif électoral. Si le déboursement des fonds avait commencé au lendemain de dernières élections, c’est-à-dire dès janvier 2019, le déboursement mensuel aurait été uniquement de près de 10 millions de dollars américains. A ce jour, le compte dédié aux élections détiendrait un solde positif de près de 360 millions de dollars américains. Il ne resterait qu’un montant de 140 millions de dollars américains à mobiliser d’ici fin juin 2023. Ce qui serait soutenable pour le budget de l’Etat. Etant donné qu’il ne nous reste plus que dix-sept mois pour exécuter l’ensemble des opérations financières liées aux prochaines élections, l’Etat congolais est obligé de débourser mensuellement près de 30 millions de dollars américains à partir de février 2022 pour prétendre réaliser les 500 millions de dollars américains nécessaires à fin juin 2023. Ces fonds devraient être versés en principe dans un compte spécial de la Ceni pour permettre à cette dernière de s’acquitter convenablement de ses obligations envers l’ensemble de la communauté nationale en décembre 2023.

Ce que je pense est que la cherté du processus électoral en RDC nous replonge dans la problématique de l’opportunité des élections par rapport aux objectifs de développement économique dans les pays du Tiers-monde. C’est le fameux dilemme entre la démocratie et le développement. Un Chef d’Etat africain me posait une fois la question de savoir si les élections, vu leur coût exorbitant, ne constituaient pas un frein au développement des nations. La question vaut son pesant d’or lorsqu’il apparait qu’avec 500 millions de dollars américains, un pays en développement est en mesure de financer plusieurs projets et de faire avancer significativement son agenda du développement. A titre d’exemple, avec ce montant, selon qu’on le consacre entièrement à un seul projet, on peut bitumer 400 à 500 kilomètres de routes, financer deux parcs agro-industriels, acquérir cinq avions airbus 319 neufs, acheter plus de quatre mille bus neufs de transport en commun de marque Mercedes, construire plus de quatre mille écoles primaires et secondaires, bâtir plus de 30 universités, ériger plus de 30 hôpitaux modernes, construire plus de cinq barrages hydro-électriques à dimension moyenne ou plus de 50 centrales de production d’eau potable.

Ce que je pense est qu’autant il faut financer le développement économique, autant il faut financer les élections. Sans toutefois chercher à soutenir le financement des élections quel que soit son coût, il n’en est pas moins vrai qu’elles demeurent cruciales pour garantir un développement harmonieux et durable des pays. Car elles permettent de disposer de meilleurs dirigeants pour son pays tant au niveau national que provincial. Mais, il faut que ces élections reflètent effectivement le choix de la population, c’est-à-dire, qu’elles servent à proclamer des dirigeants réellement élus par la population. Parce que si les élections ne constituent qu’une pièce de théâtre tragicomique, comme on en a vu plus d’une fois, pour nommer des dirigeants nationaux et provinciaux, ou les députés nationaux et provinciaux, le développement économique risque de ne jamais être au rendez-vous. L’on donnerait alors raison aux pourfendeurs des élections alors que celles-ci n’ont jamais été de vraies. À quoi ça servirait de dépenser 500 millions de dollars pour financer le sous-développement au travers d’un simulacre d’élections ?

Ce que je pense est qu’il faut que les opérateurs politiques congolais se réveillent pour se rappeler du sens exact des élections qui n’est autre que de permettre au peuple de se choisir de meilleurs acteurs du progrès économique à l’échelle tant nationale que régionale. C’est ce que les pays occidentaux et orientaux ont fait et continuent de faire pour faire avancer l’agenda de développement de leurs pays. Sinon, les élections n’ont aucun sens. Il faut que les opérateurs politiques se réveillent pour se rappeler que les institutions chargées d’organiser les élections – comme la Ceni en RDC– ne sont pas des machines à fabrication des dirigeants politiques ou des députés, mais plutôt des véhicules précieux de canalisation et d’expression de la volonté et du choix du peuple. Ce sont des personnes élues qui doivent être proclamées. Sinon, les élections ne valent rien. Il faut que les opérateurs politiques se réveillent pour se rappeler qu’on ne peut pas dépenser un demi-milliard de dollars américains, voire plus comme en 2018, pour faire des élections dans un pays où il n’y a pas de routes, d’écoles et d’hôpitaux de qualité. C’est irrationnel. C’est inacceptable. Dans ce pays, on peut faire des élections avec 250 millions de dollars, voire moins, si les élections sont planifiées, budgétisées et si les ressources y affectées sont gérées de manière efficiente.

Ce que je pense est qu’il ne faut jamais compter sur l’aide extérieure pour organiser les élections dans son pays. D’abord, parce qu’elle ne viendra pas ; l’occident a ses problèmes financiers actuellement, notamment à cause de la COVID. Ensuite, si elle arrive, ce ne sera que sous forme d’appui, notamment en termes d’observateurs indépendants ou d’aide de transport pour dispatcher le matériel électoral. Voilà pourquoi il faut rationaliser la gestion des fonds par la Ceni pour premièrement réduire l’enveloppe de financement des élections à plus ou moins 250 millions de dollars américains. Ensuite, investir dans la réhabilitation des infrastructures de transport et de communication pour réduire significativement le coût lié au déploiement des équipements et du personnel à travers le pays. Enfin, savoir stocker les équipements qui peuvent être réutilisés (machines à voter et autres matériels). Si cela n’est pas fait, ce sera un éternel recommencement. Le problème de financement des élections se posera toujours à chaque cycle électoral et le glissement du mandat politique au pouvoir paraitra toujours la meilleure solution pour résoudre le problème. Et pourtant, le glissement est le meilleur moyen d’inviter la mauvaise gouvernance dans la gestion des affaires publiques au travers d’un gouvernement d’union nationale issu d’un dialogue national. 𝐂𝐞 𝐬𝐞𝐫𝐚𝐢𝐭 𝐥’𝐞́𝐭𝐞𝐫𝐧𝐞𝐥 𝐫𝐞𝐜𝐨𝐦𝐦𝐞𝐧𝐜𝐞𝐦𝐞𝐧𝐭 𝐬𝐮𝐫 𝐥𝐞 𝐜𝐡𝐞𝐦𝐢𝐧 𝐝𝐮 𝐬𝐨𝐮𝐬-𝐝𝐞́𝐯𝐞𝐥𝐨𝐩𝐩𝐞𝐦𝐞𝐧𝐭.

𝐊𝐢𝐧𝐬𝐡𝐚𝐬𝐚, 𝐥𝐞 𝟐𝟖 𝐣𝐚𝐧𝐯𝐢𝐞𝐫 𝟐𝟎𝟐𝟐.

Ce que je pense L’arrêt de la Cour constitutionnelle remis en cause par le Sénat et le Parquet général près cette Haute juridiction. Où est l’Etat de droit ?

𝐂𝐞 𝐪𝐮𝐞 𝐣𝐞 𝐩𝐞𝐧𝐬𝐞 est que jamais les hautes juridictions judiciaires du pays n’ont été mises à dure épreuve comme dans le dossier Matata. En effet, plus le temps passe, plus les motivations profondes du procès se dévoilent; ce qui met en mal l’État de droit dans le pays. Loin d’être un dossier judiciaire, il apparait au grand jour qu’il s’agit plutôt d’un dossier foncièrement politique. Sinon, comment peut-on imaginer qu’un arrêt rendu par la Cour constitutionnelle, la plus haute juridiction du pays, puisse être contesté par l’organe judiciaire chargé de son application, à savoir le Parquet général près la Cour ? Et pourtant la loi organisant le fonctionnement de cette Cour, en son article 94, stipule à son alinéa 2 ce qui suit : « ils (les Arrêts) sont immédiatement exécutoires ». Et à son alinéa 3, il rajoute ceci : « Le Procureur général en poursuit l’exécution ». Or, ce dernier a refusé d’exécuter l’Arrêt de la Cour au grand étonnement de neuf juges composant cette institution. Le Procureur général a récupéré le dossier de force directement du greffe de la Cour et l’a rétransféré, contre le gré de la Cour, au parquet près la Cour de cassation, en violation de la Constitution et de la loi organisant le fonctionnement de la Cour constitutionnelle. L’objectif étant de trouver à tout prix une juridiction capable de condamner Monsieur Matata. C’est cela l’État de droit !

𝐂𝐞 𝐪𝐮𝐞 𝐣𝐞 𝐩𝐞𝐧𝐬𝐞 est que jamais on n’a vu dans ce pays, une institution ou une personnalité de haut rang récuser publiquement la compétence de la Cour constitutionnelle à interpréter un article de la Constitution. Et pourtant, c’est une compétence constitutionnellement reconnue uniquement à cette importante institution qui regorge d’éminents professeurs, juristes et autres professionnels du secteur. Curieusement, le président du Sénat, Modeste Bahati Lukwebo, lors de la plénière du sénat le 9 décembre 2021, a soutenu publiquement que la Cour constitutionnelle a mal interprété l’article 164 de la Constitution.   L’opprobre a été ainsi jeté par le président du Sénat aux neuf juges de la Cour pour leur incapacité à interpréter un article de la Constitution. Mais, selon le sénateur Evariste Boshab, professeur de droit constitutionnel, c’est bien le président du Sénat qui a fait une interprétation erronée de cet article. Face au silence incompréhensible de la Cour constitutionnelle, la population se pose la question de savoir à qui elle doit croire quant au contenu exact de cet article. Aux neuf juges de la Cour ou au Président du Sénat, constitutionnaliste de circonstance ? Il est vrai qu’il se dégage de l’article 10 de la Loi organique n°13/026 du 15 octobre 2013 portant organisation et fonctionnement de la Cour constitutionnelle que le Juge constitutionnel prête serment de « …garder le secret des délibérations et des votes,  de ne prendre aucune position publique, de ne donner aucune consultation à titre privé sur les questions relevant de la compétence de la Cour constitutionnelle et de n’entreprendre aucune activité mettant en cause l’indépendance, l’impartialité et la dignité de la Cour ». Nous estimons cependant, que l’État de droit exige qu’en de telles circonstances, la Cour constitutionnelle rompe son silence mythique et édifie davantage les citoyens, car elle est la seule institution compétente en la matière. Les contrevérités distillées par le Président du Sénat sont de nature à semer la confusion au sein de l’opinion tant nationale qu’internationale. Cette attitude qui est constitutive de rébellion à l’égard de l’arrêt de la Cour, porte naturellement atteinte à la dignité des membres de la Cour que le législateur voudrait pourtant intangible à la lecture du serment que prêtent lesdits membres. C’est cela l’État de droit. 

𝐂𝐞 𝐪𝐮𝐞 𝐣𝐞 𝐩𝐞𝐧𝐬𝐞 est que l’on ne peut pas rechercher un État de droit et au même moment tolérer la méconnaissance publique des décisions de la Cour constitutionnelle par un citoyen, soit-il, chef d’une haute institution, pourtant tenu à l’obligation de réserve. Ce mauvais précédent constitue un risque de dérapage très élevé pour le pays, car, les décisions de la Haute Cour deviennent contestables en fonction de la position que l’on occupe ! Bien plus, le prix à payer pour les générations futures est énorme parce que désormais, l’incertitude plane sur le caractère obligatoire des arrêts la Cour. Comment le Président du Sénat peut-il soustraire d’office le sénat de la zone d’exécution des actes posés par la Cour ? En effet, ce dernier, lors de la plénière suscitée du 9 décembre, a déclaré publiquement que le Sénat n’était pas concerné par l’Arrêt RP 0001 de la Cour constitutionnelle sur le procès Matata. Tout simplement, parce que la décision rendue était en faveur de ce dernier. Les décisions de la Haute cour sont-elles acceptables et exécutoires en fonction du jugement que l’on souhaite recevoir d’elle ? Or, la Constitution, en son article 168, stipule que « les arrêts de la Cour constitutionnelle ne sont susceptibles d’aucun recours et sont immédiatement exécutoires. Ils sont obligatoires et s’imposent aux pouvoirs publics, à toutes les autorités administratives et juridictionnelles, civiles et militaires ainsi qu’aux particuliers ». Le silence constaté de toute part, surtout de la Cour constitutionnelle et de la Présidence de la république face à cette rébellion du Président du sénat est très inquiétant et remet en cause les perspectives d’un véritable État de droit.  Une réaction appropriée s’impose pour rétablir la crédibilité entachée de cette institution quant aux décisions qu’elle a prises et qu’elle est appelée à prendre. Ne faut-il pas l’oublier, la Cour constitutionnelle est le juge naturel du Président de la république et du Premier ministre en fonction, et qu’à ce titre les décisions les concernant ne devraient souffrir d’aucune incertitude. Par ailleurs, n’oublions pas que la même Cour est compétente en matière électorale, pour les élections législatives nationales et celles présidentielles; que partant, c’est elle qui en proclame les résultats définitifs. Ne creuse-t-on par la tombe à la démocratie et à l’Etat de droit avec de telles attitudes ?

𝐂𝐞 𝐪𝐮𝐞 𝐣𝐞 𝐩𝐞𝐧𝐬𝐞 est que la Constitution est la loi suprême du pays. C’est l’expression de la volonté du peuple tout entier. A ce titre, elle est au-dessus de tout le monde. Elle doit donc être observée et appliquée par tous dans sa totalité et non en partie, à tout moment et non quand on veut. Si certaines autorités, à cause de leur position institutionnelle, peuvent se dire publiquement non concernées par la Constitution lorsqu’elles n’y trouvent pas d’intérêt et ne recourir à celle-ci que quand ça les intéresse, ce n’est plus la Constitution. Ça devient un livre ordinaire comme tous les autres qui ne valent que le prix de l’encre et du nombre des pages qui s’y trouvent. A terme, la Constitution perd sa crédibilité et sa puissance publique, comme on l’a vu par le passé au cours de la Deuxième République. Ça devient un instrument au service des plus forts qui ne représentent qu’une frange marginale de la population. Un outil en défaveur des plus faibles qui constituent la majorité du peuple. Il importe par conséquent de veiller à son application sans faille, ce qui consoliderait la fondation de la justice dans le pays. La justice élève les nations, dit-on. Elle constitue le socle des vieilles démocraties et des économies émergentes. Elle conditionne en réalité l’État de droit dont la RDC a besoin pour prétendre s’inscrire sur la trajectoire de l’émergence et du développement.

𝐊𝐢𝐧𝐬𝐡𝐚𝐬𝐚, 𝐥𝐞 𝟐𝟗 𝐝𝐞́𝐜𝐞𝐦𝐛𝐫𝐞 𝟐𝟎𝟐𝟏.

Ce que je pense : la politique et l’économie

Ce que je pense est que la politique et l’économie sont deux compartiments qui s’emboîtent totalement et que de ce fait, l’un ne peut bien fonctionner efficacement sans l’autre. Faites-moi de la bonne politique, je vous ferai des bonnes finances, dit-on. De même, une économie faible est un sérieux handicap au secteur politique. En effet, un discours politique, quel qu’il soit, sans action faute de moyens, perd au fil de temps sa densité et sa crédibilité. A terme, la politique perd sa base. Voilà pourquoi, il est toujours recommandé que ce soit le parti qui a gagné les élections qui dirige le pays ! Tout simplement parce que c’est ce parti qui est en mesure d’avoir la totale commande de l’appareillage institutionnel, de former un gouvernement, et de mettre en œuvre un programme économique cohérent soutenu par la majorité du peuple. La vision du pouvoir est partagée par les aspirations du peuple, et les réformes, douloureuses soient-elles, sont acceptées par ce dernier parce qu’elles visent le bien-être général de la population.

Ce que je pense est qu’un gouvernement de coalition est un handicap majeur à la bonne marche de l’économie. En effet, un tel gouvernement est un produit de plusieurs partis ou groupements politiques qui peuvent ne pas partager la même vision ! Et si on n’a pas la même vision, on n’a pas nécessairement les mêmes objectifs. De même, les méthodes et techniques de mise en œuvre de l’action gouvernementale peuvent être différentes. Voilà pourquoi, il y a de partis de gauche et de droite, d’extrême gauche et d’extrême droite, des Démocrates et des Républicains, des Socialistes et des Capitalistes ou alors des Centristes. Tous visent à conquérir le pouvoir pour le bien-être de la population, mais avec de clés de mise en oeuvre des politiques économiques différentes.

Ce que je pense est que la coalition FCC-CACH n’est pas en mesure de s’extraire de cette logique universelle. Les deux groupements politiques n’ont pas la même vision, les mêmes objectifs, et les méthodes de travail. Par ailleurs, il y a une forte hétérogénéité de l’appareil politique et économique. Le groupement CACH a été proclamé  a été proclamé gagnant de la majorité parlementaire. Et, selon la Constitution, c’est le FCC qui a choisi et proposé le premier ministre qui dirige actuellement le gouvernement. Et c’est toujours le FCC qui a choisi la présidente de l’Assemblée Nationale et le président du Sénat. Alors que le Président de la République provient du CACH, les chefs de trois institutions susdites sont quant à eux l’émanation du FCC. Voilà pourquoi il existe actuellement un gouvernement de coalition dont les postes ministériels sont partagés par les deux groupements politiques. En principe, seul le FCC devait former le gouvernement et aucun ministre ne proviendrait du CACH. Mais, parce qu’en coalition, le FCC a accepté d’attribuer une partie du portefeuille ministériel au CACH. Cela reste conforme au contenu d’un accord secret signé entre les chefs de deux groupements et qui recommande une gestion partagée du pouvoir et à tour de rôle pendant plusieurs mandatures.

Ce que je pense est que le rendement d’une telle machine institutionnelle ne peut qu’être faible. En effet, les deux groupements politiques n’ayant pas nécessairement le même idéal, les mêmes pratiques et vertus de gestion ne peuvent que s’entrechoquer. C’est la règle… Un gouvernement d’union nationale, quel que soit l’attrait de sa dénomination – gouvernement du peuple, de combat, de salut public, de sauvetage ou d’union nationale – ne produit jamais des résultats que délivrerait un gouvernement issu d’une majorité électorale et qui aurait la cohérence de son action.

Cela s’entend avec une politique économique efficace. Voilà pourquoi le gouvernement Matata 1 de 2012, issu de la majorité parlementaire, a produit plus de résultats que le gouvernement Matata 2. Le gouvernement Matata 1, composé de 36 ministres issus tous de la majorité ayant

gagné les élections présidentielle et parlementaire, a bénéficié de l’harmonie non seulement en son sein, mais aussi entre toutes les institutions de la république, surtout entre la présidence de la république et la primature. Ce qui a permis au gouvernement de réaliser les réformes requises et de produire des résultats socio-économiques appréciables. Pour de raisons essentiellement politiques, Matata 2 a été formé le 14 décembre 2014 à la suite des concertations du Palais du peuple ayant permis l’entrée dans le gouvernement des ministres issus de l’opposition républicaine. Ce gouvernement a subi un réaménagement technique le 25 septembre 2015 avec le départ des ministres membres du G7. En dépit d’une bonne entente entre les institutions qui étaient toujours dirigées par les mêmes responsables, Matata 2 a moins délivré en termes de résultats, notamment du fait de l’affaiblissement de leadership et de la gouvernance au sein de l’équipe gouvernementale.

Ce que je pense est que tant qu’un gouvernement de coalition présidera aux destinées du pays au cours de la période 2019-2023, il serait illusoire de s’attendre à des résultats économiques et sociaux appréciables. Tout simplement à cause de la désharmonie flagrante entre les différentes institutions de la république. En effet, la mésentente entre les deux chefs de groupements politiques en coalition est devenue un secret de polichinelle. La guerre entre les deux chambres du parlement et la présidence est de notoriété publique. La lutte des pouvoirs entre la présidence et la primature pollue totalement l’environnement des affaires. La cacophonie au sein de l’équipe gouvernementale est plus que paralysante. Que peut-on attendre d’un tel cocktail?

Ce que je pense est que le salut proviendrait principalement d’un effort exceptionnel que les deux Coalisés fourniraient pour rétablir l’harmonie entre les différentes institutions et particulièrement au sein du gouvernement. Au regard du niveau de dégradation des relations entre les deux parties, cela apparait irréalisable. Mais, tout est possible. Il faut plutôt un dépassement de soi au profit de la majorité. Sinon, ce sera la fin de la coalition qui ouvrirait la voie à une cohabitation entre les deux partenaires actuels. Le CACH n’aurait alors aucun ministre dans le gouvernement. L’atmosphère politique risquerait d’être plus polluée que celle d’aujourd’hui. Ou alors, on dissoudrait l’Assemblée Nationale pour reconstituer la majorité parlementaire et rétablir l’harmonie institutionnelle inexistante aujourd’hui. Dans ce cas et selon la Constitution, le gouvernement a l’obligation de réaliser les élections dans les 60 jours après la dissolution. Le gouvernement, a-t-il les moyens de réaliser un tel projet ? Lorsque les dépenses des salaires, de fonctionnement, de paiement de la dette extérieure et intérieure, ainsi que de souveraineté représenteraient plus de 100 % de ressources internes de l’Etat, l’on peut se poser la question de savoir d’où proviendraient les 450 millions de dollars américains minimum qu’il faut pour réaliser le scrutin dans un délai record. Ou enfin, le Président de la république constituerait, à la fin de ses consultations politiques, toujours les mêmes fameuses consultations depuis les années Mobutu-, une nouvelle majorité parlementaire avec des députés débauchés du FCC. Une hypothèse, certes difficile, mais politiquement à haut risque. Elle remettrait en cause l’une de prémisses de base de l’accord secret susdit, à savoir la préservation des acquis des élections de 2018. Quel en serait le prix au niveau de la stabilité politique et du progrès économique ? Difficile de l’imaginer. Mais, d’aucuns diraient : « le climat politique se détériorera davantage et l’économie continuera à plonger ». Quoi qu’il en soit, la solution mérite d’être trouvée rapidement par les deux coalisés pour minimiser les dégâts socio-économiques inévitables parce qu’à terme, la politique et l’économique s’entremêlant, ils paieront tous deux le prix fort.

29 Novembre 2020